Péone : des habitants à l’assaut d’une ferme bio
Patous, fumier, aspect… Des riverains de La Baumette s’en prennent à la Petite ferme de Péone. « Des nuisances normales », défendent l’exploitation et la Chambre d’agriculture
Quartier la Baumette, à Péone : un cadre de montagne idyllique, mais une atmosphère décrite ici et là comme « abominable » ou « suspicieuse ». Cette histoire est celle d’un bras de fer entre une quinzaine de riverains et un établissement d’élevage laitier bio, installé en 2017 dans cette commune qui accueille également la station de Valberg. Avec à la clé, des accusations mutuelles d’insultes et de calomnies sur Facebook depuis des semaines. «Depuis trois ans que la Petite ferme de Péone s’est installée (...), nous avons des problèmes impactant la vie du hameau qui montent crescendo sans aucun dialogue », atténuent les opposants par communiqué. Ajoutant avoir adressé un courrier à Charles-Ange Ginésy, président du Département et exmaire, ainsi qu’au premier magistrat actuel, Guy Ammirati, « afin de trouver des solutions et renouer le dialogue ».
« Hordes de chiens » qui « hurlent toute la nuit »
Le ton n’est pas le même sur Internet. La page Facebook du collectif évoque « un dépôt de fumier illégal », des chiens de protection « en divagation », « qui hurlent toutes les nuits », des visites de la faune, « malheureusement de moins en moins fréquentes, du fait des hordes de chiens qui errent toutes les nuits ». Surtout, les publications et commentaires ne cessent d’ironiser sur l’arrivée de l’établissement bio dans le vallon, avec des photos prises avant et après. « Voici une photo de ce que vous désignez comme belle grange écologique, moi j’appelle ça une poubelle… » « Le plus magnifique c’est que les visiteurs sont accueillis par 2 gros tas de fumier de 3 mètres de haut un vrai nid à mouches bien puant peut-être est-ce là une nouvelle conception de la ferme dite écologique », répond un commentaire.
« C’était tendu avant qu’on arrive et ça a fait boule de neige », estime Audrey Verhoeven, l’agricultrice.
La Petite ferme de Péone, qui organise des visites pédagogiques, tire son fromage de cinq vaches, une cinquantaine de brebis et autant de chèvres.
« On n’est pas là pour emmerder le monde »
Pour la gérante, « ça devient compliqué d’être agriculteur ». « Le problème, c’est qu’on est une ferme de travail dans un hameau, principalement constitué de résidences secondaires, qui voudrait rester une carte postale. Une ferme a des nuisances normales : sans les chiens, qui font leur travail la nuit parce qu’on est en zone loup, sans les tracteurs allumés pour nourrir les animaux, ou le fumier… Je ne peux pas travailler. » Elle met en avant le fait d’avoir vingt-cinq points de vente pour son fromage dans le département : « C’est quand même chouette de véhiculer cette image. Mais que veulent les gens ? On n’est pas là pour emmerder le monde. Il faut soutenir les agriculteurs si vous les voulez en France. »
Des opposants qui ont vendu le terrain
La Chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes l’assure : l’exploitation laitière respecte les réglementations sanitaires. « Il y a toujours quelques nuisances, souligne Monique Bassoleil, référente du dossier. Ce n’est pas parce que c’est du bio qu’il n’y a pas de fumier ou quelques mouches. » Ironie de l’histoire, précise-t-elle : une partie des opposants sont ceux qui ont vendu le terrain. « Ils n’ont pas du bien se rendre compte. Et on ne peut pas dire que ça a été imposé : entre le compromis de vente et la vente, il y a eu un an ! Ils ont eu le temps de se retourner. » Michel Dessus, président de la Chambre d’agriculture est «hors de (lui). On ne peut pas maintenir l’agriculture sans avoir de nuisances. Cette exploitation, je la connais, elle est tout à fait normale. Il faut la laisser travailler tranquillement, on est en zone de montagne. Ou alors, il faut arrêter l’agriculture. »
Le maire, Guy Ammirati lui, est gêné aux entournures. Inquiet, surtout, à l’idée de voir « le président » (Charles-Ange Ginésy, président du Département) lire l’article dans le journal. Pour le reste, il ne se mouille pas : « Il y a des choses bien des deux côtés. On va voir comment arranger ça, je suis pour le dialogue. C’est Facebook qui fait le mal, ce n’est pas là qu’on règle les problèmes. On va avoir une réunion, mais je ne sais pas encore quand. »