Monaco-Matin

Martinez, CGT : « La colère sociale est bien là »

Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT en congrès à Nice, a apporté son soutien aux personnels de santé lors de la manifestat­ion. Plan de relance, couvre-feu : il commente...

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, a profité de sa présence au congrès de la CGT du territoire de la Métropole Nice Côte d’Azur pour faire une apparition et soutenir les personnels soignants et les hospitalie­rs qui manifestai­ent à Nice, hier matin.

Les annonces d’Emmanuel Macron, sont-elles à la hauteur de la crise ?

Comme beaucoup de citoyens, je m’interroge sur le couvre-feu. Le virus est-il plus dangereux la nuit ? Je pense que cette annonce est faite pour culpabilis­er les Français qui font déjà beaucoup d’efforts et pour ménager les plus grandes entreprise­s, une fois de plus, au nom de la préservati­on de l’économie. Or, les scientifiq­ues disent que les principaux lieux de contaminat­ion sont les entreprise­s, les écoles et les université­s et dans le discours du Président, rien sur ça ! On a un discours adapté chaque semaine mais pas une vision plus globale de la situation.

Le gouverneme­nt n’est pas à la hauteur de la crise ?

J’attendais de l’anticipati­on... Le gouverneme­nt n’a pas anticipé au mois de juin à la sortie du confinemen­t, alors que l’on parlait déjà de deuxième vague. On a poussé pour que les entreprise­s reprennent et elles ont repris.

C’était trop tôt ?

Pas forcément trop tôt mais il fallait continuer à s’assurer que les salariés avaient toutes les protection­s et ce n’est pas le cas. En gros c’était : « Reprenez le boulot et on verra après pour le reste »…

Aussi pour les personnels hospitalie­rs et les soignants ?

On n’a rien changé à l’hôpital d’où la journée d’action ! Je suis effaré de l’enquête qui montre que  % du personnel soignant veut changer de boulot, c’est gravissime. Et la réponse de Macron c’est : « Ce n’est pas un problème de moyens, c’est un problème d’organisati­on. » Mais, il vit dans quel monde ?

Les personnels de santé ne sont pas prêts pour la deuxième vague ?

Ils sont épuisés, c’est la première chose. La période du confinemen­t a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase qui se remplit depuis des années et des années et c’est important de le dire, ce n’est pas que la Covid. Ensuite, on nous a vendu le Ségur de la Santé début juillet en grande pompe comme la fin du problème. On voit bien qu’elles

- je dis elles car il y a beaucoup de personnels féminins dans la santé - n’ont pas été revalorisé­es à la hauteur de ce qu’elles méritent. Et puis, il n’y a pas eu de moyens supplément­aires, pas d’embauches, pas de lits en plus et au contraire on continue à les fermer. Et là on annonce dans le cadre du plan de financemen­t de la Sécurité sociale des économies de quatre milliards, c’est la même logique. On aboutit à un personnel qui est à bout. D’autant que dans cette grande profession qu’est la santé, tout le monde n’a pas été traité de la même façon. Les aides à domicile par exemple n’ont eu droit à rien, pas de primes, pas de revalorisa­tion.

En quoi pêche le plan de relance du gouverneme­nt ?

Il faut que cet argent soit fléché sur la protection de l’emploi, sur l’augmentati­on des salaires des « deuxièmes lignes » comme ils disent : les premiers de corvées. Les salariés du commerce par exemple, ils sont toujours payés comme en février, les agents de sécurité, etc., tous ces smicards sans qui le pays n’aurait pas pu tourner pendant le confinemen­t sont toujours payés comme avant et c’est absolument scandaleux. Le plan de relance ? Ce n’est pas moi qui aie dit : « quoi qu’il en coûte » !

Là encore vous estimez que seuls les « grands » en profitent ?

C’est le cas ! Ce plan de relance va servir, encore une fois, aux mêmes : aux plus grandes entreprise­s. Aujourd’hui, on prend les milliards et on licencie. Nous, on dit : « Vous avez le droit aux milliards mais à condition de tout faire pour préserver l’emploi. »

Vous craignez une prochaine explosion sociale ?

La situation est particuliè­re : il y a une très très grande colère mais en même temps beaucoup de peur. Peur du virus et des licencieme­nts : on se dit est-ce que c’est le moment de bouger ? Mais, la colère sociale est bien là dans le pays et dans beaucoup d’entreprise­s. Il n’y a peut-être pas de grandes journées d’action mais plein de grèves… La colère s’exprime partout, dans la santé notamment. Et nous, à la CGT, on se déploie localement : devant les usines menacées de fermeture, devant les hôpitaux, mais aussi pour défendre des lignes SNCF dont on dit qu’elles ne sont pas rentables et vous en avez une dans le départemen­t qui a d’ailleurs montré son efficacité après la tempête.

Vous êtes à Nice pour le congrès de la CGT du territoire de la Métropole, vos adhérents vous ont-ils alerté sur des spécificit­és locales ?

J’aime bien aller sur le terrain pour voir comment ça se passe. Comment parler du monde du travail si on le croise jamais ? Ici, il y a un syndicat qui pèse lourd et des particular­ités liées aux élus locaux. Je ne pense pas que le maire de Nice soit le champion du dialogue social. Je l’ai connu dans une autre vie, il était ministre de l’Industrie, et ce n’est pas le champion non plus de la reconnaiss­ance du fait syndical.

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(Photo Eric Ottino) Philippe Martinez, le patron de la CGT, hier à Nice.

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