Monaco-Matin

Macron versus Erdogan

- de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Mais où sont-ils passés ces zélateurs de la Turquie qui plaidaient haut et fort pour son entrée dans l’Union européenne et discrédita­ient sans ménagement les voix qui s’y opposaient ? Ils y voyaient le moyen le plus sûr de faire entrer la Sublime Porte et son nouveau sultan, Recep Tayyip Erdogan, dans l’ère de la démocratie. Leurs illusions sont, aujourd’hui, espérons-le, envolées. Le vrai visage d’Erdogan nous apparaît chaque jour un peu plus : un croisé de l’islam, ennemi aussi bien de la laïcité que de la liberté d’expression, autocrate conquérant, jouant sur la fibre nationalis­te de son peuple pour préserver son pouvoir, prêt à tout pour assurer son avenir. Après avoir soumis son pays en y piétinant l’Etat de droit, le voici à l’offensive hors de ses frontières, bien décidé à imposer sa loi par le coup de force : en Libye où il a installé ses troupes, dans le nord de la Syrie, et maintenant en Méditerran­ée orientale pour conquérir, aux dépens de la Grèce, des eaux gorgées de réserves gazières. Le contentieu­x entre les deux pays sur la délimitati­on, d’une part, des eaux territoria­les, d’autre part, du plateau continenta­l en mer Egée ouvrant droit à une exploitati­on de ses ressources, est ancien. Il remonte au début des années 70 quand Ankara décida d’occuper le nord de l’île de Chypre en contravent­ion avec le droit internatio­nal. Il rebondit dangereuse­ment à présent car Erdogan s’est lancé sans préavis ni négociatio­n dans une campagne d’exploratio­n sismique sous escorte navale armée dans des eaux revendiqué­es par Athènes. Dans le passé avaient déjà surgi des risques d’escalade mais l’Otan, dont les deux pays sont membres depuis 1952, avait calmé le jeu. A la fois pour des raisons de politique intérieure mais aussi internatio­nale – l’Otan est devenue, du fait de l’attitude de Donald Trump, un foutoir et l’inconséque­nt Président américain se moque bien de cette zone – Erdogan est donc repassé à l’offensive, pariant sur la faiblesse de l’Europe. Il est heureux qu’Emmanuel Macron en ait décidé autrement malgré les menaces que lui a adressées Erdogan : « Ne cherchez pas querelle au peuple turc, ne cherchez pas querelle à la Turquie. » Même

« Le vrai visage d’Erdogan nous apparaît chaque jour un peu plus : un croisé de l’islam. »

si l’Union européenne (UE) demeure encore bien silencieus­e dans ce conflit naissant alors qu’elle devrait soutenir la France, le chef de l’Etat non seulement se fait l’allié de la Grèce mais vient de joindre le geste à la parole avec la vente à Athènes de  avions Rafale, d’hélicoptèr­es de combat et de frégates. En contribuan­t au réarmement de la Grèce, il choisit son camp et adresse ce nécessaire avertissem­ent au satrape turc : nous ne vous laisserons pas faire. L’UE devrait s’empresser de le suivre car les dictateurs n’ont plus de limite lorsqu’on se couche devant eux.

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