L’Amérique si loin, si proche
Le débat d’entre-deux-tours de la présidentielle vient à peine de démarrer que déjà, perlent, synchrones sur leurs tempes, d’inhabituelles gouttes de sueur. Gilles Bouleau et Anne-Sophie Lapix font la grosse voix, agitent les bras, songent un instant couper les micros. Rien n’y fait. La tempête de m... est de niveau . Intensité maximale. Les deux journalistes sont aguerris mais ils n’ont jamais vu et surtout jamais entendu ça. C’est la première fois qu’un candidat lance à son adversaire « Vous allez la fermer, mec ? ».
En France, de la politique-fiction. Aux États-Unis, ce n’est qu’une des nombreuses amabilités que se sont échangés Donald Trump et Joe Biden lors de leur premier face-à-face télévisé. Une série de dérapages savamment contrôlés de part et d’autre, combat de catch plus que combat de boxe, que nous avons pu suivre de près, comme n’importe quel électeur américain, en direct/live. Sauf que nous sommes séparés du ring par un océan qui fausse depuis toujours la perspective.
La Maison-Blanche
est l’adresse du pouvoir la plus prestigieuse. Mais son locataire n’a que la plus belle clé du trousseau. Nous avons du mal à comprendre cette mécanique institutionnelle, combinant deux niveaux de décision, à l’échelon fédéral et à celui de chaque état. Il faut compter avec le Congrès, le Sénat. Pour tout ce qui touche à l’économie et à la finance, le très influent président de la Réserve fédérale a son indépendance, même si les pressions peuvent être fortes. Si une loi ou un traité n’est pas conforme à la constitution, la Cour suprême a le dernier mot. La nomination de chacun de ses neuf juges est tellement cruciale que le débat de lundi soir a démarré là-dessus. Bref, le vainqueur du scrutin du novembre, présidera une hyperpuissance mais ne sera pas tout-puissant. Le rappeler, ce n’est pas minorer l’importance de l’élection, c’est juste fournir le décodeur pour mieux juger ce duel télévisé. Inutile de trop promettre : les électeurs connaissent l’étendue limitée de leur champ de compétence. Généralement, le vainqueur l’emporte en incarnant mieux l’Amérique que son adversaire. Une vision, plutôt qu’un programme clé en main. Cette fois, les deux hommes sont trop âgés, dans un pays trop divisé, pour réussir ce tour de force. Ils ne visent que la petite victoire, celle qui fédère le camp des contre. Anti-Trump ou anti-Biden ? Le débat, trop confus n’a pas permis de trancher ? Au moins l’un des deux, pas le plus à l’aise dans les sondages, doit penser « tant mieux ».
« La Maison-Blanche est l’adresse du pouvoir la plus prestigieuse. »