Monaco-Matin

Jean-François Delfraissy : le médecin qui murmure à l’oreille de Macron

- Dossier : Jean-François Roubaud et Caroline Martinat

Il est le scientifiq­ue qui parle à l’oreille d’Emmanuel Macron. Celui qui au nom du Conseil scientifiq­ue Covid19 – qu’il préside depuis le 11 mars – a mission de conseiller le gouverneme­nt dans la lutte. A 72 ans, Jean François Delfraissy, professeur de médecine, spécialisé dans l’immunologi­e, s’est toujours défendu de toute tentative d’instaurer un pouvoir médical. Sa mission n’est que de proposer. Le chef de l’État et le gouverneme­nt disposent. Depuis quelques jours, cette mission le place en toute première ligne. Dès le début de l’épidémie, le président du Conseil scientifiq­ue avait mis le doigt là où tout le monde savait que cela ferait mal. Le professeur brisait l’omerta, reconnaiss­ant que le manque de tests serait « un vrai problème ». « Les tests permettrai­ent, si on les avait en grande quantité, de tester les individus suspects et de les isoler par rapport aux contacts. Si nous n’avons pas choisi cette stratégie en France, comme cela a été fait en Corée, c’est parce que nous n’avons pas la capacité de réaliser des tests pour un grand nombre de personnes. »

Déconfinem­ent trop rapide ?

L’apparition de ce virus intervenai­t, selon lui, dans un pays sous-équipé en matériel. Ses préconisat­ions souvent drastiques firent parfois de lui une sorte de « père fouettard », annonçant toujours le pire. Auditionné par le Sénat, Jean-François Delfraissy déclarait en mai dernier que les personnes de 65 ou 70 ans devraient sans doute rester confinées jusqu’à la découverte d'un médicament préventif. Un avis qui resta lettre morte. Les faits lui ont-ils donné raison ? Aujourd’hui, alors que l’épidémie s’emballe, que la crainte d’une deuxième vague traverse tout le pays, JeanFranço­is Delfraissy

reste ferme sur ses propositio­ns. L’homme ne cherche pas les « like » sur les réseaux sociaux.

Ainsi dans un avis remis au ministre la Santé, Olivier Véran, le 3 septembre, il dénonce les failles dans la gestion de la mise en isolement – quarantain­e – : « Une stratégie d’isolement sans cahier des charges, ni budget à l’échelle nationale, des recommanda­tions peu relayées auprès du public et un manque de données précises sur les conditions et le suivi de l’isolement. »

Trop tard dans huit jours !

Dix jours plus tard, il estime cette semaine que le gouverneme­nt va « être obligé de prendre un certain nombre de décisions difficiles ». Et prévient que « dans les huit à dix jours maximum » ce pourrait être trop tard. Il s’inquiète sur la situation en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Et s'il ne se dévoile pas publiqueme­nt semble pousser à un reconfinem­ent, sinon global du moins ciblé.

Sa liberté de penser, à défaut de liberté de parole – devoir de réserve oblige – n’est guère du goût d’Emmanuel Macron. Du tac au tac, le chef de l’État a remis les pendules à l’heure, du moins à celle de l’Élysée en rappelant au cher professeur que « le Conseil scientifiq­ue est dans son rôle, qui est technique », mais qu'il est seul légitime pour « prendre des décisions ». Paradoxale­ment, Jean-François Delfraissy se prend une charge à boulets rouges de 35 chercheurs et scientifiq­ues – parmi lesquels l'épidémiolo­giste Laurent Toubiana et le philosophe André Comte-Sponville – qui appellent le gouverneme­nt à « supprimer le Conseil scientifiq­ue », coupable selon eux d’entretenir un climat «anxiogène ».

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