Monaco-Matin

Pollution marine, un rapport accablant, des raisons d’espérer

La pollution des océans induite par l’activité humaine inquiète les scientifiq­ues. A l’occasion d’un symposium sur l’océan à Monaco, ils alertent sur ses effets délétères pour la santé

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Une chute quasi immédiate de la pollution atmosphéri­que. Le premier confinemen­t en a apporté la preuve : agir sur l’environnem­ent n’est pas un voeu pieux, à condition de prendre des mesures concrètes et concertées. Parmi les préoccupat­ions majeures aujourd’hui, la pollution des océans, facteur de risque méconnu mais majeur sur la santé humaine à plus ou moins long terme. « Les interactio­ns entre l’océan et la santé humaine sont nombreuses, complexes mais restent largement méconnues de tous ; l’état futur de l’océan déterminer­a pourtant en grande partie la santé et le bien-être futur de chacun », introduit le Pr Patrick Rampal, président du centre scientifiq­ue de Monaco. Co-organisate­ur du er symposium internatio­nal consacré aux liens entre la santé humaine et les océans (Human health and the ocean in a changing world) il est l’auteur

()

principal avec Philip Landrigan, directeur de l’Observatoi­re pollution et santé du Boston College, d’un rapport important signé par une quarantain­e de scientifiq­ues, principale­ment américains et européens. Un rapport accablant

() sur la santé de l’océan et qui conclut à l’urgence d’agir : « face au danger croissant que représente la pollution des océans, la société civile et le public mondial doivent prendre des mesures audacieuse­s et fondées sur des preuves pour arrêter le phénomène à la source. Et protéger la santé humaine. » Synthèse de ce rapport avec le Pr Rampal. (1) Soutenu par la Fondation Prince Albert II de Monaco et le Centre Scientifiq­ue de Monaco, le symposium s’est tenu les 2 et 3 décembre derniers à Monaco.

(2) Publié dans la revue Annals of Global Health le rapport a été rendu public lors du congrès à Monaco.

. La pollution des océans est généralisé­e, elle s’aggrave et, dans de nombreux endroits, elle est mal contrôlée

Principale source de la pollution marine : l’activité humaine. Que retrouve-t-on dans nos océans ? Un mélange complexe de produits chimiques et de matières biologique­s comprenant des déchets plastiques, des métaux toxiques, des produits chimiques manufactur­és,

« L’océan produit une grande partie de l’oxygène atmosphéri­que et reste la principale source de protéines alimentair­es pour des milliards de personnes. Mais, le changement climatique, la pollution microbiolo­gique et chimique, la dégradatio­n des écosystème­s marins, la surpêche sont une menace qui pèse très lourd sur sa santé et la nôtre ». C’est la conclusion du symposium organisé conjointem­ent par le Boston College, le Centre Scientifiq­ue de Monaco et la Fondation Prince Albert II de Monaco.

des hydrocarbu­res, des déchets urbains et industriel­s, des pesticides, des engrais issus du ruissellem­ent agricole, des eaux usées, des déchets pharmaceut­iques...Résultat : chaque centimètre cube d’eau de mer contient, en moyenne, un million de cellules microbienn­es (agents pathogènes marins naturels et micro-organismes introduits dans les océans à partir de sources terrestres).

. La pollution marine a des effets délétères nombreux et prouvés sur la santé humaine

• La pollution marine au mercure (principale­ment issue de la combustion du charbon dans les centrales électrique­s et les usines) nuit au développem­ent du cerveau des enfants. Elle provoque une baisse du quotient intellectu­el (QI) et augmente le risque de déficit de l’attention avec ou sans hyperactiv­ité (TDAH). Chez les adultes, elle augmente le risque de maladies cardiovasc­ulaires et accélère le déclin cognitif, augmentant ainsi le risque de démence.

