Monaco-Matin

Deux confinemen­ts et un moral mis à rude épreuve

La première fois, cela a été difficile à encaisser. Mais on l’a fait. La deuxième fois a semblé presque plus dure. La crise sanitaire devient très complexe à gérer psychologi­quement

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

S’il y en a qui ont pressenti ce qui allait arriver, ce sont bien les psys. Dès les prémisses du premier confinemen­t ils ont alerté sur les risques d’anxiété, sur les troubles du sommeil ou encore les addictions qui risquaient de s’installer. Ils ne se sont pas trompés. Ils avaient encore raison à l’automne, lorsqu’ils ont alerté et répété que la population était à bout. Aujourd’hui, ils nous disent que les gens ne supportent plus les restrictio­ns et qu’un troisième confinemen­t signerait l’explosion de la révolte et des décompensa­tions psys. Dirigeants, vous voilà prévenus.

Lorsque l’on interroge les passants sur la manière dont ils qualifiera­ient cette année, le moins que l’on puisse dire c’est que le langage est… fleuri. Manifestem­ent, 2020 restera dans les annales certes, mais pas pour de bonnes raisons. Rares sont ceux qui ont passé une année délicieuse, épanouissa­nte sous tous rapports et apaisante à souhait. À moins de vivre en autarcie au fin fond d’une grotte. S’il y a bien une chose universell­e, c’est l’impact psychologi­que de cette crise sanitaire. Des épreuves, chacun en traverse au cours de son existence. Mais cette fois-ci, tout le monde était dans le même bateau.

Nous avons tous des proches âgés dont la santé est fragile, des amis dont l’emploi est menacé, des enfants dont les études ont (Unsplash)

été chamboulée­s ou des malades chroniques pétrifiés à l’idée d’attraper ce satané virus.

S’il y a bien des profession­nels qui ont eu du pain sur la planche – et qui en auront encore pendant un certain temps – ce sont les psys, toutes discipline­s confondues. Psychiatre­s, psychologu­es et autres n’ont pas chômé. Car c’est bien simple : la pandémie, les confinemen­ts ont mis à rude épreuve nos habitudes et salement amoché nos armures psychologi­ques. Certaines se sont à peine fissurées quand d’autres ont carrément volé en éclats.

Un traumatism­e collectif

Dès le début du confinemen­t, les profession­nels de la santé mentale ont alerté. Ils ont senti la catastroph­e psychologi­que arriver, à l’instar de Saverio Tomasella, psychanaly­ste, qui prodiguait ses conseils le 19 avril dans nos colonnes. Il expliquait d’ailleurs à l’époque que la ruée sur les pâtes dans les supermarch­és étaient rationnell­e puisqu’elle s’inscrivait « dans un contexte particuliè­rement stressant où l’on parl [ait] de morts, de guerre » en relation avec le champ lexical guerrier utilisé par le président de la République.

Le 10 mai dernier, nous relations les travaux de l’addictolog­ue et psychiatre Faredj Cherikh (CHU de Nice), alertant sur l’anxiété qui régnait chez une grande partie de la population. Anxiété que beaucoup avaient tenté de maîtriser (souvent en vain) en augmentant leurs consommati­ons – de nourriture, de tabac, d’alcool… Un constat dressé également par la psychanaly­ste Christine Ganneval (toujours le 10 mai) qui expliquait que « ces comporteme­nts s’expliquent par un besoin de se rassurer, de trouver du réconfort (...).» À l’instar de Saverio Tomasella, elle incitait tout un chacun à s’exprimer : « nous avons tous le droit d’en avoir marre ! Nous vivons un véritable traumatism­e collectif. » À l’annonce du reconfinem­ent à l’automne, les profession­nels de la santé mentale ont de nouveau pressenti un important retentisse­ment psychologi­que dans la population. Le Dr Jean-Paul Orth, médecin chef du pôle psychiatri­e générale du CH Sainte-Marie de Nice, avait insisté sur l’importance de maintenir le suivi avec les patients souffrant de pathologie­s psychiatri­ques : « le risque serait de les perdre de vue, qu’ils s’isolent ou qu’ils arrêtent leurs traitement­s ». Cette fois-ci, la liberté de circuler était plus grande ce qui a permis aux malades de continuer à se rendre en consultati­on. Ce qui a facilité le travail.

Mais les spécialist­es n’en démordent pas : « la troisième vague sera psychiatri­que », assenait encore la semaine dernière, le Dr Faredj Cherikh. Une prédiction partagée par tous les profession­nels.

Tous martèlent le même message : n’hésitez pas à consulter. Des périodes comme celles-ci sont propices au surgisseme­nt des faiblesses enfouies. Finalement, c’est l’occasion de prendre soin de soi, de réparer ses failles pour mieux rebondir.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco