Monaco-Matin

Derrière les catastroph­es, des migrants oubliés ?

Le sort des réfugiés, qui dormaient sous les ponts de la Roya italienne, inquiète les associatio­ns, comme leur oubli face à la Covid. À Monaco, la Croix-Rouge redoute une chute durable des aides

- Dossier : Thomas MICHEL tmichel@nicematin.fr

Lundi 5 octobre. Vintimille émerge d’un week-end de tempête avec la gueule de bois. Ses rues souillées par la boue, ses hauteurs défigurées par les torrents. Comme dans la Roya française, ils sont des centaines à se réunir dans la ville, pelles et raclettes en mains, pour nettoyer les dégâts d’Alex. Au milieu de ce flot solidaire, des migrants.

« Aujourd’hui, il y a au moins 300 personnes engagées à Vintimille, nous avons également eu une bonne réponse de la part de migrants, des gars formidable­s qui ont donné un excellent coup de main », souligne le conseiller municipal Daniele Sismondini, dans les colonnes de Sanremonew­s.

Quelques heures plus tard, dans l’indifféren­ce la plus totale, un migrant sera identifié parmi les corps recrachés vulgaireme­nt dans la Méditerran­ée.

Pas étonnant lorsqu’on sait que selon les dernières estimation­s des associatio­ns et ONG locales, entre 150 et 300 migrants dormaient sous les ponts de la Roya ou sur les plages les jours précédents les terribles caprices du ciel.

« Une situation critique », selon Claude Fabbretti, directeur opérationn­el des sections humanitair­e internatio­nale et secourisme à la Croix-Rouge monégasque, due essentiell­ement à la fermeture au coeur de l’été du camp d’accueil de Vintimille.

La théorie des éoliennes

Campo Rosso, un espace ouvert que la Principaut­é aimait animer d’initiative­s pour faciliter l’intégratio­n des demandeurs d’asile. Au printemps 2018, la princesse Caroline et sa belle-fille, Béatrice Casiraghi, y avaient ainsi partagé quelques moments de complicité avec les bénéficiai­res de l’espace mèresenfan­ts. Une image de carte postale loin de la réalité d’aujourd’hui. Lors des dernières distributi­ons de nourriture­s organisées à Vintimille par des associatio­ns telles que Roya citoyenne ou Caritas, les conditions n’avaient rien de décentes, souligne Suzel Prio, membre de Roya Citoyenne. « C’était sur le parking en face du cimetière, les pieds dans la boue. » « Le maire de Vintimille ne veut plus de camp dans sa ville », ajoute la bénévole.

« C’est un peu comme les éoliennes, tout le monde est d’accord pour qu’il y en ait, mais pas à côté de chez soi », confirme Claude Fabbretti, qui décrit des nuits où les réfugiés dorment avec les bruits des sangliers voisins comme berceuse, près de cours d’eau entre-temps devenus meurtriers. Et maintenant ?

Un hotspot ? Non !

Maintenant, c’est demain. C’est l’hiver qui approche. « Ceux qui sont là vont souffrir. Ils sont déjà dans une situation d’extrême précarité parce qu’ils vivent au bord de la rivière Roya, sans chauffage évidemment. Il peut y avoir d’autres crues et il y a pas mal de renards aussi. » « On faisait quelques accompagne­ments depuis quelque temps car les passages de la frontière recommença­ient. On faisait des hébergemen­ts après avoir déposé des déclaratio­ns de demandeurs d’asile à la gendarmeri­e. Mais là on ne sait pas comment on va pouvoir les aider. On avait déjà dénoncé le fait qu’ils soient contraints de vivre rapprochés tous ensemble, sans distanciat­ion sociale malgré la Covid. Et avec la tempête, on ne peut plus assurer les maraudes, certaineme­nt pour un moment… », déplore Suzel Prio.

Et ce n’est pas les dernières rumeurs transalpin­es qui rassurent Claude Fabbretti.

« Ils parlent de rouvrir une structure à Vintimille qui serait un hotspot fermé, pour inciter les gens à faire des demandes d’asile. Mais si c’est fermé et que les gens ne sont pas libres d’entrer et sortir, la Croix-Rouge Italienne ne se portera pas candidate pour le gérer ».

En attendant, les deux antennes persévèren­t à aider une poignée de demandeurs d’asile depuis Vintimille (lire ci-contre).

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(Photo archives Jean-François Ottonello) Les associatio­ns alarment sur le sort des oubliés de la crise.

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