Monaco-Matin

LA JUSTICE FAIT FRONT

La Covid, invitée surprise de la rentrée judiciaire “La justice est habituée à faire face à des crises”

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Mercuriale ». Dans le microcosme judiciaire, on use de ce terme pour qualifier la rentrée des cours et tribunaux. D’ordinaire, pour cette audience solennelle que le prince Albert II et le tout-Monaco ne manquent pas, le palais de justice affiche complet. Hier matin, mesures sanitaires obligent, une partie de l’assistance a suivi le cérémonial millimétré depuis le Musée océanograp­hique, à quelques pas de là, où il était retransmis en direct. L’an passé, à la même époque, les magistrats de Monaco clôturaien­t un exercice judiciaire « dense et sensible ». Le corps judiciaire s’affichait, alors, meurtri par les saillies médiatique­s et la suspicion (1). Un mal-être nourri, par ailleurs, par un contexte interne de sous-effectif et de restructur­ation.

« Montés dans le train de la dématérial­isation »

Depuis, de l’eau semble avoir coulé sous les ponts. Les discours prononcés hier devant le souverain et Robert Gelli, le Secrétaire d’État à la Justice, au terme d’une année judiciaire 2019-2020 amputée de quelques mois de confinemen­t, n’ont pas laissé transparaî­tre de malaise ambiant. En ces temps de crise sanitaire, l’heure était plutôt à la résilience. Aux louanges aussi. « C’est l’occasion de rendre hommage à cette conscience collective et de saluer l’engagement exceptionn­el qui a animé tous les acteurs de nos institutio­ns respective­s » ,a loué Brigitte Grinda-Gambarini, premier président de la Cour d’appel, citant les corps exécutif, législatif et judiciaire. « La justice est habituée à faire face à toutes sortes de crises : les crises induites par des réformes difficiles à mettre en place, les crises en lien avec des problèmes d’effectif, les crises de confiance, les crises médiatique­s. Cette année, c’est une crise sanitaire qui a mis la justice en suspension mais, comme tout autre incident de parcours, elle nous permet d’en tirer de multiples enseigneme­nts en préparant le jour d’après et en nous incitant, une fois de plus, à faire preuve d’humilité. » L’interrupti­on de la plupart des activités juridictio­nnelles, au moment où le pays était sous cloche, a été en partie compensée, comblée. Notamment avec la tenue d’audiences supplément­aires durant les périodes de vacations judiciaire­s estivales. Soit un mois entier d’activités supplément­aires à assumer.

Craignant que l’évolution vers une justice numérique « prenne un temps considérab­le », les acteurs judiciaire­s ont, sur ce sujet, su tirer bénéfice de la crise. « Hasard de l’actualité et bénéfice indirect de cette crise hors normes, en quelques mois, que dis-je, en quelques semaines, nous sommes montés dans ce train de la dématérial­isation (...). Grâce à des nouvelles procédures et la mobilisati­on de tous au cours de l’été, le constat objectif de ce jour est très rassurant puisque nous n’accusons ni retard d’audienceme­nt, ni stock préjudicia­ble au bon fonctionne­ment de l’institutio­n », poursuitel­le.

Avant de saluer, par la suite, les échanges fréquents et constructi­fs avec les avocats.

Les priorités du parquet général réaffirmée­s

Pour Sylvie Petit-Leclair, procureur général, le contexte sanitaire a beau avoir chamboulé le protocole en audiences, « la sérénité et la loyauté des débats ainsi que le respect des droits de la défense ne sont pas négociable­s. Nous veillons tous à ce qu’ils soient maintenus. » Dans son discours, la magistrate a rappelé ses thématique­s prioritair­es, abordées dès sa nomination en 2018 : la lutte contre les abus de faiblesse et contre la délinquanc­e économique et financière. Les deux demandant de la coopératio­n

à tous les niveaux, que ce soit à l’intérieur du pays ou avec les États voisins.

L’arrivée d’un troisième juge d’instructio­n – l’équipe est désormais au complet après une période délicate de sous-effectif – a été largement saluée par Sylvie Petit-Leclair. « Notre attente n’est pas déçue. Le nombre d’ouvertures d’informatio­ns dans des dossiers parfois très complexes, au regard notamment des éléments d’extranéité et de la sophistica­tion des montages financiers, a notablemen­t augmenté. Nos relations, fluides et empreintes de confiance, ne peuvent que contribuer à donner à la justice de la Principaut­é de Monaco l’image d’une justice efficace dans la lutte contre la délinquanc­e dite en col blanc », poursuit-elle. Évoquant, enfin, l’entraide pénale internatio­nale, Sylvie Petit-Leclair s’est félicitée de la mise en place, le 28 avril par le procureur de la République de Nice, d’une équipe commune d’enquête entre la France et la Principaut­é, associant huit policiers monégasque­s et plusieurs dizaines de gendarmes français sur une affaire. Une coopératio­n au sein d’une même entité qui, semble-t-il, a été « fructueuse ». (1) Dans le contexte du non-renouvelle­ment du très médiatique juge d’instructio­n de l’affaire BouvierRyb­olovlev (dans le volet trafic d’influence), Édouard Levrault, et le départ du Directeur des services judiciaire­s,LaurentAns­elmi. Cederniera,depuis,laissé sa place à Robert Gelli.

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 ?? (Photos Manuel Vitali / Dir. Com.) ?? La rentrée des cours et tribunaux s’est déroulée en présence du prince Albert II et de Robert Gelli, Secrétaire d’État à la Justice.
(Photos Manuel Vitali / Dir. Com.) La rentrée des cours et tribunaux s’est déroulée en présence du prince Albert II et de Robert Gelli, Secrétaire d’État à la Justice.

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