Elle adopte un enfant, puis l’abandonne au Congo
La mère adoptive d’un enfant congolais a laissé le petit garçon sur place au moment de retourner en France. Cette Fréjusienne a été jugée et condamnée pour délaissement de mineur
Raide comme un piquet, la gorge nouée, Ingrid L. paraît dépassée par les évènements. À la barre du tribunal correctionnel de Draguignan, les arguments de la quadragénaire pour expliquer l’abandon de Michel
(1) semblent insignifiants face à la situation improbable de l’enfant, aujourd’hui âgé de 8 ans. Après avoir obtenu son adoption plénière et l’avoir rencontré en 2018, elle l’a laissé à Brazzaville (République du Congo). Démuni. Contraint de retourner sous la protection de l’orphelinat qui l’avait déjà recueilli lorsque, âgé de 8 mois, il avait été découvert sur les marches d’une église.
« Il était ingérable »
« Lors de la semaine que j’ai passé avec lui il était ingérable, explique la Fréjusienne. Il fallait constamment le surveiller. Tout le temps, à chaque minute. Il ne faisait pas attention lorsqu’il traversait la route... Et il a fait une crise de nerfs lors d’une réunion au consulat. J’ai senti qu’il serait finalement mieux à l’orphelinat qu’avec moi. » Poursuivie pour délaissement de mineur de moins de 15 ans compromettant sa santé ou sa sécurité, l’ancienne monitrice de plongée, aujourd’hui... assistance sociale au sein d’un service d’action éducative en milieu ouvert (AEMO), ne pensait sans doute pas que son geste aurait de telles conséquences.
« Peut-être croyait-elle que les autorités congolaises allaient laisser passer, soupire le procureur Guy
Bouchet. Le Congo, c’est tellement loin de la France...»
Animée par l’envie véritable d’adopter un enfant, Ingrid L., célibataire, engage en 2015 des démarches auprès de l’association Enfants du Congo Béthanie. Recevant tous les agréments nécessaires aussi bien côté français que congolais, elle signe un mandat donnant procuration à l’orphelinat pour la représenter auprès du tribunal de Brazzaville et du consulat de France au Congo. « Ce mandat, c’était une lettre-type que j’ai simplement recopiée » précise-telle aujourd’hui. « Vous n’aviez pas d’échanges téléphoniques avec les soeurs de l’association ? » questionne la présidente. – « Non. » L’association assure de son côté que des mails avaient été envoyés, mais ils ont été effacés depuis. Le 12 mai 2017, le tribunal de Brazzaville acte l’adoption de Michel par Ingrid. Le petit garçon porte désormais son nom et acquiert la nationalité française. Mais devant les documents envoyés et les sommes d’argent réclamés pour la procédure et l’entretien de l’enfant, la nouvelle mère se met à croire à « une arnaque ».
Elle se rend pourtant sur place en mars 2018, avec deux autres mamans. Là-bas, elle rencontre pour la première fois Michel. Selon elle, le contact passe mal. Pour les autres mères présentes, c’est le comportement d’Ingrid qui inquiète.
Comme devant « un catalogue »
« On aurait dit qu’elle était devant un catalogue de La Redoute, a confié l’une d’elles aux policiers. On s’est même demandé si elle n’avait pas des problèmes psychiatriques. » Des faits de violences sont mêmes rapportés. « Pendant les six jours de son séjour, Ingrid L. n’a pas préparé une seule fois le repas de Michel, rapporte le ministère public. Elle est partie en laissant une ardoise, sans même payer pour son logement. » Ce que la prévenue dément.
« On ne peut pas la condamner »
« Elle a très vite averti les soeurs qu’elle n’y arrivait pas, la défend Me Juliette Bouzereaux. Elle n’a pas laissé Michel dans la rue. Elle l’a ramené à l’orphelinat. C’est pourquoi la prévention de délaissement ne tient pas. La santé et la sécurité de l’enfant sont assurées. Il n’est pas en péril. Moralement, ce qu’elle a fait est sujet à caution, mais pénalement, on ne peut pas la condamner. »
Le tribunal en a décidé autrement. Ingrid L. est condamnée à dix mois d’emprisonnement avec sursis et cinq ans d’interdiction d’exercer un emploi impliquant un contact avec des mineurs. Elle ne pourra donc pas reprendre son travail au sein de l’AEMO.
La situation de Michel, elle, est figée. Représentant l’administrateur ad hoc désigné pour ce procès, Me Muriel Gestas espère qu’une déchéance d’autorité parentale sera prononcée prochainement afin que Michel puisse « réellement » être adopté. « Le pire pour lui serait qu’il finisse dans un foyer, sans repère ni famille. »Car quoiqu’il advienne, l’avenir de Michel se déroulera en France : il est aujourd’hui un ressortissant étranger pour le pays qui l’a vu naître et où il a toujours vécu...
1. Le prénom a été modifié.