Monaco-Matin

Nathalie et André, à Casterino ,ont Sylvie et Jacques au Boréon : tiré un trait sur la saison hivernale évacués et désespérés

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr K.L.

« 13 septembre 1993. » La date est solidement gravée dans leur mémoire. Ce jour-là, les flots de la Roya se déversent sur la route puis envahissen­t l’hôtel-restaurant Les Mélèzes, à Casterino. « On avait été les seuls à être touchés. Mais sur la route, il n’y avait pas de tels dégâts. Là, Tende et la vallée de la Roya ont vraiment pris... »

André Boulanger, 62 ans, et sa femme Nathalie, 52 ans, affichent un sourire qui dissimule mal leurs tourments intérieurs. 2 octobre 2020 : une nouvelle date vient de s’inscrire durablemen­t dans leurs mémoires. Cette fois-ci, leur hôtel-restaurant a été épargné. La route qui accède à ce hameau de Tende, elle, est pulvérisée.

« À Casterino, c’est dramatique », réagit Nathalie. Lors de notre passage, ils n’ont plus d’eau, plus d’électricit­é depuis la tempête Alex. Mais ça, encore, ce n’est pas rédhibitoi­re pour André. « On est déjà resté sans électricit­é. C’est dur, mais on est habitué ! S’ils nous mettent un groupe [électrogèn­e], il n’y a aucun problème. On est autonomes. On est en bonne santé. On ne veut pas être évacués pour qu’ils nous amènent à la ville et qu’on ne sache pas quoi faire... »

« Il faut stopper les prélèvemen­ts »

L’activité, justement. C’est là que le bât blesse. « Là, pour nous, c’est fini. On ne peut plus travailler. On est aux bougies », soupire Nathalie. Comme pour bien d’autres habitants du haut pays, les voici en situation de détresse économique. La saison hivernale, quand Casterino se met au ski de randonnée et au traîneau à chiens ? André n’y compte plus. Impossible sans accès routier.

« Le problème, c’est qu’il y a tous les prélèvemen­ts à la banque. Et s’il n’y a plus rien qui rentre, on fait quoi?» Pour cet hôtelier, une seule solution : « Il faut arrêter tous les prélèvemen­ts jusqu’à ce que l’activité reprenne. » Le temps de désenclave­r « cet endroit magnifique » et l’hôtel des Boulanger, déjà éprouvé par les problèmes de transport et la crise de la Covid. Depuis la tempête, le passage n’est possible que via l’autre côté des Alpes. « Pour l’instant, on peut aller en Italie... tant qu’il ne neige pas. »

La famille Paillard, propriétai­res de l’hôtel Le Boréon depuis 2013, est encore sous le choc de la tempête Alex. Située au bord du lac du Boréon en face du barrage, sur la commune de Saint-Martin-Vésubie, la bâtisse de pierre s’est retrouvée à moitié ensevelie sous un torrent de cailloux dévalant du mont Pelago juste derrière. Leurs voitures sur le parking sont recouverte­s jusqu’au toit, l’appartemen­t du premier étage et l’accueil par la terrasse inondés, la cuisine détruite, l’escalier d’accès privé a disparu, et l’appartemen­t de leur fils au rez-de chaussée n’est plus qu’un souvenir… Sylvie, Jacques son mari, Junior leur fils et Georges leur fidèle compagnon à quatre pattes sont effarés : « Quand les murs ont tremblé, on était tous dans le salon dans l’angoisse, on a passé une nuit blanche pour découvrir le désastre le lendemain matin… maman était si dévastée, si fragile », confie Junior. Les hélicos arrivent tour à tour, mais ils n’embarquent que l’après-midi pour Saint-Martin en bas, « parce que certains pilotes ne voulaient pas prendre le chien à bord… », explique Sylvie. Ils sont finalement évacués vers Nice le dimanche et pris en charge par une assistante sociale, mais aucun espoir de pouvoir retourner chercher leurs affaires dans l’immédiat. Sylvie, atteinte d’un cancer, est d’autant plus fragilisée. Ils travaillen­t en famille, c’est leur force mais devant la perte de leur lieu de vie et de l’investisse­ment dans l’hôtel, cette force a disparu. Ils décident de partir chez les parents de Sylvie dans son Jura natal, trouver repos et courage en attendant la suite…

 ?? (Photo C. C.) ?? Pour André et Nathalie Boulanger, propriétai­res de l’hôtelresta­urant Les Mélèzes, la coupure de la route risque d’être fatale à la saison hivernale.
(Photo C. C.) Pour André et Nathalie Boulanger, propriétai­res de l’hôtelresta­urant Les Mélèzes, la coupure de la route risque d’être fatale à la saison hivernale.
 ?? (Photo J.Paillard) ?? Sur le parking de l’hôtel Le Boréon, les voitures ont été recouverte­s par un torrent de cailloux. La famille Paillard, qui gère l’établissem­ent depuis  ans, a été évacuée par hélicoptèr­e.
(Photo J.Paillard) Sur le parking de l’hôtel Le Boréon, les voitures ont été recouverte­s par un torrent de cailloux. La famille Paillard, qui gère l’établissem­ent depuis  ans, a été évacuée par hélicoptèr­e.

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