Monaco-Matin

Pierre Richard « Jouer un spectacle où je ne dis rien, c’est génial ! »

Monstre sacré de la scène, Pierre Richard incarne un Monsieur X aussi hilarant que touchant dans cette pièce écrite pour lui par Mathilda May. Un voyage sans parole, musical, poétique, dont il est le prophète.

- RAPHAËL COIFFIER rcoiffier@nicematin.fr

Il pleut sur Paris. Du coup, Pierre Richard a laissé sa meule au garage. S’est rendu en bagnole au théâtre. C’est donc avec une demi-heure de retard qu’il compose notre 06. Mais que ne pardonnera­it-on pas à ce vieil enfant de Molière ? Surtout que, même si à 85 ans le temps presse, il le repousse des deux mains. Et qu’importe si la pendule dit je t’attends. L’acteur lui tire la langue. Comme l’enfant qu’il est resté. Qu’il est dans cette pièce, taillée à sa démesure par Mathilda May. « Avant d’écrire, elle m’a rencontré, se souvient le galopin. On se connaissai­t peu. J’ai lu six, sept pages sans dialogue – ça se lit vite – et j’ai tout de suite dit oui ! » Au fil des semaines, Monsieur X a pris du muscle. Au fil des répétition­s, le comédien a trouvé des idées. Entre silences et musiques signées Ibrahim Maalouf, il a changé de peau. Franchi le Rubicon. Jusqu’à son univers au corps animé. En noir et blanc... « Jouer un spectacle où je ne dis rien, c’est génial. Moi, mon école, ce sont les Chaplin, Tati, Keaton. C’est un vrai plaisir. » À chaque représenta­tion, c’est donc jour de fête. Car pour lui, pas de textes, pas de trac. « Une fois, j’étais tellement « Quelle solitude ? Il n’est jamais décontract­é que j’ai failli m’endormir seul. Parfois, on est moins seul, tout avant le lever de rideau ! » seul, qu’à deux », devise l’incorrigib­le Même pas vrai, comme on braillait marmonneur des lilas. « C’est à la récré. Quoiqu’avec ce compère, vrai, je peux marmonner sur scène tout soit envisageab­le. À tel et laisser même place à l’improvisat­ion point qu’avec ses longs cheveux dans le marmonneme­nt... » blancs et sa barbe peignée, on le Le scrogneugn­eu, son unique prendrait presque marge de manoeuvre.

‘‘ pour le père Noël. Pour le D’ailleurs, le voir papillonne­r Si je m’arrête, reste, la maîtresse sur les May veille

je vais planches est un cadeau au grain en coulisses. tombé du ciel. m’ennuyer « Même s’il Et pas question de n’y a pas de paroles,

ferme” plier les gaules. c’est très précis. M’enfin, la retraite, Je dois être en c’est pour les vieux. « Si je m’arrête, harmonie avec la musique, les bruitages. je vais m’ennuyer ferme. Et La moindre imprécisio­n, je la puis je ne suis pas encore adulte... » Il est plutôt rêveur. À l’image de son personnage. Capable de donner vie aux objets. Des amis. Peuplant son imaginaire. Comblant sa solitude.

Le coeur et les zygomatiqu­es

paye cash. Au moindre écart, Mathilda monte dans ma loge et me fait des remarques. Ah ! Elle ne me passe rien... »

Mon oeil ! Ce joyau, elle l’a taillé comme un diamant pour ce monument. Ce chef-d’oeuvre auquel on pardonne tout.

‘‘ Tant il nous flingue les zygomatiqu­es et nous chamboule le coeur. Unique à l’instant de s’emparer de ce monde surréalist­e. Drôle. « Du Magritte. Avec de l’imprévu, relève-t-il à fond sur le périph’ des mots. D’ailleurs le public est très étonné... »

À Draguignan, à Antibes, il lui emboîtera le pas. À en oublier le baiser du masque pour mieux rigoler de concert.

« J’espère que ça ne va pas me foutre la trouille tous ces gens masqués. Surtout s’il y en a un en veste blanche, j’aurais l’impression d’aller au bloc... »

Il débloque, parfois, ce fugitif de l’ennui. À moins qu’il ne soit juste heureux de partager, les trois coups retentis, sa cavale du fou pas si fou. Qui ne lâchera rien aux morsures de la Covid.

« Même si tout est chamboulé. Même si c’est un coup dur pour tout le monde – et particuliè­rement l’art, la culture – il faut avancer... » Tiens, il ne pleut plus sur Paris. Sûr que la vieille canaille s’en est allée planter un arcen-ciel à l’étage de Monsieur X...

Parfois, on est moins seul, tout seul, qu’à deux”

◗ Vendredi 9 et samedi 10 octobre à 20 h 30.Théâtre de l’Esplanade, grande salle, à Draguignan. Tarifs : 26 €, réduit de 12 à 19 €. Rens. 04.94.50.59.59. ◗ Les 12, 13 (20 h 30) et 14 janvier (20 h) à Anthéa, théâtre d’Antibes. Tarifs : 40 €, réduit de 13 à 30 €. Rens. 04.83.76.13.00.

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