Monaco-Matin

Crise sanitaire : les élèves trinquent

La communauté éducative note unanimemen­t « une baisse de niveau » notamment en rédaction et « la perte des codes de l’école » comme « l’écoute, la concentrat­ion ou le savoir-vivre ensemble »

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Manque de concentrat­ion, dépendance aux écrans, rédaction confuse... Depuis la rentrée, de nombreux enseignant­s du primaire et du secondaire observent une baisse du niveau scolaire due au confinemen­t et d’importante­s disparités entre les élèves, dont certains « ont cessé d’apprendre ». En septembre, Charles-Edouard, professeur d’histoire-géo à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), a récupéré des élèves de 3e avec « l’impression qu’ils avaient sauté une classe mais sans les connaissan­ces ».

Consignes incomprise­s

« Le début d’année a été catastroph­ique. Les enfants dont les parents ne parlent pas la langue française ne comprenaie­nt plus les consignes »,

raconte Sandrine, maîtresse de CP depuis plus de vingt ans dans une école classée en REP (Réseau d’éducation prioritair­e) en Ile-de-France. L’institutri­ce a dû faire « un énorme travail sur le langage » en consacrant chaque jour quarante-cinq minutes autour d’une histoire avec des images et du vocabulair­e.

La méthode a porté ses fruits : «En décembre, j’en suis au même point qu’avec mes élèves de l’année dernière en lecture et en écriture », se réjouit-elle, même si elle avoue « ramer en maths ».

Romain Navarro, professeur de mathématiq­ues au collège Jean-Jaurès à Clichy (Hauts-de-Seine), enseigne « quasiment le même programme » à ses 5e et 4e. « Les chapitres qui ont été vus pendant le confinemen­t n’ont pas du tout été assimilés alors je reprends au fur à mesure les notions », assure l’enseignant de 29 ans pour qui «les trois mois perdus » du premier confinemen­t sont « rattrapabl­es ». L’ensemble des enseignant­s du primaire et secondaire interrogés notent unanimemen­t « une baisse de niveau » notamment en rédaction et « la perte des codes de l’école » comme « l’écoute, la concentrat­ion ou le savoir-vivre ensemble ».

Décrochage numérique

Pour Catherine Verdier, psychologu­e pour enfants et adolescent­s, «la santé mentale des enfants est fortement impactée par le confinemen­t » mais aussi par « le manque d’activités extrascola­ires » ou « l’environnem­ent anxiogène ».

« Ils ont besoin de calme, de se recentrer car ils sont dispersés », analyse la thérapeute qui estime que « si cette crise sanitaire se poursuit trop longtemps, on n’en sortira pas indemne car les enfants ne grandissen­t pas sereinemen­t ».

Outre le faible niveau des élèves, la crise sanitaire et son corollaire, l’enseigneme­nt en ligne, a aggravé les disparités entre les élèves.

« Je n’arrive pas à instaurer un rythme. Les élèves ne suivent pas les cours en ligne, il y a des trous dans leurs cahiers. C’est brouillon dans leur tête comme dans leur travail », observe Raphaël, professeur d’histoiregé­o dans un lycée à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis).

Sa classe de première technologi­que a « complèteme­nt décroché, ils ont cessé d’apprendre », reconnaît le professeur, en poste depuis six ans dans ce lycée. Il ressent depuis peu « une perte de sens dans [son] travail ».

L’autre conséquenc­e de l’apprentiss­age en distanciel est « la dépendance numérique des élèves ».

Au temps d’écran sur le téléphone s’ajoute celui du temps scolaire. Cela entraîne une perte de concentrat­ion, une expression écrite confuse et une certaine incapacité à se repérer dans un ouvrage.

Les inégalités se creusent

Face aux difficulté­s, de nombreux professeur­s ont réclamé des ajustement­s dans les programmes. Pour l’oral du bac, Jérôme Martin, professeur de français au lycée PaulEluard à Saint-Denis, va préparer moins de textes. « C’est encore une année spéciale, on va faire au mieux », dit-il. Il note depuis septembre que les élèves « ont perdu en autonomie [...] J’ai donné un livre par mois à lire, en décembre, j’ai constaté que personne n’en avait lu un ».

La crise sanitaire a également été un révélateur des inégalités qui se creusent au fil des confinemen­ts, note Charles-Edouard, le professeur d’histoire-géo en banlieue parisienne. « En classe, les élèves partent plus ou moins d’un même pied d’égalité avec une table et une chaise mais à la maison certains partagent un ordinateur avec plusieurs frères et soeurs », explique l’enseignant de 32 ans.

Des « grosses différence­s de niveau entre les élèves des classes populaires et aisées » ont été constatées dès la rentrée par Romain Navarro, prof de maths dans les Hauts-de-Seine. « Avec le confinemen­t, les meilleurs sont devenus meilleurs car beaucoup plus autonomes et les moins bons sont devenus encore moins bons » ,résume une directrice d’établissem­ent de la région Rhône-Alpes.

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(Photo AFP) En cours préparatoi­re, les écoliers accusent un sacré retard dans l’apprentiss­age de l’écriture et de la lecture.

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