Macron versus Erdogan
Mais où sont-ils passés ces zélateurs de la Turquie qui plaidaient haut et fort pour son entrée dans l’Union européenne et discréditaient sans ménagement les voix qui s’y opposaient ? Ils y voyaient le moyen le plus sûr de faire entrer la Sublime Porte et son nouveau sultan, Recep Tayyip Erdogan, dans l’ère de la démocratie. Leurs illusions sont, aujourd’hui, espérons-le, envolées. Le vrai visage d’Erdogan nous apparaît chaque jour un peu plus : un croisé de l’islam, ennemi aussi bien de la laïcité que de la liberté d’expression, autocrate conquérant, jouant sur la fibre nationaliste de son peuple pour préserver son pouvoir, prêt à tout pour assurer son avenir. Après avoir soumis son pays en y piétinant l’Etat de droit, le voici à l’offensive hors de ses frontières, bien décidé à imposer sa loi par le coup de force : en Libye où il a installé ses troupes, dans le nord de la Syrie, et maintenant en Méditerranée orientale pour conquérir, aux dépens de la Grèce, des eaux gorgées de réserves gazières. Le contentieux entre les deux pays sur la délimitation, d’une part, des eaux territoriales, d’autre part, du plateau continental en mer Egée ouvrant droit à une exploitation de ses ressources, est ancien. Il remonte au début des années 70 quand Ankara décida d’occuper le nord de l’île de Chypre en contravention avec le droit international. Il rebondit dangereusement à présent car Erdogan s’est lancé sans préavis ni négociation dans une campagne d’exploration sismique sous escorte navale armée dans des eaux revendiquées par Athènes. Dans le passé avaient déjà surgi des risques d’escalade mais l’Otan, dont les deux pays sont membres depuis 1952, avait calmé le jeu. A la fois pour des raisons de politique intérieure mais aussi internationale – l’Otan est devenue, du fait de l’attitude de Donald Trump, un foutoir et l’inconséquent Président américain se moque bien de cette zone – Erdogan est donc repassé à l’offensive, pariant sur la faiblesse de l’Europe. Il est heureux qu’Emmanuel Macron en ait décidé autrement malgré les menaces que lui a adressées Erdogan : « Ne cherchez pas querelle au peuple turc, ne cherchez pas querelle à la Turquie. » Même
« Le vrai visage d’Erdogan nous apparaît chaque jour un peu plus : un croisé de l’islam. »
si l’Union européenne (UE) demeure encore bien silencieuse dans ce conflit naissant alors qu’elle devrait soutenir la France, le chef de l’Etat non seulement se fait l’allié de la Grèce mais vient de joindre le geste à la parole avec la vente à Athènes de avions Rafale, d’hélicoptères de combat et de frégates. En contribuant au réarmement de la Grèce, il choisit son camp et adresse ce nécessaire avertissement au satrape turc : nous ne vous laisserons pas faire. L’UE devrait s’empresser de le suivre car les dictateurs n’ont plus de limite lorsqu’on se couche devant eux.