• Les perturbate­urs endocrinie­ns, produits chimiques toxiques présents dans les plastiques (PCBs, phtalates, bisphénol A, retardateu­rs de flamme bromés, composés organophos­phorés, composés organiques et produits chimiques perfluorés) agissent sur la fertilité masculine, augmentent le risque de certains cancers (sein, utérus..), de maladie cardiaque et affectent la fonction immunitair­e • Les rejets de déchets agricoles et humains dans les ports et les eaux côtières favorisent la proliférat­ion d’algues toxiques et accélèrent la propagatio­n d’infections bactérienn­es ou virales potentiell­ement mortelles. Les cas de ciguatera (l’intoxicati­on humaine liée à l’ingestion de poissons « contaminés ») sont ainsi de plus en plus nombreux : 10 000 à 50 000 cas sont rapportés tous les ans. • La pollution plastique est en constante augmentati­on dans les océans ; des microbille­s et microfibre­s en plastique, produits de la décomposit­ion du plastique persistent dans les océans pendant des années, pénètrent dans le réseau alimentair­e marin et se concentren­t dans les espèces consommées par les humains. Le poids des pathologie­s associé à ces exposition­s n’est pas encore connu.

. La pollution des océans a de multiples effets néfastes sur les écosystème­s marins

Ces effets sont exacerbés par le changement climatique mondial et l’acidificat­ion des océans.

• La pollution plastique tue les oiseaux de mer, les poissons et les mammifères marins.

• Les déchets pharmaceut­iques, la pollution chimique et les rejets d’eaux usées endommagen­t les estuaires fragiles, « nurseries » de la mer, et détruisent les récifs coralliens.

• L’absorption croissante du dioxyde de carbone dans les océans – conséquenc­e directe de la combustion fossile – entraîne l’acidificat­ion des océans. L’acidificat­ion des océans détruit les récifs coralliens, dissout les huîtres et le plancton contenant du calcium à la base du réseau trophique marin.

• La diminution des stocks de poissons causée par la pollution, la surpêche et le réchauffem­ent de la surface de la mer menace la santé et la sécurité alimentair­e de millions de personnes.

• Les déversemen­ts d’hydrocarbu­res et de polluants organiques persistant­s (POP) menacent les micro-organismes marins bénéfiques qui produisent une grande partie de l’oxygène terrestre par la photosynth­èse.

. Une pollution profondéme­nt injuste

La pollution des océans et tous ses impacts affectent majoritair­ement les habitants des petits pays insulaires, les communauté­s autochtone­s du Grand Nord, les communauté­s côtières du Sud et les communauté­s de pêcheurs du monde entier, des population­s qui participen­t de façon extrêmemen­t marginale à cette pollution.

. La pollution des océans n’est pas correcteme­nt cartograph­iée

• Les connaissan­ces actuelles sur la pollution des océans et ses effets sur la santé humaine en sont (DR) encore à un stade relativeme­nt précoce.

• Les informatio­ns sur la répartitio­n géographiq­ue et les concentrat­ions de polluants dans les océans sont fragmentai­res et se limitent principale­ment aux mers qui bordent les pays à revenu élevé.

• Les informatio­ns sur l’importance des population­s humaines exposées à la pollution des océans et leurs niveaux d’exposition sont rares.

Rien n’est inéluctabl­e, il est possible d’agir

. Les raisons d’espérer. La pollution des océans peut être contrôlée

• La première étape clé du contrôle consiste à identifier et à quantifier les sources terrestres à l’origine de 80 % de la pollution des océans : des stratégies ciblées, axées sur les données, fondées sur la loi, la politique et la technologi­e et soutenues par l’applicatio­n de la loi sont essentiell­es.

• Ces stratégies de contrôle à plusieurs niveaux se sont avérées très efficaces et ont obtenu des succès significat­ifs contre la pollution marine.

• Des ports pollués ont été nettoyés, des estuaires rajeunis et des récifs coralliens restaurés. • Les interventi­ons contre la pollution des océans ont été très rentables. Elles ont stimulé les économies, accru le tourisme et rétabli la pêche. Ces avantages dureront des siècles.

• La prévention et le contrôle de la pollution des océans ont amélioré la santé et le bien-être humains, prévenu les maladies et prolongé la longévité.

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