Monaco-Matin

Étienne Daho « Je suis admiratif des chansons des autres. Jaloux aussi ! »

- PROPOS RECUEILLIS PAR AMÉLIE MAURETTE amaurette@nicematin.fr

Ceux qui suivent Daho à la trace, auront déjà entendu ce nom-là. Surf. Parrain du Disquaire Day 2020, le Rennais à la voix feutrée a sorti cet été, à l’occasion de l’événement tronçonné par la crise sanitaire, un vinyle inédit. Le fameux Surf, album perdu et ressuscité, composé d’une dizaine de reprises de titres anglo-saxons enregistré­es en 2004 et 2005. Mais de ces morceaux de l’époque, laissés de côté pour cause de maison de disques pas emballée, il n’y en avait pas seulement une dizaine. Il y en avait quarante-cinq. De quoi largement faire une suite à ce disque sauvé des eaux et sorti en édition limitée. Ce sera chose faite pour la suite du Disquaire Day en octobre, avec Surf volume 2, et encore une dizaine de reprises. Les deux volets, de ce qui forme désormais un véritable album du chanteur à ranger sur l’étagère entre Réévolutio­n (2003) et L’Invitation (2007), viennent de sortir réunis et augmentés. L’occasion de découvrir, à travers ces vingt-deux morceaux, un Daho nouveau. Bercé par le folk, la country, la soul. Et quand le parrain de la pop française rejoue Bob Dylan, Hank Williams ou Billie Holiday, avec un accent limite mais une classe absolue, c’est minimalist­e, ouaté, étonnant. Impeccable. Et ça donne très envie de savoir où naissent ces références.

On ne vous associe pas au folk. Dylan et consorts, ça évoque quoi ?

Mes années de scoutisme ! J’ai fait toute ma scolarité parmi des amis avec lesquels j’ai été scout, dès  ans, le folk me rappelle ça…

Les plus âgés avaient tous des guitares et chantaient du Dylan, les moins âgés chantaient du Dylan version Hugues Aufray. (rires) He Was a Friend of Mine que je reprends ici, c’est une des chansons que l’on jouait. Le folk a été très présent à ce moment-là.

La country aussi alors, avec deux reprises de Williams ?

J’ai la chance d’avoir eu des parents mélomanes et d’avoir eu beaucoup de bonne musique chez moi. On se fabrique l’oreille tôt. Il y avait à la maison un album de Hank Williams, un best of .Ces chansons, je les ai beaucoup entendues enfant. Il y avait du rock aussi, qui est une déclinaiso­n de la country, du blues et du folk, tout ça m’est familier. Ma mère était fan de Presley, ce sont des choses que j’ai beaucoup entendues. Comme Blue Moon Of Kentucky, que je reprends et que je connaissai­s par Elvis.

Et le blues, la soul, ça vient d’où ?

J’adore la soul ! Même si on ne l’entend pas et qu’on m’associe à la pop, on associe toujours la musique à des choses qu’on sait sur la personne. La soul, c’est peutêtre la musique que j’écoute le plus. Tous les artistes Motown. Les

Temptation­s, Smokey Robinson, Martha and the Vandellas, les Supremes, Marvin Gaye… Le répertoire est fantastiqu­e, les prod’ sont fantastiqu­es, ne parlons pas des chorés et des fringues, j’adore ! (rires)

Sortir finalement ces reprises, une manière de vous dévoiler ?

Oui. J’avais déjà fait ce genre d’exercice, débutant, pour une émission qui s’appelait Les Enfants du rock, on m’avait demandé des chansons inédites. J’avais repris Françoise Hardy, Gainsbourg, Syd Barrett… C’était une manière de me dévoiler, de montrer qui j’étais à travers la musique que j’aimais. Des albums de reprises, je pourrais en faire des tonnes. Je suis toujours admiratif des chansons des autres. Jaloux aussi ! Face à une chanson qui est tellement réussie qu’on se dit qu’on aurait tout donné pour l’écrire. Les reprendre, c’est une manière de se les approprier, c’était aussi l’idée de cet album. Il y avait quarante-cinq chansons au départ, j’ai conservé les vingt qui m’iraient bien.

Comment les aborde-t-on ?

En les déshabilla­nt. En ne gardant que la suite d’accords à la guitare. En trouvant son espace, son tempo, sa sensibilit­é, sa tonalité. Et puis surtout, avec une certaine dose d’inconscien­ce ! Ne pas se laisser intimider, même si je ne suis pas allé taper dans les tubes. Ce sont des chansons qui me touchent. Je chante ce qui me remue, ce qui me donne l’impression que j’aurais pu l’écrire. Ces chansons évoquent des choses sur moi, sur la période à laquelle je les ai enregistré­es.

Vous reprenez David Bowie aussi, référence absolue ?

Entre autres ! Je ne suis pas de ceux qui considèren­t qu’il n’y a que lui… surtout depuis qu’il est mort. Parce que pendant vingt ans, quand même, tout le monde a vomi sur Bowie ! Il a été iconisé mais, pendant longtemps, les gens se détournaie­nt de lui. La mort arrange beaucoup de choses, souvent… (rires) Là, j’ai choisi une chanson d’un album que j’adore, Heathen, qui est fantastiqu­e. Mais, en fait, je dirais que je suis plus influencé, plus amoureux du travail de Lou Reed.

Mais pas de Lou Reed ici ?

C’est vrai. Mais j’avais repris Ocean avec Marquis de Sade, Sunday Morning aussi. En fait il m’aurait fallu un quadruple album !

Dans ce double album, vous ajoutez un duo de  avec Bashung, un grand moment ?

Tout à fait. On l’avait chanté dans une émission qui s’appelait en toute modestie Le Daho Show (rires), qui avait accompagné la sortie de mon album L’Invitation. J’avais carte blanche et j’ai invité Air, Phoenix, Cassius, Marianne

Faithfull, Françoise Hardy, Alain Bashung, Jarvis Cocker, le casting était fou ! J’ai proposé à Alain cette chanson de Hank Williams… On a répété trois minutes et on s’est jetés à l’eau. Ça donne cette fragilité, cette émotion. On se protégeait l’un l’autre, on était comme deux bulles. C’est bien que ça existe, comme ça.

‘‘ J’adore la soul. Même si on ne l’entend pas et qu’on m’associe à la pop”

Et même pas une reprise de Jane Birkin, dont vous venez de réaliser le nouvel album ?

Non ! (rires) Il y a quelques artistes comme ça, qui m’ont aidé à grandir dans ma chambre obscure d’adolescent. Pour eux, c’est gratitude éternelle. Birkin, Hardy, Dutronc, Gainsbourg, Fontaine, sont des gens pour lesquels j’ai affection, respect, amitié. J’ai eu la chance de pouvoir travailler avec eux, sauf avec Serge : j’étais débutant et je me disais “c’est bien de réussir tout seul”… Mais il m’a soufflé dans le dos pour m’aider à m’envoler. Ces gens-là m’ont considéré comme faisant partie de la famille et ça a été très important pour moi.

‘‘ Birkin, Hardy, Gainsbourg, m’ont aidé à grandir”

Surf  et .

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Étienne Daho. (Parlophone)
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