« et sont deux phénomènes différents »
L’hydrologue Emma Haziza, fondatrice du centre de recherche Mayane, analyse les intempéries d’octobre 2015 et 2020 qui ont marqué les A.-M. Deux drames incomparables
Les plaies encore à vif. Impossible de ne pas revoir les scènes chaotiques du 3 octobre 2015 devant le drame du 2 octobre. Si l’est du département a subi le dernier phénomène tragique en date, c’est à l’ouest que l’eau a emporté des vies il y a cinq ans (20 morts). Deux drames qui se font écho. Mais peut-on réellement comparer ces événements météorologiques ? Pour y répondre, l’hydrologue Emma Haziza, fondatrice du centre de recherche Mayane – développant des solutions stratégiques pour la résilience des territoires face au risque inondation.
Les phénomènes de et sont-ils comparables ?
Oui et… non.
Les similarités résident dans la stationnarité du phénomène, l’élément « air froid, air chaud » et les cellules convectives (). Autrement, ces deux événements ne se ressemblent pas. Les territoires touchés sont également très différents : d’un côté on est dans une phase de gorges avec très peu d’habitations situées plutôt en hauteur, sur des falaises potentiellement érodées. De l’autre côté on est sur de l’urbain, très aménagé avec un phénomène de ruissellement urbain, de l’imperméabilité des sols.
En octobre , les pluies ont été de plus courte durée…
Une intensité exceptionnelle puisqu’en deux heures, nous avions relevé mm d’eau tombée à Cannes. Ce qui fait qu’à un moment donné, l’eau monte dans un contexte urbain. Cela a donné deux mètres de hauteur d’eau dans le quartier de la République. La rue se transforme littéralement en rivière. Tel un axe d’écoulement préférentiel. Il faut d’ailleurs se servir de cette emprise de crue pour comprendre comment protéger le bâti et la population.
Concernant le octobre , le déroulé des faits est tout autre donc ?
En début de matinée, La Tinée et la Vésubie sont à sec. On n’a aucun indicateur de risque majeur. Pour sa part, La Tinée commence à réagir à heures. Entre heures et midi, elle monte de quarante centimètres.
À heures, le relevé indique , mètre. Ensuite, à heures, on est à , mètres et à
heures à , mètres pour atteindre , mètres à heures. Soit un total de , mètres en quatre heures sur ce cours d’eau. Après une phase de décrue, l’eau va remonter d’ m .
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Il n’y a pas eu une vague, mais deux”
Une décrue ?
Il n’y a pas eu une vague, mais deux. La deuxième remonte entre heures et heures. Elle est sans doute due à l’arrivée de l’eau de tous les plus petits affluents. Couplez cela à des embâcles causés par une accumulation de bois mort au niveau d’un pont – ce qui est bien sûr à déterminer en allant sur place –, et le phénomène prend place. On a une nouvelle onde de crue qui se propage. Le danger est là puisqu’après la première vague, les habitants voient l’eau descendre et pensent qu’ils peuvent sortir. Alors qu’ils ignorent ce qui est en train de se former…
Concernant la Vésubie ?
La pluie est tombée sur va tomber sur trois bassins : deux connectés au fleuve Var et la Roya qui se termine en Italie.
De son côté, la Vésubie commence à réagir à heures. À heures elle monte à , mètre.
À heures elle est à , mètres et va monter jusqu’à , mètres à heures. Elle redescend jusqu’à , mètres et dans la nuit, à minuit, elle remonte à , mètres. La vallée s’est remplie à son niveau maximum, de minuit à heures du matin.
Ce qui est sans pareil ?
C’est complètement exceptionnel. D’autant plus que le plateau dont je vous parle n’est pas la hauteur maximale calculable. Mais nous avons une vallée gorgée d’eau durant six
La température de la mer a joué un rôle ?
Un air froid qui arrive audessus d’une mer Méditerranée extrêmement chaude pour la saison est un phénomène qui détient son importance. Puisqu’à chaque degré supplémentaire, ce sont des millions de mètres cubes d’eau qui se condensent pour donner de la pluie. Avec des vents de secteur sud qui empêchent l’eau de s’écouler en mer cela revient à laisser le robinet ouvert en mettant le bouchon de la baignoire. 1. Mouvements de l’atmosphère terrestre dus à une instabilité de l’air provoquée par une différence de température verticale ou horizontale.