St-Tropez : les méga-yachts font couler de l’encre
Alors que le projet d’ancrage du yacht de l’homme d’affaires Bernard Arnault a provoqué des remous médiatiques, la préfecture maritime précise le cadre de ces mouillages
Dans le monde feutré du nautisme, le dossier était sur toutes les lèvres depuis le printemps : le méga-yacht Symphony s’ancrera-t-il l’été prochain au large du cap Saint-Pierre, que son propriétaire Bernard Arnault pourrait alors contempler depuis sa villa des Parcs de Saint-Tropez ?
Oui, certainement. Les dernières autorisations ont été validées cet été. Le sujet était jugé sensible en mairie : peu avant le 2e tour, en juin, cette hypothèse faisait tiquer dans le bureau du maire, de peur que le publiccitoyen y voie un laissez-passer accordé trop facilement. Et même si ce sésame n’était du ressort que d’une autre administration.
Autorisations validées
En juin, tous les feux n’étaient pas encore au vert. Les indiscrétions du Canard enchaîné, en mode aquatique il y a quelques semaines, ont étayé une version satirique.
Qu’en est-il précisément ? Le message du service communication de la préfecture maritime de la Méditerranée (Prémar) est clair comme une mer lavée après un bon coup de vent.
Si cette autorité comprend que le profil du demandeur, Bernard Arnault, ait attiré l’oeil, le dossier a été instruit « comme pour tout le monde. Il n’y a pas de passe-droit », évoque le capitaine de vaisseau, Christine Ribbe. « Une procédure administrative a été engagée en février 2020 par le propriétaire du Symphony », retrace-t-elle. Idem pour la demande plus tardivement (et non encore validée par les autorités) issue du propriétaire du yacht Paloma (l’homme d’affaires Vincent Bolloré) pour un ancrage au large de la plage de la Briande, à l’ouest du cap Taillat à La Croix-Valmer. Un dossier suivi par la préfecture du Var et la Prémar, indique-t-on. Mais « selon une procédure normale comme pour les 400 demandes annuelles d’autorisation d’occupation temporaire (AOT) pour des mouillages sur le littoral varois ».
Documents administratifs à l’appui : le directeur régional adjoint de la Dreal (Direction régionale de l’environnement), Fabrice Levassort, en date du 10 avril 2020 (après saisie le 12 mars), a émis un arrêté favorable pour cette implantation au large du cap Saint-Pierre de Saint-Tropez, à proximité de la zone naturelle. Puis, en date du 10 août 2020, le préfet du Var, Jean-Luc Videlaine, a pris un arrêté qui reprend les conditions de cette autorisation temporaire.
Projet sous-marin
Qui dit méga-yacht – 101 mètres –, dit structure conséquente avec l’implantation, « posé sur le fond dénué de posidonies et autres espèces floristiques protégées » d’un corps-mort en béton par 24 mètres de profondeur, d’une superficie de 52 m2 et d’un volume de 142 m3 (soit un module d’environ 370 tonnes). Dispositif qui nécessitera la mise en place d’une chaîne de mouillage de 75,1 mètres. « Effectivement, il y aura un bloc de béton au départ qui ne générera pas de pollution. Il sera remplacé, a priori, par un autre type de mouillage », dit écologique, dans un deuxième temps. L’arrêté prévoit une série de mesures drastiques : suivi de toutes les étapes des travaux maritimes, notamment sur la turbidité de l’eau et « pour contrôler l’absence d’impact sur le milieu marin ».
Caractère temporaire
De même qu’une visite en plongée sera réalisée chaque année pour contrôler l’évolution sédimentaire au droit du corps-mort. Enfin, un suivi de l’herbier de posidonie à proximité sera mené sur une période de 9 ans. Une Prémar « attachée au caractère temporaire », selon le triptyque d’une autorisation d’occupation temporaire : « Imprescriptible, inaliénable et intransmissible. » Le coffre n’est validé que pour une durée de deux ans. Même sur ce créneau, l’autorité administrative peut limiter le temps de présence, « cela peut être quelques semaines seulement ».