: « Même masqués, c’est une bouffée d’air »
« Pensez à éteindre vos téléphones portables, et à conserver vos masques durant la représentation. »
C’est une annonce bien dans l’air du temps qui accueille les spectateurs, en cette rentrée sous tension épidémique. Mercredi, le théâtre de la Cité affiche « complet » pour la deuxième soirée de l’humoriste Florent Peyre. « Complet » revu à la baisse : 135 spectateurs dans une salle conçue pour 180. Protocole sanitaire oblige. Voilà six mois que le théâtre de la Cité était en sommeil. Six mois de frustration pour la compagnie Miranda, qui le gère depuis une décennie. La salle a enfin rouvert le 10 septembre, avec une programmation étoffée par la douzaine de spectacles reportée. « C’est une libération, confie Sylvia Scantanburlo, comédienne et programmatrice. Comme on aime le personnifier, on disait de ce théâtre qu’il était “mort”. Là, il est ressuscité grâce aux applaudissements et aux rires. Il est content, il va bien ! »
Ce miraculé a dû se réinventer. Sur le trottoir, des bandes délimitent la distance dans la file d’attente. Les portes ouvrent plus tôt. À l’entrée, l’équipe distribue du gel hydroalcoolique aux spectateurs. Puis elle les accompagne pour les placer, suivant un savant jeu de « Tétris. On essaie de le prendre comme un jeu. Il faut garder ce côté ludique », justifie Sylvia.
« Tetris » dans la salle Les règles du jeu : collecter toutes les réservations enregistrées sur les différents sites Web, puis les organiser en laissant une place vide entre chaque groupe, matérialisée par un panneau « sens interdit ». Avec les noms des clients sur leur espace dédié, comme au resto. Et des sièges numérotés, comme au ciné.
« Le but, c’est que les gens se sentent en sécurité, qu’ils voient qu’on met tout en oeuvre pour qu’ils passent la soirée la plus agréable possible », explique Sylvia. Une « logistique drastique », hyper exigeante. « Il faut cinq personnes au lieu de deux pour accueillir les spectateurs. Mais on n’a pas le choix. La sécurité des gens d’abord », martèle Thierry Surace, le directeur du théâtre.
Sylvia en convient : «Voirun spectacle d’humour avec un masque, ce n’est pas très fun. Mais le public joue vraiment le jeu. » À l’image de Monique et Laurent Di Franco, Niçois de 51 ans, premiers à s’installer ce soir-là. « C’est la première fois qu’on revient au théâtre depuis le confinement. Ça fait plaisir. Ça fait du bien. Il faut reprendre une vie normale, reprendre la vie ! » Devant eux, Sandra et Thibaut Delorme, Antibois de 52 et 23 ans, espèrent que toutes les salles suivront ce protocole. « Si c’est bien organisé comme ça, il n’y a pas de souci. Le masque, on s’y est habitué. Et le rire, on en a besoin, vu le contexte... »
Le rire comme thérapie Le rire, en cette rentrée, a droit de Cité. Le théâtre a rouvert avec l’adaptation d’une Web série de circonstance, Tout le monde s’en fout. « Ils ont dû tout réécrire », explique Sylvia Scantanburlo. La vie d’un théâtre n’est pas drôle tous les jours, ces temps-ci. Raison de plus : « Il nous faut de la légèreté ! Parce que le réel, on en a bien soupé... Même masqués, c’est une bouffée d’air. »
Sur le plan économique, on parlera de moindre mal. Difficile de gagner de l’argent en tournant à 70 % de sa capacité. « On essaie plutôt de ne pas trop en perdre, en attendant des jours meilleurs. Et de ne pas perdre l’habitude de la culture », explique Thierry Surace. Théâtre, artistes, producteurs, spectateurs : jusqu’ici, « tout le monde joue le jeu ». Pour que vive le spectacle. « La leçon que nous a donnée cette Covid, c’est que ça peut bouger à tout instant, constate Sylvia. On profite de chaque spectacle, tout en sachant qu’on peut nous demander de réduire encore notre capacité. Tout espoir n’est pas mort ! »