La crise sanitaire prend de la hauteur aux Colloques
Les tables rondes et entretiens organisés lors des « Colloques de Menton » – qui se tiendront les samedis 3, 10 et 17 octobre – invitent à penser l’actualité au-delà du simple angle médical
Depuis presque un an, désormais, le coronavirus s’invite dans l’espace public, dans les conversations, les plateaux TV, voire dans l’intime. Sans que l’effort soit toujours fait de prendre de la hauteur, de dépasser les annonces et informations brutes. Fidèles à leur objectif de « penser notre temps », les Colloques de Menton se sont fixé ce défi : parler de la crise sanitaire, certes, mais avec un autre prisme. En abordant la question dans toutes ses réalités. Passé, présent, avenir. Les tables rondes prévues le 3 et le 10 octobre, de même que le grand entretien programmé le 17, se pencheront ainsi sur trois thèmes étroitement liés. Il sera d’abord question d’histoire, puis des conséquences sur l’économie, le social et le politique, et enfin de géopolitique (lire ci-dessous).
Prise de température
« Si nous avons fait le choix de parler de la Covid, ce n’est pas simplement parce que la santé préoccupe, pas non plus parce que l’on a assisté à la déroute des scientifiques qui n’étaient pas d’accord sur ses caractéristiques et les manières de la combattre. C’est dans l’ère du temps, même si l’organisation des Colloques nécessite d’anticiper ce qui sera d’actualité en octobre plusieurs mois avant », indique le maire, Jean-Claude Guibal, à qui revient chaque année la mission de trouver des sujets de discussion pertinents. La première table ronde aura ainsi trait aux épidémies dans l’Histoire, et à leurs effets. « Elles ont changé les sociétés d’un point de vue du mode de vie, de l’organisation sociale… », glisse-t-il. Soucieux de ne pas proposer au public une conférence médicale indigeste, mais avant tout matière à réfléchir.
La deuxième table ronde questionnera quant à elle la traditionnelle opposition entre l’ancien et le moderne. Plutôt que de tout miser sur le nouveau monde, l’élu a préféré que l’on étudie ce qu’il reste (ra) de l’ancien, via un thème renvoyant à l’identité, aux valeurs morales. Mais aussi aux failles d’un système déréglé et mondialisé. « On sait qu’une chose va disparaître : le système techno économique, expose Jean-Claude Guibal. J’aime à penser que ce n’est pas par hasard qu’une pandémie de cette ampleur survient aujourd’hui. Le million de morts à échelle mondiale coïncide avec la mise en oeuvre de technologies entièrement nouvelles. Quand l’intelligence artificielle, la 3D, la 5G apparaissent, quand PSA abandonne les moteurs thermiques pour investir dans l’électrique, c’est signe de la fin d’un monde. » Et le nouveau pourrait bien, selon lui, sonner le glas d’une société où l’argent est une valeur première, et l’économie un totem. Laissant – pourquoi pas – la place à un retour des poètes et d’un rapport à la nature. Cette 22e édition se clôturera par un grand entretien avec le spécialiste en géopolitique Renaud Girard. Lui qui s’est déjà rendu à Sciences Po mais jamais au Palais de l’Europe pour interagir avec la « tribu » des Colloques. Et qui interviendra sur la modification des rapports de force entre les grandes puissances, accélérée par la crise. « Aux grands mammouths que sont la Chine et les USA s’ajoute la concurrence du monde musulman, et notamment de l’Iran. La Chine vaut par l’importance de sa population mais c’est un régime autoritaire qui fait marcher la machine de l’ultralibéralisme. Les États-Unis, eux, ont un vrai problème d’identité au travers de la cohésion. Avec l’America first, ils opèrent à un repli sur soi au moment où d’autres rouvrent les routes de la soie », synthétise le maire. Insistant sur la légitimité d’aller – le temps de trois weekends – au-delà de la crise, des masques, des gestes barrières. Même si en l’occurrence, tout sera mis en place pour qu’aucun risque ne soit pris. À l’entrée, deux personnes prendront ainsi la température des spectateurs. L’accès au Palais de l’Europe se fera par ailleurs sur réservation, de manière à être en mesure de contrôler. « Pour le reste, les gens sont assis, masqués et ne bougent pas. Il n’y a pas plus à craindre qu’au cinéma ou au théâtre. » Et les habitués des Colloques pourront ainsi assister à leur propre spectacle, pied de nez lumineux à la noirceur de l’époque.