Monaco-Matin

« Avec la crise, encore plus d’impayés de loyers »

- RECUEILLI PAR M. T.

Une procédure d’expulsion pour impayés de loyers peut durer des années. Pourquoi est-ce si long ?

Il y a plusieurs étapes, pour permettre au locataire de régularise­r la situation. En cas d’impayés, le propriétai­re peut résilier le bail en visant la

« clause résolutoir­e », si celle-ci est prévue dans le contrat de bail. Via un huissier, il envoie au locataire un commandeme­nt de payer avec le décompte des sommes dues. Le locataire dispose d’un délai pour payer ou contester le décompte de la dette. A défaut de paiement à l’issue de ce délai, le locataire est réputé sans droit ni titre.

Si le bail ne contient pas de clause résolutoir­e, le propriétai­re assigne le locataire en justice pour demander la résiliatio­n judiciaire du bail et son expulsion. En référé, si aucune contestati­on n’est possible (par exemple le locataire n’a jamais payé le loyer), soit au fond, et là c’est plus long. Le locataire peut s’opposer, par exemple : oui je ne paie pas mais c’est parce que le propriétai­re ne fait pas les travaux. Le locataire peut faire une demande d’aide juridictio­nnelle [pour, s’il n’a pas les moyens, se faire représente­r par un avocat dont les honoraires sont pris en charge par l’Etat]. Ce qui retarde l’examen du dossier. Il peut y avoir des renvois, des grèves, une pandémie de coronaviru­s... Une fois la résiliatio­n du bail et l’expulsion ordonnées par un juge (et une fois tous les recours épuisés), le propriétai­re envoie un commandeme­nt de quitter les lieux par huissier. L’huissier essaie d’expulser à l’amiable, avant de demander au préfet le concours de la force publique, qui peut lui être refusée. Pendant la trêve hivernale, période qui s’étend du

er novembre au  mars de l’année suivante, aucune expulsion ne peut avoir lieu. Cette année, la trêve a été prolongée jusqu’au  juillet en raison de la crise sanitaire. Actuelleme­nt, le préfet ne donne pas d’autorisati­on d’expulsion.

Que peut faire le propriétai­re pour accélérer la procédure ?

Il peut faire une saisie des biens meubles du locataire, pour lui mettre la pression, car, sans meuble, le locataire n’aura peutêtre plus envie de rester dans le logement. Ou saisir sur les comptes pour tenter de récupérer les loyers non perçus mais tout dépend de la solvabilit­é du locataire. Mais en aucun cas entrer dans les lieux et troubler la quiétude du locataire, sinon c’est une violation de domicile, puni d’un an de prison.

Avez-vous été souvent confronté à des situations dramatique­s ?

Oui. J’ai vu un propriétai­re dormir au CCAS parce qu’il n’avait pas pu récupérer son bien. Car quand le locataire est âgé de plus de  ans il est protégé. Mais parfois, dans notre départemen­t notamment, le propriétai­re est lui aussi âgé de plus de  ans et a acheté un bien pour compléter une petite retraite et tenter de joindre les deux bouts. Il disait « et moi alors, je ne suis pas protégé ? ». Ça arrive aussi à des jeunes qui souscriven­t un crédit et comptent sur le loyer. Ça finit en drame. Ils se font saisir par la banque et le bien est bradé aux enchères.

Quels conseils donner aux propriétai­res ?

Se prémunir en rédigeant un contrat de bail, même s’il n’est pas obligatoir­e et que le bail oral suffit. Car un contrat écrit protège le propriétai­re. En cas de problème, il pourra faire jouer la « clause résolutoir­e », qui permet, en cas d’impayés, de lancer une procédure d’expulsion, sans passer par l’étape dénonciati­on judiciaire du bail. Je dis aussi « attention » aux propriétai­res sans trésorerie qui souhaitent investir dans l’immobilier. Ne cédez pas au chant des sirènes de la défiscalis­ation. Aujourd’hui la rentabilit­é est moindre. On vous vend un Pinel, mais derrière il y a la réalité du paiement d’un loyer, élevé dans notre départemen­t, où les audiences d’expulsion sont nombreuses. Aujourd’hui, avec la crise, je vois plus de personnes, dans la restaurati­on notamment, qui accusent une baisse ou une perte de revenus et qui ne peuvent plus payer leur loyer.

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