Monaco-Matin

Laëtitia

Ce soir à partir de 21 h 05, France 2 diffuse le premier épisode de cette série revenant, avec une juste distance, sur l’affaire Laëtitia Perrais, enlevée, agressée sexuelleme­nt et assassinée en 2011.

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr J. B.

On ne vous apprendra rien en affirmant que les faits divers fascinent toujours autant. Le monde du documentai­re s’en est emparé depuis longtemps, et celui de la fiction lui a emboîté le pas avec entrain. Dernièreme­nt, M6 a sorti Un homme ordinaire, un thriller en quatre épisodes de 52 minutes, librement inspiré de l’histoire de Xavier Dupont de Ligonnès. Pour France 2, Daniel Auteuil incarnera bientôt l’ancien maire de Vence, Christian Iacono, condamné pour viol sur son petit-fils avant que celui-ci revienne sur ses déclaratio­ns dans Le Mensonge. On pourrait se demander pourquoi ces sinistres moments d’actualité captent autant l’attention. « Quand le public s’intéresse à un fait divers, je ne crois pas que ce soit par goût du petit fait atroce. Au-delà, il y a le sentiment que le fait divers raconte quelque chose de nous », avançait l’écrivain Ivan Jablonka, interrogé par l’AFP. C’est l’un de ses livres, Laëtitia ou la fin des hommes, qui a servi de point de départ à Jean-Xavier de Lestrade pour réaliser Laëtitia. Ce soir sur France 2, les téléspecta­teurs découvriro­nt le premier épisode de cette série sélectionn­ée pour le Sundance Film Festival 2020, une première pour une création française.

Laëtitia suit le destin tragique de Laëtitia Perrais, assassinée à l’âge de 18 ans par Tony Meilhon dans la petite ville de Pornic, en Bretagne. Vite arrêté, multirécid­iviste, toxicomane, sans emploi et né d’une relation incestueus­e, le tueur avait refusé de dévoiler l’endroit où il avait caché le corps de

Le grand public la connaît surtout pour le rôle de mère de famille qu’elle a campé entre 2013 et 2018 dans Parents mode d’emploi, sur France 2.

Pour autant, Alix Poisson s’aventure régulièrem­ent dans le registre dramatique. Souvent avec Jean-Xavier de Lestrade, dont elle est l’une des actrices fétiches. Et souvent dans des fictions inspirées de faits divers. D’abord dans Parcours meurtrier d’une mère ordinaire : L’Affaire Courjault, où elle incarnait Véronique Courjault, puis dans La Disparitio­n, qui s’appuyait sur l’histoire de la disparitio­n non élucidée de Suzanne Viguier.

« À la merci de la violence des hommes »

Dans Laëtitia, Alix Poisson se glisse dans la peau d’une assistante sociale. «Mon personnage n’a pas existé réellement. Il est la somme de deux assistante­s sociales et d’une psychologu­e qui ont suivi les jumelles pendant de longues années. C’est une sa victime.

À l’écran, celle-ci est incarnée par Marie Colomb, impeccable dans la peau de cette jeune femme, abîmée par une enfance marquée par le sceau de la violence, en quête d’équilibre. Dans le rôle de son bourreau, Noam Morgenszte­rn, sociétaire de la Comédie-Française, est particuliè­rement inquiétant, tel une grenade sur le point d’exploser.

Dans un autre registre, la sévérité de Sam Karmann, qui joue Gilles Patron, le père de la famille d’accueil de Laëtitia et sa soeur jumelle, Jessica (Sophie Breyer), est tout aussi inquiétant.

Tout en évoquant le travail de femme qui est totalement dévouée à son travail, extrêmemen­t délicat. Ses décisions ont une énorme influence sur la vie d’enfants », nous explique la comédienne. Comme un fil rouge, le personnage d’Alix Poisson est le témoin d’un « système patriarcal qui permet cette violence envers les filles, les femmes. Parfois éclatante, terrifiant­e, mais aussi très sourde, quotidienn­e. Ces jeunes filles sont l’exemple parfait de la manière dont on peut être toute sa vie à la merci de la violence des hommes », poursuit celle qui fut révélée par la série Entourages.

« Ce que j’ai apprécié avec ce scénario, c’est qu’on puisse s’éloigner du fait divers sordide pour remonter aux racines du mal. »

En collaboran­t à nouveau avec Jean-Xavier de Lestrade, elle était certaine que la série ne virerait pas au voyeurisme malsain. « Quoi qu’il arrive, son travail n’est jamais racoleur. Ses admirables documentai­res ou ses précédente­s fictions fourmi des services sociaux et des enquêteurs, mais aussi la forte pression populaire et politique qui entoure les affaires de ce type, Jean-Xavier de Lestrade, porté par son oeil de documentar­iste (1), parvient à faire jaillir un peu de lumière dans ce lugubre tableau.

« Ces jumelles ont une vie frappée par le chaos. En même temps, elles font preuve de courage pour essayer de réparer leurs plaies, de se construire une vie. C’est absolument bouleversa­nt », estime le réalisateu­r sur le site de France 2.

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Le fait divers raconte quelque chose de nous ”

1. Il a remporté l’Oscar du meilleur film documentai­re en 2002 pour Un coupable idéal. montrent que c’est un grand cinéaste. En plus, il a un regard unique sur la société, la justice et les thèmes les plus délicats. Il trouve toujours la bonne distance. »

« Le plus bel hommage qu’on pouvait rendre à Laëtitia » Alix Poisson se dit ravie d’avoir tourné cette série, « le plus bel hommage qu’on pouvait rendre à Laëtitia ».

« Comme souvent dans ces affaires médiatique­s, elle a été résumée à la barbarie de sa mort. Aux yeux des gens, Tony Meilhon est devenu terrifiant, mais aussi fascinant. Il prenait beaucoup de place. Il fallait éviter de la réduire à ce statut de victime. C’était aussi une jeune fille de son temps, pleine de vie, pleine de ressources. Elle était vraiment sur le point de s’en sortir. D’une certaine façon, c’est le plus bel hommage qu’on pouvait lui rendre. Dans cette série, je trouve qu’on la voit comme quelqu’un de très attachant. » Alix Poisson : « On remonte aux racines du mal »

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