Martine, agent spécial
La cinquantaine sereine, Martine est agent spécial. Son job à la caisse primaire d’assurance maladie, c’est la prévention. Mais lorsqu’en pleine reprise fulgurante des contaminations, il a fallu renforcer les effectifs de l’armée de traceurs azuréens, elle n’a pas hésité.
Au sein de la brigade niçoise, l’agent spécial M a choisi de faire des roulements de week-end : « Les résultats de test arrivent en masse le vendredi soir. Comme la guerre contre la diffusion du virus se joue dans les 24 à 48 h, il n’y a pas de dimanche qui compte. »
heures chrono
Casque et micro vissés sur la tête, cinq jours sur sept, depuis trois mois, elle enchaîne les enquêtes. Sa feuille de route, elle la reçoit chaque matin : un listing des personnes testées positif. « Le compte à rebours se déroule vite. » D’abord, trouver le numéro de téléphone ou au pire une adresse email de chaque patient zéro.
« C’est la première porte. » La mission peut commencer : « On appelle les gens s’ils ne répondent pas on leur adresse deux SMS. » Le stress est compensé par le sentiment d’être un frein à la propagation du virus : « On a peu de récalcitrants. Je suis tombé sur un os une fois. Un monsieur qui m’a pris de haut... au nom de sa liberté individuelle... Mais la plupart des gens sont coopératifs. J’ai même l’impression qu’ils sont soulagés qu’on les joigne. Les uns parce que paniqués. Les autres parce que portant comme un fardeau un absurde sentiment de culpabilité : « Je n’oublierai jamais ce jeune retraité...! Selon ses propres mots, libéré du poids d’un confinement qui lui avait pesé, il m’avouait avoir géré ce retour à la liberté de façon “débridé”, sans se préoccuper des gestes barrières. Il se sentait tellement coupable d’être un danger potentiel pour les autres que lorsqu’on en est venu à répertorier les personnes avec lesquelles il avait été en contact, sa liste n’en finissait plus... , se souvient l’agent M en souriant. Je crois qu’on est monté à plus 20!»
Gérer la panique aussi
En remontant la chaîne des patients zéro jusqu’à ceux qu’ils ont approchés « deux jours avant les premiers symptômes et jusqu’à 7 jours après », Martine sait que sa mission est double : briser la chaîne, mais aussi éviter la panique : « Être en présence d’une personne positive dans un lieu clos, plus de quinze minutes et sans masque, ni geste barrière : c’est cela qu’on retient lors de nos investigations avant de déterminer les vrais cas contact avérés avec lesquels on mettra en place le processus de dépistage prioritaire et d’isolement. » Pas toujours simple. Beaucoup de gens anxieux : comme ce jeune homme totalement terrorisé parce qu’il hébergeait une personne âgée : « Il nous implorait de lui trouver un hébergement d’urgence, le temps qu’il ne soit plus contagieux »Ou encore, raconte Martine, cette « jeune femme, affolée, parce qu’asymptomatique elle avait en toute tranquillité invité toute sa famille à une grosse fête d’anniversaire ».
Mais Martine ne lâche jamais rien, ni personne : « J’ai vraiment l’impression que nous sommes investis d’une grand et belle mission citoyenne .»