Monaco-Matin

L’envol de Gabin Villière

C’est l’histoire d’une ascension fulgurante. Arrivé de Fédérale 1 l’an passé à Toulon, le Normand s’est imposé en Rouge et Noir et apparaît comme un titulaire en puissance en Bleu

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Du haut des tribunes, son casque rouge semble se multiplier sur le terrain. Gabin Villière crève l’écran. Au RCT comme en Bleu. Habitué du Seven, le Normand évoluait encore en Fédérale 1 deux ans en arrière. Mais ce gamin-là, c’est une vraie bombe. Certes il y a ses envolées dans l’en-but, mais le minot de Vire aime aussi les phases de combats. Quand il ne sort pas meilleur plaqueur d’un match, il peut également venir gratter des ballons comme face à Sale, le week-end dernier. C’est dans son ADN.

J’aime ça, les phases de rucks, de combat. Ça correspond à mon profil. Même si je ne récupère pas le ballon à chaque fois, l’objectif est de ne pas faire de faute, de gratter un ou deux ballons si possible, sinon ralentir les sorties pour laisser le temps à notre ligne de se replacer en défense. C’est un travail de l’ombre, souvent dédié aux avants, mais c’est avec plaisir que je donne un coup de main », nous explique-t-il. Plus jeune, Gabin admirait Christophe Dominici et Vincent Clerc : « Ils avaient une vraie force intérieure, une hargne. J’aime beaucoup ces joueurs qui ne lâchent jamais rien, ils apportaien­t de la vitesse et du combat. » Aujourd’hui, il cultive leur héritage. Avec brio.

« Il a toujours été un bon plaqueur gratteur. Avec nous à Rouen, parfois, il n’entrait pas au bon moment ou il allait chercher le ballon dans un ruck et libérait son aile à l’adversaire. J’ai vu qu’il a fait la même chose en équipe de France, je me suis dit “oh merde !” Mais il adore le contact, le combat. Je ne pense pas qu’on puisse l’empêcher de faire ça », confie Richard Hill. L’ancien demi de mêlée anglais a rencontré Gabin lorsque ce dernier évoluait dans les équipes de jeunes de Rouen. À l’époque, Villière jouait au poste de demi de

«Gratteur passionné 0

Aussi surprenant que cela puisse paraître, Gabin Villière n’a toujours pas inscrit le moindre essai en Top  ! Il faut dire qu’il ne compte que neuf feuilles de match dans l’élite... En revanche, il a déjà marqué à trois reprises en Challenge Cup, une fois en Champions Cup et un essai avec le XV de France. En Fédérale , il affiche un ratio impression­nant de  réalisatio­ns en  matchs. mêlée. « Mais il ne passait jamais le ballon ! Il marquait des essais tout seul derrière une mêlée. Mais c’était clair qu’il n’était pas demi de mêlée », s’amuse Hill.

Neuf de formation… Pas de vocation

Gabin, lui, se souvient. « Je touchais beaucoup de ballons. Ça m’a aidé à évoluer et grandir dans le rugby. Après, je n’étais pas le meilleur techniquem­ent, mais ça correspond­ait bien à mon caractère. J’étais un peu le neuvième avant du pack, c’était aussi pour ça que je suis resté à ce poste. »Une fois en âge d’intégrer l’équipe première de Rouen, Hill décide de décaler le gamin au centre « mais il ne passait toujours pas le ballon ! », avant de finalement l’installer à l’aile. « Comme ça, il faisait ce qu’il voulait ! Et là, il a été remarquabl­e. Il avait cette capacité à gagner les duels. En un contre un, il était très imprévisib­le, on ne savait jamais ce qu’il allait faire. Il pouvait marquer des essais incroyable­s. » Ses performanc­es rouennaise­s lui ont ouvert les portes de l’équipe de France à 7. « Le Seven apporte sur l’aspect technique, on travaille beaucoup cela. Ce que l’on fait moins en club où l’on est plus sur les plans de jeu, les circulatio­ns et la défense. Cela m’a aussi permis de progresser dans les rucks, sur les plaquages. On est 7 pour couvrir 70 m de largeur, c’est vraiment autre chose. Les attitudes sont différente­s. Ça m’a beaucoup apporté pour jouer à XV », note le Normand.

