La difficile mise en oeuvre des expulsions
La première annonce du ministre de l’Intérieur après la décapitation de l’enseignant Samuel Paty, vendredi soir, a été le renvoi, le plus rapidement possible, de 231 étrangers figurant dans le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).
Si 180 d’entre eux sont incarcérés, une cinquantaine devait être interpellée depuis ce week-end. Impossible de savoir si certaines arrestations ont eu lieu dans le département connu pour ses foyers de radicalisation.
Le 13 octobre, Gérald Darmanin a publié des statistiques rarement divulguées : celle de la radicalisation au sein de l’immigration irrégulière. 4 111 étrangers sont inscrits au FSPRT dont 851 immigrés clandestins, selon le ministère.
fichés S
Le fichier des personnes recherchées, qui contient environ 580 000 personnes, comporte dans un sous-fichier 30 000 fichés S. Toutes ne sont pas en lien avec le terrorisme et une partie seulement concerne l’islam radical. La fiche S est un outil de surveillance des services de renseignement, pas forcément très fine sur le niveau de dangerosité d’un individu.
Il existe onze catégories de fiche S qui permettent entre autres aux forces de l’ordre de savoir quelle conduite tenir lors d’un contrôle. « C’est un moyen d’investigation à faible coût humain mais pas un outil de suivi de la radicalisation », avait rappelé un rapport du Sénat rédigé fin 2018.
● La procédure d’éloignement
Lorsque le préfet refuse la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour, il peut assortir sa décision d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Cette procédure sanctionne aussi le séjour illégal d’un étranger. Jusqu’en 2011, si l’étranger n’avait pas quitté le territoire après trente jours, un arrêté de reconduite à la frontière pouvait être adopté. Cet arrêté ne concerne plus que certains étrangers séjournant en France depuis moins de trois mois et représentant soit une menace pour l’ordre public, soit ayant exercé un emploi salarié en France sans autorisation de travail.
● La procédure d’expulsion
Ces procédures sont à distinguer de l’expulsion prise par le préfet ou le ministre de l’Intérieur. Elle est motivée par la protection de l’ordre public.
Les mineurs, les adultes ayant des enfants qu’ils élèvent, les malades qui ne pourraient bénéficier d’une prise en charge dans leur pays d’origine, les étrangers arrivés avant leurs 13 ans, ne peuvent être expulsés.
L’interdiction du territoire français
Cette interdiction est prononcée par le juge pénal, en cas de délit ou de crime et a pour conséquence une possible reconduite à la frontière.
● Les expulsables ont des voies de recours
Une décision d’expulsion reste une procédure administrative individuelle dans laquelle la personne concernée a des voies de recours juridiques.
« Toute détention doit être décidée par l’autorité judiciaire ou exercée sous son contrôle », rappelle le Conseil d’État. De même qu’ «il n’est pas possible d’autoriser, en dehors de toute procédure pénale, la rétention, dans des centres prévus à cet effet, de personnes radicalisées. »
Des députés LR ont déposé la semaine dernière à l’Assemblée une proposition de loi pour assouplir les conditions d’expulsion des étrangers constituant une menace.
● Des personnes non expulsables
Un homme qui bénéficie du statut de réfugié politique peut difficilement être expulsable. C’est le cas notamment de Tchétchènes, réfugiés politiques russes. Certains peuvent être condamnés à une interdiction du territoire français, mais la peine n’est jamais exécutée en raison des risques qu’ils encourent dans leur pays d’origine. Généralement, ceux originaires de pays en guerre présentent un motif légitime pour rester sur le territoire, en vertu des conventions internationales.
● Les nécessaires négociations diplomatiques
Des avions ont été affrétés pour ramener chez eux des Géorgiens ou des Albanais indésirables, notamment parce que les pays en question ont fait preuve de bonne volonté. Des accords de réadmission avec les pays concernés ont été signés par la France. Certains pays refusent de reconnaître la nationalité de certains de leurs compatriotes. Apatrides, ils ne peuvent donc être expulsés et restent sur le territoire.