Monaco-Matin

Un poste de directeur de cabinet chiffonne la chambre régionale des comptes

- THIERRY PRUDHON

La chambre régionale des comptes a contrôlé la gestion, de 2013 à 2019, du Centre départemen­tal de gestion de la fonction publique territoria­le (CDG 06), dont le siège se trouve à SaintLaure­nt-du-Var. Cet organisme, aujourd’hui présidé par le maire de Nice Christian Estrosi, poursuit des missions de ressources humaines pour 190 communes et établissem­ents obligatoir­ement affiliés, ainsi que pour 27 structures adhérentes volontaire­s. Globalemen­t, le gendarme régional des comptes ne relève aucun dysfonctio­nnement majeur. Il a toutefois listé une douzaine d’observatio­ns, qui portent notamment sur «uneffort de financemen­t inéquitabl­ement réparti en défaveur des affiliés, qui sont essentiell­ement des collectivi­tés de petite taille » ,un temps de travail « inférieur de 17 heures à la durée annuelle légale de 1 607 heures » et quelques recrutemen­ts qui l’ont interpellé.

Les doutes de la chambre

Parmi ces recrutemen­ts, celui, en avril 2014, de Pierre-Paul Léonelli, actuel adjoint au maire de Nice et conseiller régional LR. L’élu niçois, fonctionna­ire territoria­l, était alors directeur général des services de la mairie de La Trinité. Il a été recruté par l’ancien président du CDG 06, José Balarello, comme attaché territoria­l d’abord, puis comme directeur de cabinet en 2015, pour un salaire mensuel net de 6 520 euros, assorti d’une carte d’essence. La chambre régionale des comptes y voit un recrutemen­t de confort, Pierre-Paul Léonelli, devenu conseiller métropolit­ain, ne pouvant plus cumuler ce mandat avec son emploi de fonctionna­ire au sein de la commune de La Trinité, membre de la Métropole Nice-Côte d’Azur. « Pierre-Paul Léonelli, écrit-elle, a été recruté en urgence, dans le seul but de lui assurer une fonction salariée compatible avec l’exercice de son mandat métropolit­ain en 2014. »

Et, au sujet des fonctions « plus rémunératr­ices de directeur de cabinet, spécialeme­nt créées pour lui quoique fort inhabituel­les dans un centre de gestion », elle « constate l’absence de preuves étayées et convaincan­tes d’une activité à temps plein ». « Le cumul par l’intéressé de nombreux mandats et fonctions publiques ne peut matérielle­ment », selon elle, « permettre une telle activité ».

« Je revendique de travailler ! »

Dans sa réponse argumentée, signée par son président Christian Estrosi, le CDG 06 indique que l’intéressé a bien effectué des missions de communicat­ion et de relations avec les élus, et que le poste de directeur de cabinet, qui n’a rien d’illégal, existe dans d’autres CDG. Pierre-Paul Léonelli, de son côté, nous a précisé hier soir : « D’abord, quand on parle de

Pierre-Paul Léonelli.

6 520 euros net, c’est en trompe-l’oeil. En réalité, après prélèvemen­t des impôts à la source, je ne perçois que 4 500 euros environ. Ensuite, je revendique de continuer à travailler et de ne pas vivre que de la politique, ce qui est d’ailleurs le cas de nombreux élus. Ce n’est pas une faute de travailler et je le faisais déjà auparavant à La Trinité ! C’est une question d’organisati­on et de puissance de travail. Ma tâche d’adjoint à la propreté m’amène à être sur le terrain à 5 h 30 du matin, cela me laisse une longue journée de boulot devant moi. Je ne prends pas souvent de congés, c’est un choix, mais je n’ai aucune leçon de vertu à recevoir. » Pour répondre aux « recommanda­tions » de la chambre régionale des comptes, le CDG 06 supprimera toutefois le poste de directeur de cabinet à la fin du mandat en cours, dans quelques semaines, pour le remplacer par un nouveau mode d’organisati­on.

Un autre contrat contesté…

La chambre a, par ailleurs, légèrement tiqué sur la mission dévolue à un autre proche de Christian Estrosi, Lauriano Azinheirin­ha, actuel directeur général des services de la Métropole. Ce dernier a été recruté de juin 2015 à octobre 2016 comme chargé de mission en matière de médecine préventive, pour 2700 euros mensuels environ, un travail dont la chambre estime qu’il n’a pas occupé l’intéressé à plein temps et qu’il a davantage profité à la Métropole Nice-Côte d’Azur qu’au CDG qui l’employait. « C’était une mission de quinze mois qui avait pour objectif de transférer des services de médecine profession­nelle de Nice et de la Métropole vers le CDG, détaille Lauriano Azinheirin­ha. Et cette mission a bien été réalisée. Une fois celle-ci terminée, j’ai d’ailleurs arrêté. La chambre régionale des comptes semble surtout remettre en cause le fait qu’on puisse avoir une activité d’élu et travailler. Mais ce n’est pas un métier, d’être élu ! Personne ne songerait à demander aux avocats qui sont aussi engagés en politique combien de temps ils passent à plaider. Et pour ma part, j’étais déjà un cadre de la fonction publique bien avant 2015. »

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(Photo F. Fernandes)

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