Lisnard : « Moins interdire mais mieux protéger »
David Lisnard, maire (LR) de Cannes, critique les interdictions générales liées au coronavirus trop « anxiogènes et destructrices d’emploi ». Il prône à la fois de la fermeté et du discernement
On devrait connaître en début de semaine comment seront transposées dans les autres grandes villes du département les mesures annoncées vendredi, par le préfet, pour la seule ville de Nice. Elles seront le fruit
(1) d’une concertation entre le représentant de l’État et les maires concernés : lors d’une réunion, qui s’est tenue vendredi après-midi en préfecture, plusieurs édiles ont plaidé pour une adaptation de ces mesures à la réalité de leurs communes. C’est le cas notamment du premier magistrat de Cannes. Dans l’interview qu’il nous a accordée, David Lisnard aborde également la manière dont le gouvernement gère la crise sanitaire, et la situation de sa ville, qui a subi de plein fouet la forte diminution du nombre de touristes étrangers cet été et l’annulation de plusieurs grands salons professionnels.
Pour ou contre le renforcement des mesures contre la Covid- sur l’ensemble du département ?
Je suis pour des mesures utiles contre la maladie et, surtout, qu’on les fasse respecter. Depuis le début de cette crise, la doctrine nationale n’est pas stable, souvent à contretemps. Il faut cesser les annonces d’interdiction générale – souvent mal appliquées – et mieux protéger nos concitoyens, notamment en faisant respecter les règles. En résumé, il faut moins interdire et mieux protéger. Les annonces politiques ont un effet anxiogène doublement pénalisant. Cela crée une peur permanente et c’est très destructeur pour l’économie et l’emploi.
Il est temps d’arrêter de surjouer, de faire peur, mais d’édicter des règles adaptées aux besoins. L’incertitude est plus destructrice que le risque, c’est encore plus vrai en économie.
Le préfet demande aux maires de lui faire des suggestions. Quelles sont les vôtres ?
On a passé l’été à signaler des regroupements anormaux qui auraient dû être sanctionnés immédiatement. Il faut être p lus rigoureux dans l’application des protocoles sanitaires, et plus ferme contre ceux qui trichent. Le manque d’effectifs de police empêche un contrôle efficace des décisions préfectorales.
Le préfet discute avec les élus comme vous le souhaitiez…
La concertation est réelle, il faut le souligner. Lors d’une conférence téléphonique, on a été unanimes avec Jérôme Viaud (maire de Grasse) et Jean Leonetti (maire d’Antibes) pour réclamer de la constance dans les mesures et les contrôles. D’accord pour rendre obligatoire le port du masque, mais uniquement là où il est nécessaire ; ça n’a pas de sens sur une plage ou sur un sentier de randonnée. Le préfet veut abaisser la jauge de à personnes pour les rassemblements publics. D’accord. Mais il nous a entendus et estime que cette règle n’est pas utile pour les rassemblements professionnels (salons, séminaires…) qui sont plus faciles à contrôler. Il est essentiel à mes yeux de ne pas pénaliser les événements déclarés, ultra-surveillés, où les accès sont contrôlés. On sait gérer le risque, s’adapter dans ces cas de figure. C’est, à mon sens, beaucoup moins risqué que d’aller dans n’importe quel supermarché. Continuer à confiner l’événementiel risque de nous conduire à un désastre social. D’autant que cela favorise des événements festifs privés, hors de contrôle comme les fêtes sauvages que nous avons connues cet été.
En mai, vous parliez d’une perte de millions pour votre ville...
Ce sera bien plus fort, malheureusement. Beaucoup de professionnels indépendants sont dans des situations critiques. En mai, on espérait alors un retour des événements vers octobre. Nous sommes plutôt à millions. Un plan social au palais des Festivals (premier en termes de chiffre d’affaires hors Paris) me paraît inéluctable. L’enjeu aujourd’hui est de sauver la société d’exploitation. Mais ce genre de crise est aussi une source d’opportunités, de réflexions avec nos grands partenaires, notamment autour des salons hybrides qui mêlent présentiel et numérique.
Que préconisez-vous pour améliorer l’organisation des tests ?
Avec l’ouverture gratuite des tests, on a une saturation depuis une semaine. Or, la rapidité de réaction face à ce virus est essentielle. Le tracing [le suivi des cas positifs, Ndlr] est fondamental. À cause des embouteillages dans les laboratoires et du retard dans les résultats, on ne trace que % des cas contacts. On autorise enfin les tests salivaires (utilisés depuis mai dans certains pays…). À Cannes, nous mettons en place un local avec les laboratoires qui recevront des salariés d’entreprises ou de collectivités, personnes symptomatiques envoyées par des médecins. Il est fondamental de les accueillir dans la journée avec des résultats dans les heures. Cela évitera de bloquer des pans entiers d’activité. D’où la nécessité, également, d’associer les médecins généralistes.
Quelle est la situation sanitaire dans votre ville ?
Depuis début août, il y a une augmentation du taux d’incidence partout où il y a eu du monde. L’augmentation des cas positifs ne s’est pas traduite pour l’instant de manière proportionnelle dans les hôpitaux. Il y a une montée en charge, certes, mais pas de surmortalité. Sans doute parce que la maladie est mieux traitée. Actuellement, il y a entre et patients en réanimation dans les Alpes-Maritimes. Nous étions à patients à Cannes en mars, fin juin, fin août et actuellement. Mais le nombre de patients
« Covid » accueillis à Cannes varie en ce moment entre et . Il faut rester humble face à ce virus. Évitons le déni face à cette pandémie, mais ne soyons pas constamment dans l’emphase.
Votre avis sur les Ehpad ?
C’est le sommet du risque puisque ce sont des personnes âgées, souvent atteintes d’autres pathologies et qui vivent ensemble dans des lieux clos. Soyons très vigilants. Qu’on ait des protocoles stricts contrôlés, et qu’on teste régulièrement les personnels et les résidents, mais surtout, qu’on n’interdise pas les visites ! On confond la fin et les moyens. On ne peut pas accepter de punir nos anciens. 1. Parmi les mesures annoncées vendredi pour la capitale azuréenne : abaissement de 5 000 à 1 000 de la jauge du nombre de personnes pouvant assister à de grands événements, fermeture des bars et restaurants à 0 h 30, interdiction de consommer de l’alcool dans la rue à partir de 20 h, interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes dans les parcs et jardins ainsi que sur les plages…