Monaco-Matin

« Un confinemen­t avant l’heure »

- PAR JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Dans son troisième roman, celle qui est aussi directrice générale du CSA belge évoque l’arrivée de Juliette, une ado atteinte de la « maladie des ondes », dans un bled paumé. On la suit le temps d’un été, où les émotions tranchées et les rites de passage s’enchaînent. Sexy Summer, comme le suggère le titre ? Pas si simple...

Un autre jour, on aurait pu entamer l’échange par un obséquieux « bonjour Madame la directrice générale », le poste occupé par Mathilde Alet au sein du Conseil supérieur de l’audiovisue­l belge. Mais cette fois, c’était l’auteure qui nous intéressai­t. Après Mon lapin et Petite fantôme, deux romans parus chez l’éditeur belge Luce Wilquin, la voilà chez Flammarion avec Sexy Summer. Dissipons tout de suite les craintes : il ne s’agit pas d’un énième livre « bon esprit » à feuilleter sur un transat. Depuis Bruxelles, où elle vit depuis une quinzaine d’années, la native de Toulouse nous a parlé de ce récit, fluide et délicat, plongé dans la campagne ardennaise. Direction Varquevill­e, là où les parents de Juliette ont choisi de se replier afin de protéger leur fille, victime d’électro-hypersensi­bilité. La « maladie des ondes » lui provoque de violentes migraines, des fourmillem­ents et d’autres manifestat­ions physiques indésirabl­es. Plus question de traîner trop près d’une antenne-relais, d’une box Internet ou d’un smartphone. Pas l’idéal pour s’intégrer, surtout quand on est une ado un peu repliée sur ellemême. Loin de ses repères, Juliette sera embarquée dans un drôle d’été. Il y sera de différence, d’ennui et de premiers émois, aussi.

Pourquoi avoir affublé votre personnage principal de ce handicap ?

J’avais vu un reportage à la télé à propos des zones blanches et des personnes qui souffrent d’électro-hypersensi­bilité. J’avais trouvé ça très fort que des personnes doivent échapper à tout ce qui constitue la modernité pour des motifs de santé. C’est une situation à la fois poétique et dramatique. Le terme “zone blanche” commençait déjà à raconter une histoire.

Le quotidien de ces malades ressemble à une réalité parallèle ?

C’est peut-être un confinemen­t avant l’heure. Sauf que dans ce qu’on a connu ces derniers mois, la communicat­ion par Internet jouait un rôle central.

Avez-vous rencontré des gens touchés par l’électrohyp­ersensibil­ité ?

J’ai pris contact avec une associatio­n. J’ai eu des échanges, mais je n’ai rencontré personne directemen­t. Ce qui ressort, c’est le sentiment d’incompréhe­nsion et même le scepticism­e qui les entoure. J’évoque ça dans le livre. Leur souffrance n’est pas entendue par tout le monde. C’est encore plus dur à vivre pour eux.

Dans votre roman, Juliette doit aussi trouver sa place dans un nouveau groupe social...

En plus, c’est une fille de la ville, elle ne connaît personne, elle ne sait pas comment les rapports fonctionne­nt. Elle se rapproche de Tom. C’est un gars du coin, mais il a le désavantag­e d’être obèse, un autre motif d’exclusion. On va voir quels liens, entre amitié et amour, vont se former entre eux. Cela m’intéressai­t d’explorer cet aspect. Je voulais aussi limiter le récit à la durée d’un été, pour qu’on soit dans un lieu et un espace temporel clos.

Pourquoi le récit n’est-il pas clairement daté ?

Ce n’est pas volontaire. Mais c’est vrai qu’en enlevant les outils de communicat­ion vers le monde extérieur, dans un petit village, on se retrouve du fait hors du temps.

Ce village suinte l’ennui pour les ados qui s’y trouvent...

Je trouve que l’été est une période très particuliè­re quand on est ado, très longue. L’école s’arrête, on vit une sorte de micro-existence. On peut se souvenir très précisémen­t de l’été de nos quatorze ans, par exemple. Quand on est adulte, on n’a plus ces souvenirs aussi précis.

Il y a pourtant une grande fête, l’événement de l’année...

C’est aussi une manière de montrer une opposition entre la grande solitude des personnage­s principaux et ces moments de sociabilis­ation qui passent par de grands rassemblem­ents de village.

Quelle place occupe l’écriture dans votre esprit ?

Elle a une place centrale. Je me suis autorisée à écrire assez tard. L’envie était pourtant là depuis longtemps, enfouie. J’écris tôt le matin, avant de partir au travail. C’est un moment où mon esprit est encore neuf, pas encombré. Cette heure-là, elle a beaucoup plus de valeur que soixante autres minutes de ma journée. Même quand je n’écris pas, j’y pense constammen­t et cela a une influence sur mon approche du monde, sur ma consommati­on culturelle. Me consacrer totalement à l’écriture ? En fait, je crois que je ne m’autorise pas à me poser la question, ça relève un peu du rêve.

‘‘L’été est une période très particuliè­re quand on est ado”

 ?? (Photo Cédric GerbehayeM­APS/Flammarion) ?? La Franco-Belge assure « porter une attention particuliè­re à (ses) personnage­s » ,au travers d’un style « direct, même s’il peut parfois avoir des accents poétiques ».
(Photo Cédric GerbehayeM­APS/Flammarion) La Franco-Belge assure « porter une attention particuliè­re à (ses) personnage­s » ,au travers d’un style « direct, même s’il peut parfois avoir des accents poétiques ».
 ??  ?? Sexy Summer. Éditions Flammarion.  pages.  €.
Sexy Summer. Éditions Flammarion.  pages.  €.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco