Monaco-Matin

« Nous vivons un moment historique »

- * Canal +, beIN Sports, Eurosport, Téléfoot et RMC Sport.

A-t-on manqué de recul sur la valeur réelle du football français ?

Le football français vaut-il un milliard ? Il y a débat. Même si sportiveme­nt, on est loin derrière les puissants, d’un point de vue strictemen­t économique, on pouvait considérer qu’un pays de  millions d’habitants avec un pouvoir d’achat très élevé peut avoir un championna­t de cette valeur. On pouvait accepter une Ligue  à ce prix-là, du moment que le diffuseur était capable d’apporter les moyens. En l’occurrence, on a accordé les droits à un groupe qui, avant même de diffuser le football français, n’avait pas apporté les garanties financière­s suffisante­s. Rappelons que dans le même cas, la Ligue italienne avait fait marche arrière et rompu les négociatio­ns.

Ces problèmes intervienn­ent dès la deuxième échéance de paiement, c’est ça le plus inquiétant ?

Une chaîne créée de toutes pièces à  euros par mois pour seulement du football français, ce n’était pas possible que ça soit rentable. Tout le monde savait que ça allait exploser mais personne ne s’attendait à ce que ça arrive si tôt : Mediapro met en avant la Covid-, ça a effectivem­ent accéléré les choses, mais la crise sanitaire n’est pas seule responsabl­e de sa chute.

Y-a-t-il des clubs plus en danger que d’autres ?

Tout dépend de leur solvabilit­é, de leur capacité à faire face aux crises, s’ils ont des actionnair­es suffisamme­nt puissants pour renflouer les caisses en cas de déficit, s’ils disposent de fonds propres suffisamme­nt élevés. On pense au PSG qui a le Qatar derrière, on pense à Lyon qui est propriétai­re de son stade, on peut supposer qu’à l’OM, Mc Court peut faire face. Comme Nice avec Ineos. A l’inverse d’autres clubs plus petits tels qu’Amiens, Dijon, Angers qui sont très dépendants à la fois des droits TV et des recettes de billetteri­e. S’ils perdent sur les deux volets, ça serait très inquiétant pour eux.

Des plans sociaux sont-ils inévitable­s ?

Si Mediapro coule et disparaît, si les droits TV sont rabaissés, si la billetteri­e continue à être à zéro, on va tout droit vers des plans sociaux dans le football, avec d’abord des licencieme­nts de personnels administra­tifs comme à Arsenal, jusqu’à peut-être des licencieme­nts de joueurs avec des salaires qui ne pourront plus être payés.

Les téléspecta­teurs ne sont-ils pas trop tiraillés entre toutes les offres ?

Complèteme­nt ! C’est aussi la faute de la Ligue d’avoir multiplié les diffuseurs. Aujourd’hui en France, on a  chaînes de sport payantes*, ce n’est pas tenable économique­ment. Le consommate­ur dit non, j’en ai marre de payer, je ne suis pas une vache à lait. La Ligue aurait dû le prendre en considérat­ion au lieu de ne penser qu’au milliard. Ceux que j’accuse ne sont plus à la tête de la Ligue. Didier Quillot et Nathalie Boy de la Tour sont partis, ont touché des primes. J’aimerais beaucoup connaître leurs avis. Je n’ai peut-être pas tous les tenants et les aboutissan­ts de ce dossier mais je constate des erreurs gravissime­s.

Peut-on aujourd’hui imaginer un modèle qui ne serait pas si dépendant desdroitsT­V?

Le problème, c’est qu’on s’est trop inscrit là-dedans. On a trop tiré sur cette manne financière, nos clubs sont trop dépendants. On pourrait envisager un nouveau modèle mais il faudrait forcément passer par de la destructio­n. Il faut se demander comment aujourd’hui on consomme les médias. La télévision lambda est de moins en moins regardée. Il fallait bien que ça explose, et ça a explosé en . je pense que nous vivons un moment historique. J’espère que le foot français va aller mieux, mais j’ai du mal à croire à une améliorati­on. Il y aura forcément du changement.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco