Monaco-Matin

« C’est de loin mon meilleur album »

- PAR JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

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Comment aller plus loin ? Plutôt comment aller ailleurs ?”

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Francis Cabrel est très inspirant”

Retiré depuis trois ans dans ses Cévennes natales, l’artiste en a profité pour concocter Aimée. Un cinquième disque à la couleur pop, délicateme­nt funky, au travers duquel il livre sa vision du monde, balançant perpétuell­ement entre un regard sombre et un certain optimisme.

Cela faisait un bail qu’il n’avait plus mis les pieds à Paris. Ses démons, son air vicié et ses cadences infernales ne lui avaient pas manqué.

Il y a trois ans, Julien Doré a décidé de renouer avec la terre. Ou plutôt ses terres d’origine. Bien planqué dans les Cévennes, il s’est mis à la permacultu­re, s’est baladé avec ses deux bergers blancs suisses, Simone et JeanMarc, devenu choristes le temps d’une chanson, nommée Waf. Avec délice, en parlant de la vie ou de la musique, peut-être des deux, l’ami Doré dit avoir fui «une route extrêmemen­t plate, bien goudronnée » pour s’aventurer sur

« un sentier plus cabossé ». Dans son sillage, il a embarqué Clara Luciani, le duo de rappeurs belges Caballero et JeanJass, ainsi qu’une « armée » de voix d’enfants, présente sur plusieurs titres.

Et ce fameux Aimée dans tout ça ? C’est le prénom de sa grand-mère, 99 ans et ancienne militante CGT impliquée dans la défense des droits des veuves de mineurs. Celui de sa maman, aussi, qui a longtemps accompagné des femmes battues. Deux figures fortes qui ont façonné son « côté féministe » et lui ont donné l’envie de réaliser un album « sur la transmissi­on, sur demain ». Après une demi-heure d’échange téléphoniq­ue, on glisse à l’auteur-compositeu­r-interprète qu’il semble réellement apaisé. « Ah ouais, tu trouves ? On me l’a déjà dit plusieurs fois. Je crois que plus ça va, moins je contrôle les choses. J’ai été trop

con de me protéger autant, quand j’avais peur. Dans ce milieu, ça te fait vite passer pour un prétentieu­x. »

Entretien avec le « nouveau » Julien Doré, toujours équipé de son sens de l’image, qui déclare dans Waf avoir « fait le tour de Verlaine et de Kafka » et qui veut qu’on lui serve « de l’amour dans un verre de pastaga ».

Samedi dernier, vous étiez à Cannes, pour faire écouter votre album à des fans. Comment étaient ces retrouvail­les ?

C’était génial, intense. Je me suis senti bien, entouré de gens qui ont une vision globale de mon petit chemin artistique et qui ont respecté mon silence pendant trois ans [notre édition du

 août, ndlr].

Une manière de revenir en douceur sous les projecteur­s ?

Oui, et c’est ce qu’il fallait. Mon changement de vie m’a rendu plus solitaire. J’étais un peu stressé à l’idée de retrouver la ville, ses lumières artificiel­les. Là, après la session d’écoute, on a pu parler tranquille­ment de cet album que j’adore. Pour moi, c’est de loin mon meilleur.

Musicaleme­nt, quelles étaient vos intentions pour Aimée ?

Je voulais prendre un vrai virage, faire quelque chose plus proche de mon époque. Sur la production sonore, l’arrivée de Tristan Salvati [coréalisat­eur du disque, ayant collaboré avec Angèle, Clara Luciani, Louane, M. Pokora, etc.] a fait entrer un nouveau souffle, un putain d’air frais, même !

Pourquoi ce nom d’album ?

Il était terminé avant le confinemen­t, mais il n’avait pas encore de nom. À partir du moment où on a été confiné, je ne pouvais plus voir ma grandmère. Je pensais à elle, à son prénom. J’ai choisi de donner un prénom à mon album. Et puis le mot “aimée” me plaisait aussi, je le voyais comme une enveloppe protectric­e.

À l’écoute, on croit déceler chez vous un certain goût pour des artistes comme les Parcels, Metronomy ou Connan Mockasin...

Ce sont des gens qui se trouvent dans mes playlists ou que j’écoute parfois dans les loges, oui. Mais quand je prépare un album, j’écoute très peu de musique. Et quand c’est le cas, je vais plutôt me focaliser sur des fragments, sur un instrument...

Après le succès de vos précédents disques, comment aller plus loin ?

Comment aller plus loin ? Plutôt comment aller ailleurs ? La présence de Caballero et JeanJass [sur Bla-Bla-Bla, ndlr] surprendra sans doute. Mais si on ne chante qu’avec les amis d’amis, on finit un peu par s’étouffer. Quand je pense à Christophe, avec qui j’avais parfois de grandes discussion­s, je me dis qu’il était incroyable. Malgré sa carrière et ses tubes marquants, il continuait d’être un chercheur.

Il y a de la gaieté mais aussi de l’inquiétude dans vos paroles…

Dans la variété française, on a souvent tendance à gommer le pessimisme. Je crois que j’ai toujours refusé de le faire, même si ça contraste avec une production musicale assez dansante. Cette fois encore, je ne voulais pas cacher cet aspect. Je livre ma vision du monde, tout en me moquant de mes propres paradoxes. Pas question de donner des leçons, je voulais que l’humour soit présent aussi. [Le

premier single, La Fièvre, et son clip décalé, résument bien cette intention, ndlr].

Avant, vous citiez Gainsbourg et Dutronc comme références. Aujourd’hui, ce serait plus Cabrel, avec son côté “retranché volontaire” ?

Francis est très inspirant. Évidemment, je suis très loin d’avoir son parcours et je ne veux pas fuir totalement le jeu médiatique. Mais l’autre jour, j’ai vu un documentai­re sur lui et j’ai remarqué plein de similitude­s troublante­s.

Quel regard portez-vous sur L’Île au lendemain, votre duo avec Clara Luciani ?

C’est une chanson que j’aime beaucoup. Quand je l’ai écrite et composée, elle avait une noirceur qui me mettait un peu mal à l’aise. Je l’ai proposée à Clara et, dès qu’elle a posé sa voix, j’ai vu le soleil apparaître. J’ai vraiment eu cette image de la lumière qui surgit. Il ne manquait que la présence de Clara.

Vous évoquez la notion de transmissi­on. D’où les voix d’enfants sur plusieurs titres ?

Voilà. Kiki, c’est une lettre ouverte à un enfant. À un moment, je chante : “Il faudra que tu nous pardonnes, on était fatigué” [juste avant, les paroles disent : “J’ai dessiné ta tombe, avant même de te bercer”, ndlr], et les enfants me répondent : “On n’est pas fatigué.” À d’autres moments, comme sur Barracuda I et Barracuda II, ils me coupent la parole. Ils ne sont pas spectateur­s, ils sont là pour bousculer mes certitudes.

Julien Doré partira en tournée durant l’automne... 2021. Rendez-vous le 6 novembre, au Zénith Oméga de Toulon, puis le 7 novembre au Palais Nikaïa, à Nice et le 14 novembre, au Dôme de Marseille. Ouverture de la billetteri­e le 14 septembre prochain, à 10 h.

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Aimée. (Columbia).  titres.

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