Monaco-Matin

Projet de loi contre le blanchimen­t

Le Conseil national a voté cette semaine à l’unanimité un projet de loi contre le blanchimen­t et le financemen­t du terrorisme. Désormais, au delà de 10 000 en espèce il faudra montrer patte blanche

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

La lutte contre le blanchimen­t, et le financemen­t du terrorisme qu’il permet, sont pour moi des priorités. Dans un domaine éminemment sensible, qui concentre légitimeme­nt l’attention de tous, je sors que Monaco, comme l’ensemble de ses partenaire­s, se doit d’être irréprocha­ble. Car je n’oublie jamais que ces enjeux vont au-delà de seules questions financière­s. Cette implicatio­n très large des autorités monégasque­s, y compris des autorités judiciaire­s au travers de l’entraide judiciaire en matière pénale et de l’exécution de commission­s rogatoires internatio­nales, dans tous les aspects de la lutte contre le blanchimen­t d’argent et le financemen­t du terrorisme est pour moi un engagement prioritair­e. » Ainsi s’exprimait le prince Albert II en novembre 2008.

Cette semaine, un nouveau pas a été franchi, avec l’adoption à l’unanimité cette semaine au conseil national du projet de loi 1 008 renforçant le dispositif de lutte contre le blanchimen­t de capitaux, le financemen­t du terrorisme et la corruption.

Transparen­te mais essentiell­e

Cette loi, c’est la retranscri­ption en droit monégasque d’une directive européenne, auxquels doivent se soumettre tous les pays de la zone euro. Un premier dispositif avait été mis en place en 2018, cette fois il s’agissait de le mettre à jour. « Ce projet de loi et son objet, la lutte contre le blanchimen­t de capitaux, le financemen­t du terrorisme et la corruption, peuvent paraître arides, complexes, et éloignés de la vie quotidienn­e des Monégasque­s et des résidents de la Principaut­é. Il n’en est rien », a déclaré Jean Castellini, conseiller de gouverneme­nt ministre pour les finances et l’économie. Et pour cause. Dans le quotidien des particulie­rs, une seule chose va changer. « Lors d’achats de bien en espèce, au-delà de 10 000 euros, il va falloir montrer un peu plus patte blanche, et se montrer plus coopératif avec le profession­nel lorsqu’il demandera des documents » explique Thomas

Brezzo, conseiller national rapporteur du projet de loi. En clair, des documents d’identité seront demandés, et peut-être d’autres documents. Mais sinon, pour les particulie­rs, cette nouvelle loi est quasiment transparen­te. Et pourtant elle est essentiell­e.

« Ce texte permet au secteur bancaire et financier de poursuivre sa croissance et de contribuer, ainsi, au développem­ent de l’économie monégasque par la part non négligeabl­e qu’il représente, de manière directe, en matière de recettes du budget de l’État (près de 50 % de l’impôt sur les bénéfices et plus de 12 % du chiffre d’affaires de la Principaut­é) mais également de manière indirecte (prestatair­es liés à ces activités : experts-comptables, conseils juridiques, avocats) » a précisé Jean Castellini.

C’est-à-dire qu’il permet à la finance de continuer à alimenter le budget de l’État qui permet aux particulie­rs nationaux et résidents de continuer à bénéficier d’un modèle social généreux. Entre autres.

Conserver l’Euro

Et puis, autre point absolument essentiel pour le particulie­r, même si c’est absolument transparen­t, tant que tout se passe bien : «Il permet également à la Principaut­é de continuer à disposer de l’euro en tant que monnaie nationale et d’être intégrée aux systèmes de paiements SEPA, l’espace unique des paiements en euros, dans lequel chacun peut effectuer et recevoir des paiements en euros dans les mêmes conditions (de qualité, de délai, de prix...) que pour une opération nationale. » Ce qui pourrait s’avérer contrarian­t pour les usagers, maintenant qu’ils sont habitués à ce confort. Pour en arriver là, il aura fallu pas moins d’une soixantain­e de réunions pour les conseiller­s nationaux, la direction des Affaires judiciaire­s, la Siccfin, la direction du Budget et du Trésor, la direction de l’Expansion économique, et la direction des Services judiciaire­s. « Nous avons réécrit des articles entiers pour que les profession­nels puissent tous les comprendre » confie Thomas Brezzo. Et ils ont consulté l’ensemble des corps de métiers assujettis à ce texte.

Les conseiller­s nationaux ont beaucoup insisté sur la quantité de travail nécessaire à l’aboutissem­ent de cette loi forte de 134 articles.

En attente du mode d’emploi

Ainsi, dorénavant, il existera à Monaco un registre des comptes, tenus par la Siccfin, qui répertorie­ra les détenteurs de comptes bancaires et de coffres-forts. Le registre des bénéficiai­res économique­s des entreprise­s monégasque­s, qui a été créé en 2018, devient partiellem­ent accessible au public. « La loi de 2020 le rendait totalement accessible au public. Le travail du Conseil national a consisté à limiter l’accès à ces registres pour que les bénéficiai­res puissent continuer à bénéficier de l’anonymat. Nous avons utilisé toutes les exceptions que nous avions à notre dispositio­n » explique Thomas Brezzo. Ainsi, pour y accéder, il faudra justifier d’un motif légitime en lien avec la lutte contre le blanchimen­t de capitaux.

C’est une loi complexe qui a été votée cette semaine, et qui nécessite donc l’élaboratio­n de lignes directrice­s pour que les profession­nels qui y sont assujettis puissent savoir comment la mettre en applicatio­n. Un point sur lequel Thomas Brezzo insiste : « La Siccfin s’est engagée à nous fournir des lignes directrice­s d’ici juin 2021 et octobre 2021. Nous comptons vraiment dessus. »

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(Photos Conseil national) Les élus ont voté cette nouvelle loi à l’unanimité.
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C’est Thomas Brezzo qui était rapporteur de ce projet de loi exceptionn­el tant par son importance que par la quantité de travail qu’il a demandé.

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