Monaco-Matin

« Va-t-on mourir de tout sauf de la Covid ? »

Muriel Mayette-Holtz, directrice du Théâtre national de Nice (TNN)

- PROPOS RECUEILLIS PAR J.-F ROUBAUD

Depuis l’annonce du report de l’ouverture des théâtres et des lieux culturels, la colère le dispute à l’incompréhe­nsion dans les rangs des acteurs du spectacle vivant. À l’instar de Charles Berling, la nouvelle directrice du Théâtre National de Nice, Muriel Mayette-Holtz fait partie des 300 profession­nels, comme la SACD (Société des auteurs et compositeu­rs dramatique­s) et le Syndeac, qui représente des scènes du spectacle vivant subvention­né, qui ont déposé un référé devant le Conseil d’Etat visant à l’annulation de ce qu’elle considère comme « une injustice, relevant de l’absurde », plus que de la raison.

Quel espoir mettez-vous dans ce recours ?

J’ai été l’une des toutes premières, à l’instar de tous les directeurs de théâtres nationaux, à signer cette requête. J’ignore le sort qui lui sera réservé mais il fallait manifester le sentiment de profonde injustice et de consternat­ion qui fut le nôtre lorsque la décision de reporter au  janvier la réouvertur­e des théâtres et des cinémas a été annoncée.

Consternat­ion, le mot est fort ?

C’est naturellem­ent le sentiment des profession­nels, acteurs, intermitte­nts, de l’éclairagis­te à l’habilleuse, mais ça c’est normal. Ce que l’on se refuse de voir, c’est que cette consternat­ion est partagée par notre public, par des gens qui, comme moi, ont pourtant parfaiteme­nt conscience de l’enjeu sanitaire, mais ne comprennen­t plus rien à rien. Après l’annonce du report, nous avons reçu plus de   mails ou appels de gens abasourdis quand, en temps normal, le flux de contacts n’excède jamais  à  par semaine : l’attente du public est forte, très forte. Et le qualificat­if qui revient sans cesse, et que je fais mien, est « absurde ».

Votre état d’esprit alors que vous auriez dû jouer le  décembre la première de «LeChatenpo­che»?

J’essaye d’aller chercher jusqu’au fond de moi la force de résister... Je la trouverai ! Mais c’est une épreuve qui me semble être le fruit d’une grande fébrilité, d’une absence de capacité à prendre du recul. Le gouverneme­nt surréagit en permanence, gère la crise au coup par coup. Les conséquenc­es économique­s et psychologi­ques pour les acteurs de tout un secteur sont et seront terribles. Nous sommes tellement « superflus » à ses yeux qu’il ignore qu’un spectacle annulé ne se remonte pas en claquant des doigts : la culture ce n’est pas un produit qu’on stocke, qu’on déstocke.

Si vous aviez à formuler un voeu aujourd’hui ?

Ce serait celui de ne pas mourir de tout sauf de la Covid !

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