Martinez, CGT : « La colère sociale est bien là »
Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT en congrès à Nice, a apporté son soutien aux personnels de santé lors de la manifestation. Plan de relance, couvre-feu : il commente...
Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, a profité de sa présence au congrès de la CGT du territoire de la Métropole Nice Côte d’Azur pour faire une apparition et soutenir les personnels soignants et les hospitaliers qui manifestaient à Nice, hier matin.
Les annonces d’Emmanuel Macron, sont-elles à la hauteur de la crise ?
Comme beaucoup de citoyens, je m’interroge sur le couvre-feu. Le virus est-il plus dangereux la nuit ? Je pense que cette annonce est faite pour culpabiliser les Français qui font déjà beaucoup d’efforts et pour ménager les plus grandes entreprises, une fois de plus, au nom de la préservation de l’économie. Or, les scientifiques disent que les principaux lieux de contamination sont les entreprises, les écoles et les universités et dans le discours du Président, rien sur ça ! On a un discours adapté chaque semaine mais pas une vision plus globale de la situation.
Le gouvernement n’est pas à la hauteur de la crise ?
J’attendais de l’anticipation... Le gouvernement n’a pas anticipé au mois de juin à la sortie du confinement, alors que l’on parlait déjà de deuxième vague. On a poussé pour que les entreprises reprennent et elles ont repris.
C’était trop tôt ?
Pas forcément trop tôt mais il fallait continuer à s’assurer que les salariés avaient toutes les protections et ce n’est pas le cas. En gros c’était : « Reprenez le boulot et on verra après pour le reste »…
Aussi pour les personnels hospitaliers et les soignants ?
On n’a rien changé à l’hôpital d’où la journée d’action ! Je suis effaré de l’enquête qui montre que % du personnel soignant veut changer de boulot, c’est gravissime. Et la réponse de Macron c’est : « Ce n’est pas un problème de moyens, c’est un problème d’organisation. » Mais, il vit dans quel monde ?
Les personnels de santé ne sont pas prêts pour la deuxième vague ?
Ils sont épuisés, c’est la première chose. La période du confinement a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase qui se remplit depuis des années et des années et c’est important de le dire, ce n’est pas que la Covid. Ensuite, on nous a vendu le Ségur de la Santé début juillet en grande pompe comme la fin du problème. On voit bien qu’elles
- je dis elles car il y a beaucoup de personnels féminins dans la santé - n’ont pas été revalorisées à la hauteur de ce qu’elles méritent. Et puis, il n’y a pas eu de moyens supplémentaires, pas d’embauches, pas de lits en plus et au contraire on continue à les fermer. Et là on annonce dans le cadre du plan de financement de la Sécurité sociale des économies de quatre milliards, c’est la même logique. On aboutit à un personnel qui est à bout. D’autant que dans cette grande profession qu’est la santé, tout le monde n’a pas été traité de la même façon. Les aides à domicile par exemple n’ont eu droit à rien, pas de primes, pas de revalorisation.
En quoi pêche le plan de relance du gouvernement ?
Il faut que cet argent soit fléché sur la protection de l’emploi, sur l’augmentation des salaires des « deuxièmes lignes » comme ils disent : les premiers de corvées. Les salariés du commerce par exemple, ils sont toujours payés comme en février, les agents de sécurité, etc., tous ces smicards sans qui le pays n’aurait pas pu tourner pendant le confinement sont toujours payés comme avant et c’est absolument scandaleux. Le plan de relance ? Ce n’est pas moi qui aie dit : « quoi qu’il en coûte » !
Là encore vous estimez que seuls les « grands » en profitent ?
C’est le cas ! Ce plan de relance va servir, encore une fois, aux mêmes : aux plus grandes entreprises. Aujourd’hui, on prend les milliards et on licencie. Nous, on dit : « Vous avez le droit aux milliards mais à condition de tout faire pour préserver l’emploi. »
Vous craignez une prochaine explosion sociale ?
La situation est particulière : il y a une très très grande colère mais en même temps beaucoup de peur. Peur du virus et des licenciements : on se dit est-ce que c’est le moment de bouger ? Mais, la colère sociale est bien là dans le pays et dans beaucoup d’entreprises. Il n’y a peut-être pas de grandes journées d’action mais plein de grèves… La colère s’exprime partout, dans la santé notamment. Et nous, à la CGT, on se déploie localement : devant les usines menacées de fermeture, devant les hôpitaux, mais aussi pour défendre des lignes SNCF dont on dit qu’elles ne sont pas rentables et vous en avez une dans le département qui a d’ailleurs montré son efficacité après la tempête.
Vous êtes à Nice pour le congrès de la CGT du territoire de la Métropole, vos adhérents vous ont-ils alerté sur des spécificités locales ?
J’aime bien aller sur le terrain pour voir comment ça se passe. Comment parler du monde du travail si on le croise jamais ? Ici, il y a un syndicat qui pèse lourd et des particularités liées aux élus locaux. Je ne pense pas que le maire de Nice soit le champion du dialogue social. Je l’ai connu dans une autre vie, il était ministre de l’Industrie, et ce n’est pas le champion non plus de la reconnaissance du fait syndical.