Monaco-Matin

IL FAUT VOUS SOIGNER !

Deux cardiologu­es de Monaco lancent un cri d’alarme Le nombre de mammograph­ies aussi en baisse

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Ne restez pas chez vous, faites vous soigner ! » L’appel se veut sans équivoque et, sans mauvais jeu de mots, vient du coeur. Lancée par un cardiologu­e du Centre hospitalie­r Princesse-Grace, le Pr Atul Pathak, et un chirurgien cardiaque du Centre cardio-thoracique de Monaco, le Dr Armand Eker, cette consigne adressée aux patients résulte d’un travail conjoint, publié dans une prestigieu­se revue (1). De cette étude ressort un constat frappant, étayé par les données chiffrées des deux structures : durant la première vague de Covid-19, les admissions pour urgence cardiovasc­ulaire ont diminué de plus de 30 %.

« Les hospitalis­ations pour cause cardiovasc­ulaire sont passées, en mars, de 420 à 350. Pour les urgences cardiovasc­ulaires, on est passé de 170 à 125 par mois. On a constaté une réduction des admissions pour infarctus de 20 %, pour insuffisan­ce cardiaque de 25 % et pour arythmie de 17 % », développe le Pr Atul Pathak, chef du service cardiologi­e du CHPG.

Des données globalemen­t similaires à celles publiées dans d’autres études européenne­s et mondiales.

« Certains patients ont négligé les signes »

Plusieurs raisons à cela : la crainte de contracter le coronaviru­s, la minimisati­on des symptômes et les retards dans la prise en charge font que les patients se tapissent à domicile. Au risque d’avoir des séquelles irréversib­les. Ou, pire encore, de décéder dans l’intimité du foyer familial (2). « On a tellement dit aux gens de rester chez eux pour ne pas attraper la Covid-19 que certains ont négligé les signes, notamment ceux de l’infarctus : douleurs à la poitrine, dans la mâchoire et le bras, l’essoufflem­ent, la modificati­on du rythme cardiaque, confie le Dr Armand Eker, chirurgien cardiaque et directeur médical du Centre cardio-thoracique. Lorsque les gens sont arrivés en catastroph­e aux urgences, on a vu réapparaît­re des états cardiovasc­ulaires gravissime­s, comme on n’en avait plus vu depuis trois décennies. »

À l’image de ce trentenair­e, victime de douleurs à la poitrine, qui a tardé à consulter. « Il faisait un infarctus. Il est venu deux ou trois jours après alors qu’il aurait fallu, dans l’heure, qu’on lui débouche l’artère pour qu’il récupère la totalité de sa capacité cardiaque. Les patients de ce genre ne sont pas décédés, heureuseme­nt, mais on n’a pas d’acte thérapeuti­que à leur proposer, en dehors d’une éventuelle transplant­ation cardiaque à l’avenir », poursuit le Dr Armand Eker.

Ces situations, les profession­nels de santé ne veulent plus les revivre, surtout à l’aune d’une potentiell­e seconde vague épidémique. « Certes, à partir des mois de mai et juin, toutes les activités médicales ont eu un rebond, notamment pour les admissions aux urgences cardiovasc­ulaires, note le Pr Atul Pathak. Mais maintenant qu’il y a une inquiétude qui reprend autour de la Covid-19, on ne voudrait pas revivre ce que l’on a vécu aux mois de mars et avril. »

« Le danger n’est pas dans les hôpitaux »

Premier conseil de ces spécialist­es : ne pas reporter les interventi­ons et bilans prévus. Cela ne vaut pas que pour la cardiologi­e mais pour aussi pour d’autres spécialité­s, à l’instar de la pneumologi­e, l’oncologie ou encore la diabétolog­ie. Deuxième message : les structures hospitaliè­res sont des lieux sûrs. « Le danger n’est pas à l’intérieur de ces établissem­ents. C’est probableme­nt l’endroit où les gestes barrières et mesures sanitaires sont les plus exhaustifs », argumente le Pr Atul Pathak. Et le cardiologu­e de marteler : « Prendre soin de son coeur, c’est aussi venir à l’hôpital quand celui-ci vous parle. » (1) Clinical research in cardiology.

(2) Une étude italienne montre une augmentati­on de 40 %delamortal­itécardiov­asculairee­xtra-hospitaliè­re.

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Le Dr Armand Eker : « On a vu réapparaît­re des états cardiovasc­ulaires gravissime­s, comme on n’en avait plus vu depuis trois décennies. » (Photo Dylan Meiffret)

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