Derrière les catastrophes, des migrants oubliés ?
Le sort des réfugiés, qui dormaient sous les ponts de la Roya italienne, inquiète les associations, comme leur oubli face à la Covid. À Monaco, la Croix-Rouge redoute une chute durable des aides
Lundi 5 octobre. Vintimille émerge d’un week-end de tempête avec la gueule de bois. Ses rues souillées par la boue, ses hauteurs défigurées par les torrents. Comme dans la Roya française, ils sont des centaines à se réunir dans la ville, pelles et raclettes en mains, pour nettoyer les dégâts d’Alex. Au milieu de ce flot solidaire, des migrants.
« Aujourd’hui, il y a au moins 300 personnes engagées à Vintimille, nous avons également eu une bonne réponse de la part de migrants, des gars formidables qui ont donné un excellent coup de main », souligne le conseiller municipal Daniele Sismondini, dans les colonnes de Sanremonews.
Quelques heures plus tard, dans l’indifférence la plus totale, un migrant sera identifié parmi les corps recrachés vulgairement dans la Méditerranée.
Pas étonnant lorsqu’on sait que selon les dernières estimations des associations et ONG locales, entre 150 et 300 migrants dormaient sous les ponts de la Roya ou sur les plages les jours précédents les terribles caprices du ciel.
« Une situation critique », selon Claude Fabbretti, directeur opérationnel des sections humanitaire internationale et secourisme à la Croix-Rouge monégasque, due essentiellement à la fermeture au coeur de l’été du camp d’accueil de Vintimille.
La théorie des éoliennes
Campo Rosso, un espace ouvert que la Principauté aimait animer d’initiatives pour faciliter l’intégration des demandeurs d’asile. Au printemps 2018, la princesse Caroline et sa belle-fille, Béatrice Casiraghi, y avaient ainsi partagé quelques moments de complicité avec les bénéficiaires de l’espace mèresenfants. Une image de carte postale loin de la réalité d’aujourd’hui. Lors des dernières distributions de nourritures organisées à Vintimille par des associations telles que Roya citoyenne ou Caritas, les conditions n’avaient rien de décentes, souligne Suzel Prio, membre de Roya Citoyenne. « C’était sur le parking en face du cimetière, les pieds dans la boue. » « Le maire de Vintimille ne veut plus de camp dans sa ville », ajoute la bénévole.
« C’est un peu comme les éoliennes, tout le monde est d’accord pour qu’il y en ait, mais pas à côté de chez soi », confirme Claude Fabbretti, qui décrit des nuits où les réfugiés dorment avec les bruits des sangliers voisins comme berceuse, près de cours d’eau entre-temps devenus meurtriers. Et maintenant ?
Un hotspot ? Non !
Maintenant, c’est demain. C’est l’hiver qui approche. « Ceux qui sont là vont souffrir. Ils sont déjà dans une situation d’extrême précarité parce qu’ils vivent au bord de la rivière Roya, sans chauffage évidemment. Il peut y avoir d’autres crues et il y a pas mal de renards aussi. » « On faisait quelques accompagnements depuis quelque temps car les passages de la frontière recommençaient. On faisait des hébergements après avoir déposé des déclarations de demandeurs d’asile à la gendarmerie. Mais là on ne sait pas comment on va pouvoir les aider. On avait déjà dénoncé le fait qu’ils soient contraints de vivre rapprochés tous ensemble, sans distanciation sociale malgré la Covid. Et avec la tempête, on ne peut plus assurer les maraudes, certainement pour un moment… », déplore Suzel Prio.
Et ce n’est pas les dernières rumeurs transalpines qui rassurent Claude Fabbretti.
« Ils parlent de rouvrir une structure à Vintimille qui serait un hotspot fermé, pour inciter les gens à faire des demandes d’asile. Mais si c’est fermé et que les gens ne sont pas libres d’entrer et sortir, la Croix-Rouge Italienne ne se portera pas candidate pour le gérer ».
En attendant, les deux antennes persévèrent à aider une poignée de demandeurs d’asile depuis Vintimille (lire ci-contre).