« Il faut se réveiller »
Hassan N’Dam six fois champion du monde des moyens, organisera prochainement à Nice un colloque et des ateliers pour lutter contre la radicalisation dans le sport, notamment la boxe
Dans la boxe, Hassan N’Dam n’a plus rien à prouver. Depuis une décennie, le Franco-Camerounais empile les titres mondiaux chez les poids moyens. A 36 ans, le natif de Yaoundé n’a pas encore raccroché les gants. Il aimerait partir sur un dernier championnat du monde, avant de se lancer en MMA. Mais ce quotidien de sportif de haut niveau, celui qui vit au Cannet depuis trois ans, peut le laisser de côté pour défendre des causes qui lui tiennent à coeur. Après avoir enseigné la boxe à des soignants pendant le confinement, le boxeur part au combat contre la radicalisation qui touche le milieu sportif. Il va organiser prochainement un colloque au musée des sports à Nice pour défendre ses idées de tolérance.
Comment est née l’idée du colloque, quel est votre message principal ?
L’idée est née de ma formation (DEJEPS*), où j’ai rencontré Médéric Chapitaux, mon directeur de formation, qui est le référent “radicalisation” dans le sport. Je me suis dit qu’en tant que champion du monde de boxe et musulman pratiquant, je pouvais porter ce projet. Les jeunes seront davantage attentifs face à moi. Je veux sensibiliser les jeunes face à ce fléau. Il y a beaucoup de recrutements dans le monde sportif, notamment dans les salles de boxe. Les frères Kouachi (Saïd et Chérif, auteurs de l’attentat de Charly Hebdo), par exemple, faisaient de la boxe thaï. Il faut se réveiller pour éviter que certains basculent. Pour cela, il faut apprendre les signes de radicalisation. Informer, former et sensibliser. Et j’ai l’intention d’organiser ces rendez-vous dans mon département, à Nice, un gros foyer de radicalisation. Je sais que c’est un terrain glissant, que je ne vais pas me faire que des amis, mais j’assume. Je veux apporter du positif.
Avez-vous été confronté à ce recrutement pendant votre carrière ?
Une fois, lors d’un combat sur l’île de La Réunion. J’étais dans le vestiaire, avec mes entraîneurs quand un black barbu que je ne connaissais pas, est venu me voir. Il voulait qu’on aille prier ensemble. J’ai refusé, je lui ai dit que j’avais déjà fait ma prière à l’hôtel et je lui ai montré que je ne rentrais pas dans son jeu. Il a compris. La religion est quelque chose de très personnel.
Comment détecter les signes de radicalisation ?
Dans les salles de sport, il y en a plusieurs qui sont flagrants. Quand la première question d’un jeune est de savoir s’il y a des filles qui viennent, alors que c’est un endroit mixte, c’est un signe. De même que ceux qui refusent d’avoir des contacts, lors des assauts avec les filles. Il y a aussi ceux qui stoppent leur entraînement pour aller faire leur prière dans les vestiaires. Il ne faut pas accepter. On finit l’entraînement et on peut ensuite rattraper la prière. Les jeunes radicalisés peuvent entraîner ceux qui se cherchent, qui ont besoin de reconnaissance. Il faut apprendre à refuser.
C’est un problème lié aux clubs de boxe ou cela touche tous les sports ?
C’est plus global, mais la boxe est particulièrement touchée. Le problème, c’est qu’actuellement on ferme les yeux. Mais il y a d’autres sports qui connaissent les mêmes problèmes, notamment le foot.
Au foot certains refusent de prendre la douche avec leurs coéquipiers, nus. Est-ce un signe de radicalisation ?
Le groupe sportif, c’est une famille. Il faut s’allier, s’entraider, apprendre à vivre ensemble. La France est un pays laïc et tolérant. Et la première qualité d’un croyant, c’est la tolérance. Celui qui fait preuve d’intolérance peut basculer. La France accepte toutes les religions, les cultures, mais elle interdit de les pratiquer en public. Il faut inculquer le respect des lois du pays aux jeunes.
Quels jeunes avez-vous l’intention de rencontrer ?
Je vais aller à la rencontre des jeunes de sept clubs de boxe niçois, âgés de à ans, et notamment du club Légion Nice, qui s’est beaucoup investi. Il y aura des jeux de rôle, de réalité virtuelle, pour que le discours passe plus facilement. Ensuite, il y aura une partie de questionsréponses.
Comment réussir à faire passer ce discours face à eux ?
Ce n’est pas simple, mais je suis serein. J’y vais avec mon tempérament naturellement ouvert. Je vais me servir de mon statut pour les toucher et faire le bien. Je sais où je mets les pieds.
Faire le bien, c’est aussi ce que vous vouliez faire pendant le confinement en donnant des cours de boxe au personnel soignant (à Villeneuve-SaintGeorges, où son beau-père avait été soigné de la Covid) ?
Ma femme me dit souvent : “Tu penses aux autres, mais tu t’oublies”. Je donne sans compter, c’est ma nature. Si je peux faire du bien, sans me faire du mal, alors je fonce. Et cela m’apporte aussi.
Où en êtes-vous de vos projets sportifs, le MMA et le combat contre M’Bili ?
Le combat face à M’Bili ne se fera pas. On était tous les deux d’accord, ça aurait été une belle opposition de style et d’âge. Ça aurait pu être une passation de pouvoir ou pas et je pense que ça ne l’aurait pas été (rires). Mais les promoteurs n’ont pas réussi à répondre à nos attentes. J’ai quand même envie d’un dernier challenge. J’ai fait onze championnats du monde, j’en ai gagné six, je veux un douzième et le remporter.
Quant au MMA, je m’y suis lancé depuis le déconfinement. J’adore, j’ai l’impression de revenir à ma jeunesse, parce que je partais du niveau zéro. Il me fallait du temps avant d’apprendre les techniques, je pensais que ça allait me prendre mois pour être au niveau. Finalement, c’est allé plus vite et je ferai un premier combat en décembre à Paris.
‘‘ La boxe est particulièrement touchée. Le problème, c’est qu’actuellement on ferme les yeux. ” ‘‘ On était tous les deux d’accord, mais le combat face à M’Bili ne se fera pas. ”