Une brigade spéciale qui recherche les disparus
Bénéficiant de technologies d’analyse de pointe, la cellule d’enquête de la gendarmerie a levé le doute sur près de 1 300 alertes après la tempête et reste confrontée à deux énigmes
Àla manière des Experts, la cellule d’enquête et de recherche des personnes et disparitions inquiétantes travaille non-stop.
Quinze jours déjà que cette brigade spéciale de la gendarmerie oeuvre avec tous les moyens modernes de l’analyse criminelle à retrouver les victimes de la catastrophe meurtrière.
Sur les 1 300 signalements de disparition qu’ils ont dû traiter depuis la nuit terrible du 2 octobre, treize personnes ont été identifiées mais sont toujours portées disparues. Trois cas cependant restent encore des énigmes. Les jours qui passent ont réduit à néant tout espoir de retrouver ces victimes vivantes. Frédérique Engelvin, la jeune lieutenante à laquelle le colonel Boualam a confié
(1) cette mission exceptionnelle, le sait : « Cela nous donne la force de ne rien lâcher. Car ce travail, on le doit aux familles qui ont besoin de retrouver un corps pour commencer leur deuil. » Toutes les techniques de pointe de « tracking » et de profilage sont à la disposition de cette brigade spéciale. Mais aussi l’expertise de pointe du Centre de planification et de gestion de crise (CPGC).
Le profilage de la randonneuse
La cartographie des zones « avant » et « après » établie en quelques heures par le CPGC leur a permis de « lever les doutes » : « Dans les heures qui ont suivi le drame, nous recevions des alertes par dizaines. Au final, nous en avons traité 1 300. Et grâce à ce système d’information géographique et à l’analyse des bornages téléphoniques, nous avons pu rassurer des centaines de familles. »
Un de ces « experts », l’adjudant-chef Ona, se souvient pourtant du casse-tête d’un smartphone retrouvé le lendemain de la crue entre Belvédère et Roquebillière : « Il était hors d’état. Il a fallu que nos experts en communication en extraient les données. Pour compliquer le tout, il appartenait à ressortissant roumain. Un touriste. Nous avons fini par le localiser. Heureusement sain et sauf. »
Sur les treize disparus officiels, dont onze ont pu être identifiés, il reste encore à élucider deux mystères. Celui de la randonneuse de la Vésubie. La brigade a dressé son profil minutieux au gré notamment d’audition de ses proches, d’analyse de ses comptes bancaires, de tracking téléphonique. « On a perquisitionné chez elle, afin de lever tous les doutes. Rien ne doit être exclu, pas même un acte désespéré. Par investigations concentriques, nous avons fini par délimiter, notamment grâce au bornage de son dernier appel, la zone de la Madone de Fenestre en dessous de la cime de Piagu. C’est ici qu’elle se trouvait quand le réseau est tombé. Les recherches sont concentrées dans ce secteur. »
La voiture mystère
La traque devient presque un défi. Une source d’espoir parfois, fut-il dérisoire comme celui que la brigade spéciale caresse à propos des mystérieux disparus de Breil-sur-Roya. Un couple. À bord d’une voiture. Les alertes sont multiples et concordantes. Mais pas de nom, pas de plaque minéralogique. Chaque fois qu’un véhicule submergé par la tempête est extrait de la gangue de boue et de pierre dans la Roya, l’espoir renaît dans l’équipe du lieutenant Engelvin. Comme hier matin : «On espère grâce à cette voiture extraite d’une écluse de la Roya retrouver au moins une plaque d’immatriculation, un numéro moteur afin de vérifier s’il s’agit d’un véhicule qui n’était pas censé se trouver dans ce secteur. » Si c’était le cas, la brigade aurait enfin une piste. Secrètement, les enquêteurs préféreraient démontrer que ce couple fasse partie des personnes identifiées comme ayant été emportées avec leur maison. Et qui, en fait, aurait eu le temps de fuir avant d’être rattrapé par la tempête meurtrière à bord de leur voiture... « C’est dérisoire, mais si tel était le cas, le nombre officiel des disparus ne serait plus... que de onze. » 1. L’équipe est constituée d’enquêteurs chevronnés des brigades de recherche de Nice, de Cannes, de Menton, d’une analyse criminelle de la section de Puget-Théniers ainsi que deux gendarmes de la section de recherche de Marseille.