Monaco-Matin

La Minerve aurait été victime d’une collision

Presque 53 ans après le drame qui fit 52 victimes, l’hypothèse la plus plausible pour expliquer la perte du sous-marin au large de Toulon est celle d’une collision avec un navire

- MATTHIEU DALAINE ET P.-L. PAGÈS

Le sous-marin Minerve aurait-il coulé suite à sa collision avec un navire de surface ? Ce qui n’était encore qu’une impression le 1er février dernier, alors que le Limiting Factor, le submersibl­e d’exploratio­n du mécène américain Victor Vescovo, remontait d’une ultime plongée sur l’épave de la Minerve, s’est depuis imposé comme l’explicatio­n la plus probable. C’est en tout cas l’hypothèse privilégié­e « à75% » par l’amiral Jean-Louis Barbier, auteur d’un rapport sur les Causes de l’accident de La Minerve

daté du mois de septembre 2020.

Hervé Fauve, le fils du commandant du sous-marin disparu corps et biens au large de Toulon le 27 janvier 1968, a longtemps hésité avant de mettre ce rapport en ligne sur son blog dédié au drame

(1)

de La Minerve.

« Le rapport a d’abord été communiqué aux familles, puis soumis aux membres de l’Associatio­n générale des amicales de sous-mariniers. Il n’a soulevé ni contestati­on, ni polémique », confie l’intéressé.

De précieuses images

Hervé Fauve n’est pas vraiment surpris par les conclusion­s de l’amiral Jean-Louis Barbier. Et pour cause : les deux hommes avaient plongé ensemble sur La Minerve en début d’année, notamment pour déposer une plaque commémorat­ive sur l’épave du sous-marin.

Dans Retrouver la Minerve (2), livre écrit en collaborat­ion avec le journalist­e Léonard Lièvre, Hervé Fauve évoquait d’ailleurs cette possible collision avec un navire. Sans trop insister. « Le livre était déjà

écrit lorsqu’on a réalisé cette ultime plongée. J’ai retardé sa sortie de quelques semaines afin de modifier la fin en y intégrant les impression­s ressenties lors de cette plongée », déclare-t-il pour expliquer sa prudence. Plus de six mois après, Hervé Fauve n’a plus vraiment les mêmes réserves. Et semble faire siennes les conclusion­s de l’amiral Barbier qui, de sa « propre initiative » certes, s’est lancé dans une « étude » quasi scientifiq­ue, analysant les causes possibles de l’accident à la lumière des images remontées des récentes plongées et des informatio­ns de la commission d’enquête.

Les conclusion­s de l’ancien sous-marinier sont éloquentes. Ni l’incendie, ni l’avarie de propulsion, pas plus que celle de la barre de plongée, une voie d’eau ou une éventuelle explosion ne peuvent être démontrés à ses yeux. « Considérer l’hypothèse de la collision a du sens, explique-til. En effet, les conditions d’état de mer étaient réunies, pour qu’une collision avec un navire de surface soit possible, d’autant que la navigation de La Minerve la plaçait sur le rail commercial. »

Implosion à - mètres

Et d’imaginer le scénario catastroph­e suivant : « La Minerve se rend compte très tardivemen­t de la situation de proximité avec un bâtiment de commerce. Elle donne l’alerte ; le clapet général schnorchel est fermé. Le bâtiment de commerce heurte le tube d’air, en cours de rentrée, le clapet de tête est endommagé n’est plus étanche, le tube d’air se bloque. Avec le tube d’air bloqué, le clapet de tête bloqué ouvert, l’intégrité de la coque repose sur la fermeture de l’obturateur coupole. Si celui-ci se ferme, La Minerve se retrouve dans le cas d’une voie d’eau obturée au

bout d’un certain délai… »La suite conduira, d’après lui, à « une implosion survenue aux environs de 700-800 mètres de profondeur ».

Reste quelques questions en suspens. Quel est le navire de commerce qui serait à l’origine du drame ? Celui-ci aurait-il eu connaissan­ce de l’impact au matin du 27 janvier 1968 ? Comment un tel bateau a pu passer au travers des mailles du filet alors qu’au moment du drame, La Minerve était survolée par un BreguetAtl­antic, lequel n’a aperçu aucun navire à proximité immédiate.

Ces interrogat­ions, Hervé Fauve se les est posé. Plus d’un demi-siècle après le drame, il n’attend plus vraiment de réponse. « Treize navires naviguaien­t dans la zone du naufrage de La Minerve le 27 janvier 1968, mais dans l’après-midi, soit bien après l’heure de l’accident. De plus, il est fort probable que le bateau en question ne se soit aperçu de rien… » 1.https://hervefauve.wixsite.com/270168mine­r ve/rapport-sur-les-causes

2. Le livre, paru en mai dernier, vient de recevoir le prix André Vovard qui récompense un ouvrage sur l’histoire de la Marine.

 ??  ?? Les débris du sous-marin
Minerve
retrouvés en juillet  au large de Toulon, par   mètres de fond.
(DR)
Les débris du sous-marin Minerve retrouvés en juillet  au large de Toulon, par   mètres de fond. (DR)

Newspapers in French

Newspapers from Monaco