La SBM voit s’envoler un jackpot de 7,7 M€
Les juges ont confirmé le jugement du tribunal correctionnel et relaxé l’homme d’affaires britannique débiteur d’une grosse dette de jeu
L’arrêt de la cour d’appel n’arrange pas les comptes de la SBM, déjà bien malmenés par la crise sanitaire de la Covid-19. La présidente Muriel Dorato-Chicouras, en effet, a confirmé le jugement du tribunal correctionnel du 18 février dernier (*).
Un homme d’affaires britannique, d’origine libanaise, débiteur d’une dette de jeu de 7 700 000 € envers la Société financière et d’encaissement (SFE), filiale de la Société des Bains de Mer, a été relaxé. La décision creuse la « distanciation financière » entre le Casino et ce grand joueur régulier, dont la fortune est estimée à quelque 400 millions d’euros.
Chèque encaissé mais compte clôturé
À l’époque, la SFE avait bien pris ses précautions après l’avance de jetons et plaques afin de faciliter les mises sur les tapis verts de l’établissement. Le procédé évitait les déplacements incessants du client à la caisse pour s’approvisionner en monnaie d’échange. Le créancier s’assurait de la solvabilité du débiteur par un chèque signé, tiré sur la banque Safra. La filiale de la SBM était chargée de compléter la date et la somme à devoir pour l’année 2018. Dès le mois de juin, le personnage désertait la Principauté… Face au silence du joueur londonien, le chèque de garantie était mis à l’encaissement, le 17 avril 2019. Amère surprise ! Il revenait impayé à cause du compte clôturé. Toutefois, la filiale de la SBM faisait encore preuve d’un réel esprit de conciliation… Jusqu’au 15 juillet où elle déclenchait une action en justice.
« Quelle mauvaise foi ! »
À l’audience, après le rapport du conseiller Françoise Carrachia, fallait-il retenir à nouveau l’infraction de chèque sans provision ? « Oui, estimait le conseil de la SFE à voix forte. Par sa signature, il donne mandat pour encaisser l’argent. Le joueur sait qu’il le doit et le montant n’a jamais été contesté. Il promet même de revenir pour solder son dû. Quelle mauvaise foi ! Ce financier redoutable faisait un retrait de la totalité de la somme et fermait le compte le 30 octobre 2018 sans en informer mon client. Il voulait éviter un paiement sans provision. La relaxe doit être réformée », ponctue l’avocat. Le Britannique cherchait-il à circonvenir la SFE ? L’absence des deux mentions sur le chèque ne permet pas de se retrancher derrière le nonpaiement, d’après le premier substitut Cyrielle Colle. « On ne peut pas ignorer un chèque entre les mains d’un créancier, ni l’empêcher d’être encaissé. » In fine, la représentante du parquet général s’en rapporte à l’appréciation des juges.
« L’infraction n’est pas constituée »
Me Sophie Jonquet, pour la défense, est impatiente d’intervenir, avec un désir évident de contrarier les faits évoqués. « Pour qualifier un chèque, montant et date doivent être mentionnés obligatoirement, en plus de la signature. C’est un instrument de paiement. Pas un moyen de cautionnement. Comment déterminer la provision suffisante sans somme ni connaissance du jour de l’émission du chèque ? L’infraction n’est pas constituée. Il s’agit d’une fâcheuse habitude de la SFE à solliciter une garantie du paiement des jetons de la part des clients. Confirmez la décision du tribunal correctionnel. Déboutez les demandes de la partie civile. »
La cour d’appel est bien d’accord. * Voir « Monaco-Matin « du mercredi 19 février 2020.