« Fort dans les duels »

Sébastien Tillous-Borde, qui l’a vu débarquer sur les bords de la rade, confirme : « Grâce au 7, il est vraiment fort sur les duels offensifs et défensifs. Dans cette discipline, les espaces sont immenses, il faut bien lire les situations. » L’ancien demi de mêlée du RCT ne tarit pas d’éloge : « Il est très bon sur l’espace-temps en l’air pour prendre le joueur en même temps que le ballon. Il a aussi la capacité, par sa vitesse, de plaquer, se relever et aller gratter le ballon. Il permet à ses équipes d’avoir des ballons de turnovers vraiment intéressan­ts. En attaque, il a de la vitesse avec ses crochets et une grosse capacité à sortir des duels. Il raffûte très bien. Il peut battre deux trois défenseurs facilement. » Ce raffut qui fait des ravages, Gabin l’avait dès le plus jeune âge. « Il a des mains énormes ! », s’amuse Richard Hill. « C’est vrai ! Il a des segments très longs, ça lui permet de s’éloigner des défenseurs », confirme Tillous-Borde. Malgré ses qualités intrinsèqu­es et son profil atypique, Gabin Villière a mis du temps à éclore au haut niveau. Et même à attirer l’oeil des clubs profession­nels. Plus jeune, il a passé plusieurs essais dans les clubs de Top 14, dont Toulon, mais cela ne s’est jamais concrétisé. C’est donc à Rouen, chez lui, qu’il s’est aguerri. « Je manquais peutêtre d’un peu de maturité et de profession­nalisme, je ne connaissai­s que mon petit club de Vire qui évolue en série régionale. Techniquem­ent, il me manquait aussi des choses. Sur le plan athlétique, je n’étais pas le plus costaud dans les catégories jeunes, ça n’aide pas. Les gros gabarits sont plus souvent mis en avant. Quand à 15 ans tu fais déjà 1,80 m pour 80 kg, ça intéresse beaucoup plus qu’un profil un peu frêle », consent-il.

Ses performanc­es en Fédérale finissent tout de même par susciter l’intérêt des clubs pro. « Il a eu l’opportunit­é de partir, mais il voulait rester pour assurer la montée en ProD2 et il nous a aidés à le faire », témoigne Richard Hill. Quant au rendez-vous manqué avec le

RCT, il a été rattrapé quelques années plus tard.

Cela, à l’initiative de Mourad Boudjellal. Le président d’antan avait flashé sur Villière. « Un jour, j’ai reçu un SMS de Mourad Boudjellal. On s’est appelé et ensuite j’ai rencontré Patrice Collazo et Laurent Emmanuelli. j’ai été séduit par le projet », se souvient l’ailier. Supporter du RCT, Gabin touche du doigt un premier rêve. Sa première année à Toulon le fait cependant redescendr­e sur terre. « Je suis arrivé sur les rotules », reconnait-il. Forcément les blessures le rattrapent. « C’est encore un jeune joueur. C’est dommage qu’il ait eu ces problèmes physiques à son arrivée, sans ça, il aurait progressé encore plus vite », convient Sébastien Tillous-Borde. L’ascension reste fulgurante, avec cette année des performanc­es XXL. Mais pas de quoi faire tourner la tête du néo Bleu. « Je ne me suis jamais pris la tête, ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer. Rien n’est jamais acquis, il faut rester sur des bases de travail importante­s. La place peut partir d’un week-end à l’autre. Je garde la tête sur les épaules, l’équipe de France, ça s’est ouvert mais ça peut très vite se refermer ». Il sait ainsi qu’il doit encore progresser : « Mon jeu au pied et ma lecture du jeu ».

Le garçon garde les pieds sur terre et le contact avec ses racines. Il est toujours en lien avec son mentor Richard Hill et passe régulièrem­ent à Rouen ou Vire. « C’est un garçon très humble. Très sérieux sur le terrain, mais avec un grand sens de l’humour en dehors ; tout le monde l’adore. Il aime beaucoup rigoler », conclut Richard Hill. Blagueur, mais aussi homme de principes. Dans quelques semaines, Gabin donnera un de ses maillots de l’équipe de France au club de Rouen. Histoire de remercier ceux qui ont cru en lui.

Nom : Villière Prénom : Gabin Né le 13/12/1995 à Vire (Calvados) Taille : 1,80 m Poids : 93 kg

Carrière en club :

■ Vire (Normandie) (2000 à 2016)

■ Rouen (2016 à 2019)

■ Toulon depuis le 01/07/2019

Sélections :

■ France Seven (43)

■ France (2)

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Textes : Fabrice MICHELIER Photo : AFP
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