« Je suis très inquiet »
Philippe Manassero, le président du Comité départemental olympique et sportif, condamne l’arrêté préfectoral qui conduit à la fermeture des gymnases pour les sportifs amateurs majeurs
Il n’a pas accueilli la nouvelle avec enchantement. C’est le moins que l’on puisse dire. Philippe Manassero n’est pas aveugle. Le président du Comité départemental olympique et sportif (CDOS) ne nie pas la crise sanitaire que traverse le pays, mais le dirigeant est remonté contre la fermeture des salles de sport et des gymnases qui prive les sportifs amateurs de plus de 18 ans de la pratique de leurs disciplines jusqu’au 12 octobre. Dans un communiqué publié mardi, l’ex-arbitre international de basket déplore l’arrêté pris par le préfet Bernard Gonzalez. Un texte entré en vigueur lundi et mis sur pied « sans concertation avec le mouvement sportif ».
Président, on vous sent remonté contre cet arrêté préfectoral...
Le préfet a pris des décisions sans concerter un instant le mouvement sportif. Ma colère et mon incompréhension viennent de là. Il a échangé avec les maires au sujet de stratégies. Il a aussi interpellé cafetiers et restaurateurs qu’il a réunis au sujet de restrictions, mais il n’a pas eu la même démarche avec les sportifs. Il n’a pas fait le job et se sent peut-être au-dessus de la mêlée, mais la concertation et le dialogue doivent être permanents.
Vous lui aviez pourtant adressé deux courriers…
Oui, le et le septembre, quand je sentais les choses venir. J’y ai fait des préconisations pour renforcer les protocoles sanitaires édictés par chaque fédération et qui sont déjà extrêmement rigoureux. L’idée était de rassurer. Je n’ai pas eu de réponse. J’ai eu un appel hier (mardi, NDLR) de sa directrice adjointe de cabinet. J’ai des rapports permanents avec Hervé Demai, le directeur départemental de la cohésion sociale, mais le préfet est le décideur et j’aurais aimé qu’on se réunisse pour discuter et avancer.
En quoi cet arrêté vous gêne-t-il ?
Pourquoi le faire appliquer sur l’ensemble du département ? Seules des grandes villes comme Nice ou Marseille étaient ciblées par les principaux seuils d’alerte nationaux qui, au passage, sont devenus incompréhensibles.
Les Alpes-Maritimes n’étaient pas concernés dans leur globalité. Elargir ces contraintes à l’ensemble du département me paraît excessif. On n’a pas identifié de clusters dans les structures sportives, mais des mamies qui vont au gymnase de Saint-Sauveur-surTinée vont voir leur cours de gymnastique interdit…
Vous déplorez l’inégalité entre sportifs amateurs et professionnels…
Cet arrêté stigmatise et montre du doigt les sportifs amateurs. Il est intolérable de penser qu’ils seraient davantage des ‘‘clients’’ de la Covid que les sportifs professionnels ou de haut niveau. Pro ou amateur, le sportif reste un sportif.
Avez-vous l’impression que le professionnalisme et son économie ont été favorisés ?
Bien sûr. On a très bien vu que le sport pro a ses entrées et on a laissé faire. Le Tour de France a eu lieu avec du monde. Ok. Bravo…
Le ‘‘sport santé’’ et une activité physique régulière sont encouragés, vous les jugez aujourd’hui en danger…
On les préconise puis on les interdit. Je n’oublie pas que derrière le ‘‘sport santé’’ se cachent des valides mais aussi des personnes handicapées. Pour elles, c’est du bien être, du lien social en moins. Elles ont pourtant assez subi pendant le confinement.
Avez-vous déjà été contacté par des clubs désemparés ?
J’ai raccroché avec un club de natation il y a cinq minutes et je peux vous dire qu’il y a des situations risibles... Un président de club de volley m’a appelé pour me dire que son équipe de N ne peut pas s’entraîner mais va devoir se rendre à Ajaccio pour jouer. Il me disait qu’il ne voulait pas y aller pour prendre une raclée. Il aimerait savoir qui va lui rembourser les billets d’avion.
Vous redoutez une désaffection des licenciés ?
On est déjà à -, - voire - % de licenciés dans certains comités départementaux. La réalité, c’est que beaucoup ne se sont pas réinscrits pour le moment. L’an dernier, dans les Alpes-Maritimes, la gymnastique comptait un millier de licenciés. Aujourd’hui, d’après la présidente, il n’y en a plus que . Si ça continue, les gens ne viendront plus dans les clubs. Ils iront à la pêche ou courir de leur côté. Cette approche me fait peur.
Etes-vous inquiet pour l’avenir des associations sportives ?
Je suis très inquiet et je dors peu la nuit. Ajouter ces fermetures à l’inquiétude : si on voulait tuer le sport, on ne s’y prendrait pas autrement. On parle des aides mais il faut remplir vingt-cinq documents pour les obtenir. Les dirigeants ont peut-être autre chose à faire.
Quelles solutions avez-vous présentées au préfet dans vos courriers ?
J’étais prêt à proposer aux présidents des comités départementaux de renforcer encore les mesures sanitaires, pour aller au-delà de celles des fédérations : prendre la température à l’entrée du gymnase, séparer les flux d’entrées et de sorties, renforcer les nettoyages des espaces, réduire la manipulation des objets destinés à l’entraînement et qu’on se passe. On pourrait aussi imposer le port du masque chez les entraîneurs et le huis clos pendant les matchs et les entraînements. Les clubs seraient d’accord.
Avez-vous espoir que vos requêtes aboutissent ?
J’attends du préfet qu’il reprenne son arrêté et resserre le dispositif autour des villes où des problèmes de santé ont été identifiés. L’autre possibilité, c’est réduire la durée de cette fermeture de quinze à huit jours. En mordant et sortant les dents, la préfecture est en train de regarder les choses différemment. Tous les comités départementaux me remercient d’être un peu la tête de réseau pour les défendre. Les clubs s’appuient sur nous et je me sens utile.
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Si on voulait tuer le sport, on ne s’y prendrait pas autrement”