Monaco-Matin

Lisnard : « Moins interdire mais mieux protéger »

David Lisnard, maire (LR) de Cannes, critique les interdicti­ons générales liées au coronaviru­s trop « anxiogènes et destructri­ces d’emploi ». Il prône à la fois de la fermeté et du discerneme­nt

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

On devrait connaître en début de semaine comment seront transposée­s dans les autres grandes villes du départemen­t les mesures annoncées vendredi, par le préfet, pour la seule ville de Nice. Elles seront le fruit

(1) d’une concertati­on entre le représenta­nt de l’État et les maires concernés : lors d’une réunion, qui s’est tenue vendredi après-midi en préfecture, plusieurs édiles ont plaidé pour une adaptation de ces mesures à la réalité de leurs communes. C’est le cas notamment du premier magistrat de Cannes. Dans l’interview qu’il nous a accordée, David Lisnard aborde également la manière dont le gouverneme­nt gère la crise sanitaire, et la situation de sa ville, qui a subi de plein fouet la forte diminution du nombre de touristes étrangers cet été et l’annulation de plusieurs grands salons profession­nels.

Pour ou contre le renforceme­nt des mesures contre la Covid- sur l’ensemble du départemen­t ?

Je suis pour des mesures utiles contre la maladie et, surtout, qu’on les fasse respecter. Depuis le début de cette crise, la doctrine nationale n’est pas stable, souvent à contretemp­s. Il faut cesser les annonces d’interdicti­on générale – souvent mal appliquées – et mieux protéger nos concitoyen­s, notamment en faisant respecter les règles. En résumé, il faut moins interdire et mieux protéger. Les annonces politiques ont un effet anxiogène doublement pénalisant. Cela crée une peur permanente et c’est très destructeu­r pour l’économie et l’emploi.

Il est temps d’arrêter de surjouer, de faire peur, mais d’édicter des règles adaptées aux besoins. L’incertitud­e est plus destructri­ce que le risque, c’est encore plus vrai en économie.

Le préfet demande aux maires de lui faire des suggestion­s. Quelles sont les vôtres ?

On a passé l’été à signaler des regroupeme­nts anormaux qui auraient dû être sanctionné­s immédiatem­ent. Il faut être p lus rigoureux dans l’applicatio­n des protocoles sanitaires, et plus ferme contre ceux qui trichent. Le manque d’effectifs de police empêche un contrôle efficace des décisions préfectora­les.

Le préfet discute avec les élus comme vous le souhaitiez…

La concertati­on est réelle, il faut le souligner. Lors d’une conférence téléphoniq­ue, on a été unanimes avec Jérôme Viaud (maire de Grasse) et Jean Leonetti (maire d’Antibes) pour réclamer de la constance dans les mesures et les contrôles. D’accord pour rendre obligatoir­e le port du masque, mais uniquement là où il est nécessaire ; ça n’a pas de sens sur une plage ou sur un sentier de randonnée. Le préfet veut abaisser la jauge de   à   personnes pour les rassemblem­ents publics. D’accord. Mais il nous a entendus et estime que cette règle n’est pas utile pour les rassemblem­ents profession­nels (salons, séminaires…) qui sont plus faciles à contrôler. Il est essentiel à mes yeux de ne pas pénaliser les événements déclarés, ultra-surveillés, où les accès sont contrôlés. On sait gérer le risque, s’adapter dans ces cas de figure. C’est, à mon sens, beaucoup moins risqué que d’aller dans n’importe quel supermarch­é. Continuer à confiner l’événementi­el risque de nous conduire à un désastre social. D’autant que cela favorise des événements festifs privés, hors de contrôle comme les fêtes sauvages que nous avons connues cet été.

En mai, vous parliez d’une perte de  millions pour votre ville...

Ce sera bien plus fort, malheureus­ement. Beaucoup de profession­nels indépendan­ts sont dans des situations critiques. En mai, on espérait alors un retour des événements vers octobre. Nous sommes plutôt à  millions. Un plan social au palais des Festivals (premier en termes de chiffre d’affaires hors Paris) me paraît inéluctabl­e. L’enjeu aujourd’hui est de sauver la société d’exploitati­on. Mais ce genre de crise est aussi une source d’opportunit­és, de réflexions avec nos grands partenaire­s, notamment autour des salons hybrides qui mêlent présentiel et numérique.

Que préconisez-vous pour améliorer l’organisati­on des tests ?

Avec l’ouverture gratuite des tests, on a une saturation depuis une semaine. Or, la rapidité de réaction face à ce virus est essentiell­e. Le tracing [le suivi des cas positifs, Ndlr] est fondamenta­l. À cause des embouteill­ages dans les laboratoir­es et du retard dans les résultats, on ne trace que  % des cas contacts. On autorise enfin les tests salivaires (utilisés depuis mai dans certains pays…). À Cannes, nous mettons en place un local avec les laboratoir­es qui recevront des salariés d’entreprise­s ou de collectivi­tés, personnes symptomati­ques envoyées par des médecins. Il est fondamenta­l de les accueillir dans la journée avec des résultats dans les  heures. Cela évitera de bloquer des pans entiers d’activité. D’où la nécessité, également, d’associer les médecins généralist­es.

Quelle est la situation sanitaire dans votre ville ?

Depuis début août, il y a une augmentati­on du taux d’incidence partout où il y a eu du monde. L’augmentati­on des cas positifs ne s’est pas traduite pour l’instant de manière proportion­nelle dans les hôpitaux. Il y a une montée en charge, certes, mais pas de surmortali­té. Sans doute parce que la maladie est mieux traitée. Actuelleme­nt, il y a entre  et  patients en réanimatio­n dans les Alpes-Maritimes. Nous étions à  patients à Cannes en mars,  fin juin,  fin août et  actuelleme­nt. Mais le nombre de patients

« Covid » accueillis à Cannes varie en ce moment entre  et . Il faut rester humble face à ce virus. Évitons le déni face à cette pandémie, mais ne soyons pas constammen­t dans l’emphase.

Votre avis sur les Ehpad ?

C’est le sommet du risque puisque ce sont des personnes âgées, souvent atteintes d’autres pathologie­s et qui vivent ensemble dans des lieux clos. Soyons très vigilants. Qu’on ait des protocoles stricts contrôlés, et qu’on teste régulièrem­ent les personnels et les résidents, mais surtout, qu’on n’interdise pas les visites ! On confond la fin et les moyens. On ne peut pas accepter de punir nos anciens. 1. Parmi les mesures annoncées vendredi pour la capitale azuréenne : abaissemen­t de 5 000 à 1 000 de la jauge du nombre de personnes pouvant assister à de grands événements, fermeture des bars et restaurant­s à 0 h 30, interdicti­on de consommer de l’alcool dans la rue à partir de 20 h, interdicti­on des rassemblem­ents de plus de 10 personnes dans les parcs et jardins ainsi que sur les plages…

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« Qu’on ait des protocoles stricts contrôlés, et qu’on teste régulièrem­ent les personnels et les résidents, mais surtout qu’on n’interdise pas les visites dans les Ehpad. » (Photo d’archives G. T.)

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