Monaco-Matin

La nostalgie du quartier des moulins à Grasse

On célèbre cette année le bicentenai­re de la naissance, du peintre et photograph­e grassois, auteur du tableau Quartier des moulins à Grasse, Charles Nègre.

- ANDRÉ PEYREGNE magazine@nicematin.fr

Dans la lumière pâle d’une journée ordinaire, voyez cette rue en terre qui monte entre les vieilles maisons aux façades fatiguées. Sur la gauche, un mur de pierres s’effondre, un bouquet d’arbres apporte au tableau la présence de la nature. Avez-vous remarqué ces femmes qui sortent de l’ombre ? Elles sont juchées sur leurs montures. Que font-elles ? Où vont-elles ? Elles sont chargées de marchandis­es. Un homme semble les guider. Scène banale de la vie de tous les jours. Une sorte de mélancolie se dégage du lieu. Le ciel est gris, il fait silence. Le peintre Charles Nègre a fait de cette scène un tableau qu’il a intitulé Quartier des moulins à Grasse, qui est conservé au Musée d’art et d’Histoire de Provence

dans cette même ville.

Nous sommes en 1860. 1860 ? L’année de tous les bouleverse­ments dans la région. Nice est rattachée à la France, Grasse qui, jusqu’alors appartenai­t au

Var, bascule dans les Alpes-Maritimes. Mais l’endroit que l’on voit sur ce tableau semble bien étranger aux mouvements géopolitiq­ues qui agitent la France.

Arts complément­aires

Charles Nègre est né à Grasse quarante ans plus tôt, le 7 mai 1820. En 2020, on aurait dû célébrer le bicentenai­re de sa naissance. Mais la crise sanitaire n’a pas permis au Musée de la ville de lui rendre en temps voulu l’hommage qu’il méritait. Les pages « Histoire » de Nice-Matin lui ont consacré un portrait le 15 novembre dernier.

Charles Nègre fut à la fois peintre et photograph­e. Les deux arts, chez lui, sont complément­aires.

« Les photograph­ies de Charles Nègre lui servent d’esquisses qu’il copie fidèlement sur toile tandis que son regard de peintre magnifie le réel en donnant à ses photograph­ies une dimension poétique », nous explique Cindy Levinspuhl, chargée des exposition­s pour les musées de Grasse.

Dans ce tableau, Charles Nègre a superposé ses deux arts. Car cette oeuvre serait, en fait, une peinture réalisée sur une photo. La photo a été marouflée sur bois, c’est-à-dire appliquée sur un support en bois.

La source de la Foux

À l’époque où Charles Nègre a réalisé ce tableau, le quartier des moulins, à Grasse, était en pleine activité. Les moulins à eau étaient alimentés en particulie­r par la source de la Foux. On les trouvait principale­ment dans le quartier du Rossignol, à l’Est de la ville. On prétend qu’au XVIIe siècle le nombre des moulins grassois représenta­it 40 % des moulins communaux de toute la Provence. On en comptait une soixantain­e au XIXe siècle. Les moulins étaient essentiels à la production de l’huile d’olive, mais aussi à celle des parfums, des cosmétique­s, des savons.

Un jour, les moulins furent remplacés par les machines à vapeur. C’était l’inévitable évolution du modernisme. Mais, dans la lumière pâle des jours ordinaires, les femmes, juchées sur leurs ânes continuaie­nt à gravir la rue montante du quartier des moulins pour amener leurs sacs de fleurs aux usines à parfum...

Charles Nègre, né le  mai  à Grasse, a étudié la peinture à Paris avec Delaroche, Martin Drolling, et a achevé sa formation auprès d’Ingres. Il expose au Salon de Paris à partir de  et est aussitôt diplômé. En , il est attiré par l’art naissant de la photograph­ie et installe son propre atelier dans la capitale. Il décide de photograph­ier le littoral du Sud-Est de la France et est le premier photograph­e à avoir parcouru le départemen­t nouvelleme­nt constitué des AlpesMarit­imes.

En , il revient dans sa région natale pour raison de santé. Il obtient un poste de professeur au lycée Impérial de Nice et ouvre un atelier,  rue Chauvain.

Mort dans l’oubli dans sa ville natale le  janvier , il ne sera redécouver­t que dans les années trente, à la faveur de grandes exposition­s photograph­iques organisées à Paris et à New York.

Le Musée de Grasse possède une quarantain­e de ses tableaux. C’est, avec le Musée d’Orsay à Paris, la plus grande collection de ses oeuvres.

‘‘ À l’époque de ce tableau, les moulins à eau, à Grasse, étaient en pleine activité”

REPÈRES

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