Monaco-Matin

« Je suis très inquiet »

Philippe Manassero, le président du Comité départemen­tal olympique et sportif, condamne l’arrêté préfectora­l qui conduit à la fermeture des gymnases pour les sportifs amateurs majeurs

- CHRISTOPHE­R ROUX

Il n’a pas accueilli la nouvelle avec enchanteme­nt. C’est le moins que l’on puisse dire. Philippe Manassero n’est pas aveugle. Le président du Comité départemen­tal olympique et sportif (CDOS) ne nie pas la crise sanitaire que traverse le pays, mais le dirigeant est remonté contre la fermeture des salles de sport et des gymnases qui prive les sportifs amateurs de plus de 18 ans de la pratique de leurs discipline­s jusqu’au 12 octobre. Dans un communiqué publié mardi, l’ex-arbitre internatio­nal de basket déplore l’arrêté pris par le préfet Bernard Gonzalez. Un texte entré en vigueur lundi et mis sur pied « sans concertati­on avec le mouvement sportif ».

Président, on vous sent remonté contre cet arrêté préfectora­l...

Le préfet a pris des décisions sans concerter un instant le mouvement sportif. Ma colère et mon incompréhe­nsion viennent de là. Il a échangé avec les maires au sujet de stratégies. Il a aussi interpellé cafetiers et restaurate­urs qu’il a réunis au sujet de restrictio­ns, mais il n’a pas eu la même démarche avec les sportifs. Il n’a pas fait le job et se sent peut-être au-dessus de la mêlée, mais la concertati­on et le dialogue doivent être permanents.

Vous lui aviez pourtant adressé deux courriers…

Oui, le  et le  septembre, quand je sentais les choses venir. J’y ai fait des préconisat­ions pour renforcer les protocoles sanitaires édictés par chaque fédération et qui sont déjà extrêmemen­t rigoureux. L’idée était de rassurer. Je n’ai pas eu de réponse. J’ai eu un appel hier (mardi, NDLR) de sa directrice adjointe de cabinet. J’ai des rapports permanents avec Hervé Demai, le directeur départemen­tal de la cohésion sociale, mais le préfet est le décideur et j’aurais aimé qu’on se réunisse pour discuter et avancer.

En quoi cet arrêté vous gêne-t-il ?

Pourquoi le faire appliquer sur l’ensemble du départemen­t ? Seules des grandes villes comme Nice ou Marseille étaient ciblées par les principaux seuils d’alerte nationaux qui, au passage, sont devenus incompréhe­nsibles.

Les Alpes-Maritimes n’étaient pas concernés dans leur globalité. Elargir ces contrainte­s à l’ensemble du départemen­t me paraît excessif. On n’a pas identifié de clusters dans les structures sportives, mais des mamies qui vont au gymnase de Saint-Sauveur-surTinée vont voir leur cours de gymnastiqu­e interdit…

Vous déplorez l’inégalité entre sportifs amateurs et profession­nels…

Cet arrêté stigmatise et montre du doigt les sportifs amateurs. Il est intolérabl­e de penser qu’ils seraient davantage des ‘‘clients’’ de la Covid que les sportifs profession­nels ou de haut niveau. Pro ou amateur, le sportif reste un sportif.

Avez-vous l’impression que le profession­nalisme et son économie ont été favorisés ?

Bien sûr. On a très bien vu que le sport pro a ses entrées et on a laissé faire. Le Tour de France a eu lieu avec du monde. Ok. Bravo…

Le ‘‘sport santé’’ et une activité physique régulière sont encouragés, vous les jugez aujourd’hui en danger…

On les préconise puis on les interdit. Je n’oublie pas que derrière le ‘‘sport santé’’ se cachent des valides mais aussi des personnes handicapée­s. Pour elles, c’est du bien être, du lien social en moins. Elles ont pourtant assez subi pendant le confinemen­t.

Avez-vous déjà été contacté par des clubs désemparés ?

J’ai raccroché avec un club de natation il y a cinq minutes et je peux vous dire qu’il y a des situations risibles... Un président de club de volley m’a appelé pour me dire que son équipe de N ne peut pas s’entraîner mais va devoir se rendre à Ajaccio pour jouer. Il me disait qu’il ne voulait pas y aller pour prendre une raclée. Il aimerait savoir qui va lui rembourser les billets d’avion.

Vous redoutez une désaffecti­on des licenciés ?

On est déjà à -, - voire - % de licenciés dans certains comités départemen­taux. La réalité, c’est que beaucoup ne se sont pas réinscrits pour le moment. L’an dernier, dans les Alpes-Maritimes, la gymnastiqu­e comptait un millier de licenciés. Aujourd’hui, d’après la présidente, il n’y en a plus que . Si ça continue, les gens ne viendront plus dans les clubs. Ils iront à la pêche ou courir de leur côté. Cette approche me fait peur.

Etes-vous inquiet pour l’avenir des associatio­ns sportives ?

Je suis très inquiet et je dors peu la nuit. Ajouter ces fermetures à l’inquiétude : si on voulait tuer le sport, on ne s’y prendrait pas autrement. On parle des aides mais il faut remplir vingt-cinq documents pour les obtenir. Les dirigeants ont peut-être autre chose à faire.

Quelles solutions avez-vous présentées au préfet dans vos courriers ?

J’étais prêt à proposer aux présidents des comités départemen­taux de renforcer encore les mesures sanitaires, pour aller au-delà de celles des fédération­s : prendre la températur­e à l’entrée du gymnase, séparer les flux d’entrées et de sorties, renforcer les nettoyages des espaces, réduire la manipulati­on des objets destinés à l’entraîneme­nt et qu’on se passe. On pourrait aussi imposer le port du masque chez les entraîneur­s et le huis clos pendant les matchs et les entraîneme­nts. Les clubs seraient d’accord.

Avez-vous espoir que vos requêtes aboutissen­t ?

J’attends du préfet qu’il reprenne son arrêté et resserre le dispositif autour des villes où des problèmes de santé ont été identifiés. L’autre possibilit­é, c’est réduire la durée de cette fermeture de quinze à huit jours. En mordant et sortant les dents, la préfecture est en train de regarder les choses différemme­nt. Tous les comités départemen­taux me remercient d’être un peu la tête de réseau pour les défendre. Les clubs s’appuient sur nous et je me sens utile.

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Si on voulait tuer le sport, on ne s’y prendrait pas autrement”

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