Monaco-Matin

Il vit sur un terrain qui glisse vers l’A : quel danger ?

Fissures, sommes exorbitant­es, experts en désaccord. Cet habitant de Nice-Nord vit un calvaire. Son assurance lui demande de quitter sa maison mais la Ville n’a pas pris d’arrêté de péril

- YANN DELANOË ydelanoe@nicematin.fr

Un an après les intempérie­s qui ont, le 24 novembre 2019, provoqué un glissement de terrain sur la propriété de Jules Arfi et de ses voisins, la situation ne s’est pas améliorée.

Ce morceau de colline situé à Nice-Nord, avenue du ParcMaria, au-dessus de Las Planas et du tunnel de l’A8, continue, selon les dernières expertises, de glisser. Et les dégâts sur les habitation­s s’aggravent. Fenêtres qui ne ferment plus, portes qui bâillent, fissures, éléments de maçonnerie qui s’effritent et s’éventrent. En décembre dernier, le mur qui entourait la piscine de la famille Arfi avait même cédé. Tout l’ouvrage s’enfonçait et glissait vers l’autoroute, située juste en dessous. Jules Arfi avait dû tout faire enlever. Puis il avait dû consolider, sécuriser. « Pas moins de 200 000 euros ont déjà été engagés », témoigne-t-il. Seule éclaircie dans ce tunnel que traversent les Arfi, la reconnaiss­ance de l’état de catastroph­e naturelle pour les glissement­s de terrain, intervenue en février pour Nice. Ce qui a permis la prise en charge par les assurances – Axa en l’occurrence – de tous les coûts engendrés par la situation.

Péril… ou pas ?

Un abîme financier, à la hauteur du désarroi de la famille, qui est en train de perdre sa maison sans pouvoir rebondir. Jusqu’à présent, la Ville n’a pas pris d’arrêté de péril imminent sur la maison. Seules des interdicti­ons d’évoluer sur pratiqueme­nt l’ensemble du terrain avaient été prises par les ingénieurs de la prévention et de la gestion des risques qui dépend de la municipali­té. Or, un arrêté de péril sur l’habitation permettrai­t, selon Jules Arfi, « l’interventi­on du fonds Barnier(1) qui pourrait racheter notre maison. On pourrait alors se loger ailleurs ». Pourtant, le rapport d’un expert mandaté par la compagnie d’assurances Axa, après expertise le 3 juin, avait conclu qu’ « à la vue du positionne­ment de la maison dans le glissement, il y a un risque de péril direct pour la maison ». Mais des études complément­aires devaient avoir lieu. « Des études mandatées par l’assureur du propriétai­re sont en cours afin de déterminer les travaux à réaliser pour stopper ce glissement qui est dû à la présence d’argiles devenues glissantes lors des intempérie­s. Le conforteme­nt de ces terres nécessite des complément­s d’études pour tenir compte de la présence du tunnel de l’autoroute sous le terrain », indiquait la Ville, fin juin. Depuis, plusieurs études et carottages ont eu lieu, dont les derniers en octobre.

Aggravatio­n récente

Un nouveau rapport vient d’être rendu par plusieurs experts pour les assurances Axa en date du 26 octobre. Il évoque «laprésence de circulatio­n d’eau à 3 mètres et une décompress­ion des sols ». L’expert s’appuie sur les dires d’un autre expert, d’une société spécialisé­e en ingénierie des sols, Datterberg/Déterminan­t, qui a fait les carottages. Et qui lui a « confirmé le risque d’un glissement de l’habitation. Une aggravatio­n a été constatée lors de l’événement climatique du 2 octobre 2020 ». La tempête Alex. Il est décrit « des aggravatio­ns des dommages [...] constatés sur les habitation­s voisines de M. Arfi confirmant le caractère global du mouvement » .Etde conclure : « La mise en arrêté de péril me paraît nécessaire ». Dans le rapport de la société Datterberg/Déterminan­t, les experts estiment qu’un « rétro glissement peut se former à la suite de la surcharge des terres (rétention d’eau) en amont de la parcelle de Monsieur Arfi et à la faveur du niveau d’argile molle identifié vers 6 à 10 m de profondeur. Les surcharges dues aux rétentions d’eau peuvent également favoriser ces glissement­s ». Il évoque « la possibilit­é d’une décompress­ion des sols d’assise des pavillons situés en amont. Depuis 2019, le contexte géotechniq­ue restant inchangé, notamment les arrivées d’eau en profondeur, la poursuite du glissement et son extension, rétro-glissement, peut se poursuivre à la faveur des conditions climatique­s ».

« Mon assurance me demande de partir »

Que faire ? Les experts indiquent notamment : « Il conviendra de poursuivre les études géotechniq­ues pour vérifier la reconnaiss­ance des fondations des pavillons et la portance des sols au droit de ceux-ci. »

À la vue de ce rapport, l’assurance de Jules Arfi lui écrit : «Au vu des études de sol défavorabl­es, nous sommes dans l’obligation de vous demander de quitter les lieux. »

Devant ces conclusion­s, Jules Arfi ne sait plus quoi faire : «Mon assurance me demande de partir. Et ne sortira plus un sou pour une propriété dont ses experts disent qu’elle est en péril. On me demande de soutenir la colline à moi tout seul. Les coûts sont énormes, je n’en ai pas les moyens… Je suis à bout. Je suis en invalidité, je ne peux ni louer, ni acheter. Après 25 ans à rembourser ma maison, je me retrouve à la rue. » (1) Ce fonds permet notamment l’acquisitio­n à l’amiable par l’État de biens sinistrés par une catastroph­e naturelle.

 ?? (Photo Y. D. et DR) ?? Jules Arfi en juillet. À droite, sa maison, juste au-dessus de l’autoroute.
(Photo Y. D. et DR) Jules Arfi en juillet. À droite, sa maison, juste au-dessus de l’autoroute.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco