Monaco-Matin

Procès des attentats de janvier  : ces accusés qui n’ont « pas le profil »

Au soir des premières auditions s’est dégagée l’impression que les complices des auteurs des attentats n’étaient pas tant motivés par l’idéologie ou la religion, que par le simple appât du gain

- SAMUEL RIBOT / ALP

Ils s’appellent Abdelaziz, Michel, Metin et Miguel. Ils sont français et belges, originaire­s de Turquie, d’Italie, du sud de la Wallonie ou de l’est de la France. Ces quatre hommes sont parmi les premiers à avoir pris la parole, hier, lors du procès des attentats de janvier 2015 qui s’est ouvert mercredi, à Paris, devant une cour d’assises spéciale. Et le premier constat qui s’impose est qu’on est là face à des profils qui ne rentrent pas dans les cases délimitées jusqu’alors par ce terrorisme islamiste qui occupe les tribunaux de l’Hexagone depuis une bonne dizaine d’années. Musulmans, oui, trois sur quatre – dont un converti, l’Ardennais Miguel Martinez – le sont. Aucun, toutefois, ne coche une seule des cases de la radicalité. Pas de fichage S, pas d’accointanc­e visible avec des prêcheurs extrémiste­s, pas d’historique Internet estampillé « djihadiste ». Tous, en revanche, affichent un pedigree de délinquant.

Ainsi l’aîné, Michel Catino, 68 ans, originaire de Charleroi. Un délinquant « à l’ancienne », qui a perdu pas mal d’argent et autant d’années dans les casinos de Belgique et d’ailleurs, et qui se refaisait de temps en temps en convoyant des stups ou en « rendant des services ».

« Je ne pourrai jamais partager cette idéologie »

Comme ceux qu’il assurait, depuis plus de trente ans, pour Metin Karasular, belge comme lui. Un enfant d’immigrés turcs au sang chaud, à qui Amedy Coulibaly et son complice principal, Ali Riza Polat, qui figure au banc des accusés, ont vendu quelques mois avant les attentats une Austin Mini appartenan­t à une certaine Hayat Boumeddien­e, compagne d’Amedy Coulibaly aujourd’hui recherchée (lire cidessous). Cette transactio­n a beaucoup intéressé les enquêteurs. Mais elle n’a pas été la seule entre la France et la Belgique.

Chez Metin Karasular, en effet, les enquêteurs ont trouvé des listes manuscrite­s recensant des armes – « Kalach, chargeurs, détonateur­s… » – et leurs prix supposés. La téléphonie, elle, a montré de multiples échanges entre ces hommes, mais pas seulement.

L’enquête a en effet rapidement conduit à deux autres personnes : Miguel Martinez et Abdelaziz Abbad. Tous deux originaire­s de la région de Charlevill­e-Mézières, ils auraient formé la cheville ouvrière de ce trafic d’armes entre Coulibaly et les Kouachi d’un côté, et leurs fournisseu­rs belges de l’autre. Là encore, les profils des deux hommes ne « matchent » pas vraiment avec ce qui ressort habituelle­ment de ces procédures. Martinez, un converti, a fait son pèlerinage à La Mecque, mais exprime à la barre son effroi et le « malaise » qu’il ressent face aux familles des victimes. Abbad, lui, l’affirme : « On n’assassine pas au nom d’une religion. Je ne pourrai jamais partager cette idéologie. » C’est là que se dessine une hypothèse aussi navrante qu’effrayante : et si ceux qui, par leurs actes complices, ont permis ces attentats, avaient juste agi par appât du gain ? Sans aucune idéologie, mais surtout, sans aucun scrupule ?

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(Croquis d’audience AFP) (De gauche à droite et de haut en bas) Abdelaziz Abbad, Michel Catino, Metin Karasular et Mohamed Fares.

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