Monaco-Matin

Alain, bailleur à Nice : « Tous les droits du même côté »

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr Le dossier du jour continue en page suivante

Plusieurs occupants sans histoires, puis ce couple dont le divorce supposé serait à l’origine d’une débâcle pécuniaire. Les premières années, tout s’est bien passé. Lorsque les difficulté­s ont commencé, Alain et son épouse percevaien­t au moins l’APL. Vite, plus rien. Les relations avec la locataire ont cessé en janvier 2019, quand Alain s’est rapproché de l’agence immobilièr­e qui avait son bien en gestion, afin de signifier la fin du bail au 31 juillet suivant. Il avait une bonne raison : « Je voulais faire une donation à mes deux enfants pour les aider à financer leur première acquisitio­n. »

Le sort en a décidé autrement. « Cette dame a interrompu ses paiements. Cela fait donc près de deux ans. Et les versements de la Caf, eux aussi, se sont arrêtés. Pour une raison que j’ignore et dont je ne suis pas autorisé à être informé. »

«Larage»

« Fort de café » , s’est d’abord dit le retraité qui, à 67 ans, est englué dans un imbroglio juridique qui l’écoeure. Ce petit deux-pièces de 48 m2 avec garage devrait lui rapporter près de 800 euros par mois. Au lieu de cela, c’est un poids : « Outre les charges et notamment le chauffage, je paie la taxe foncière que l’administra­tion fiscale n’oublie pas de me réclamer. » Sans compter les frais de justice, les honoraires de l’avocat, les actes de l’huissier. Exit le complément de retraite. Les impayés s’élèveraien­t à ce jour à plus de 18 000 euros. En dépit d’une décision du tribunal de grande instance de Nice qui lui est favorable, Alain ne peut ni percevoir le moindre euro, ni disposer de son logement librement. « Cette dame fait le mort. Elle n’a jamais répondu à aucun courrier, n’est jamais allée récupérer aucun commandeme­nt d’huissier, ne s’est jamais présentée à l’audience lorsqu’elle a été convoquée. » C’était le 14 octobre dernier, avec une décision d’expulsion en novembre.

Le retraité a donc le droit de son côté. Le concours de la force publique a été demandé le 5 juin. L’intéressée, qui a refusé de nous répondre, aurait expliqué à l’époque n’avoir aucunement l’intention de partir.

Que ressent-on, dans la peau du propriétai­re lésé ? « Je préfère ne pasledire.» On insiste : « La hargne, la rage de constater que, dans ce p... de pays, nous sommes tellement avides de démocratie que l’on pense surtout à voter des droits en faveur des délinquant­s. »

«J’enaibavé»

Il doit désormais attendre le 31 mars prochain. « Pour que, peut-être, la force publique intervienn­e » , dit Alain qui joue de malchance, puisque la Covid empêche toute expulsion jusqu’à l’ouverture de la prochaine trève hivernale. « J’ai demandé des saisies sur salaire, il ne restait que dix euros sur son compte. Une façon d’organiser son insolvabil­ité, je suppose, puisqu’il semble que cette dame travaille… »

Parce que sa locataire est d’origine tunisienne, il craint d’être soupçonné d’ostracisme. «Jesuisdega­uche, profondéme­nt antiracist­e, le RN n’est pas ma tasse de thé, que ce soit très clair. » Son exaspérati­on est immense.

« J’ai grandi comme enfant de la balle, mon seul bagage est de savoir lire et écrire, j’ai terminé comme directeur général d’une entreprise après m’être beaucoup battu. J’ai subi dans ma vie des années de chômage et j’ai vécu pendant douze ans dans ma valise, allant chercher du boulot à Lille, Bâle, Zürich, Morlaix, Tarbes, Bordeaux ou en Sierra Leone. Je me suis bougé le c..., je n’ai hérité de rien. Ce que j’ai, je l’ai construit de mes mains. J’en ai bavé. »

Outré par l’affaire de Théoule-surMer, Alain sait que le cas de sa locataire ne relève pas du squat mais, selon la justice, d’une « occupation sans titre ».

Il se veut mesuré : « Qu’un locataire ait des droits, c’est normal, c’est même indispensa­ble. »

Il voudrait juste que les siens soient également considérés. Et, contre ce qu’il considère comme «delamauvai­se foi et même du vol », que d’autres propriétai­res floués se mobilisent. Pour, éventuelle­ment, porter le débat devant la Cour européenne de justice. En attendant, il ronge son frein. « J’ai la haine. »

Newspapers in French

Newspapers from Monaco