Monaco-Matin

Cannes : les débauchés, la prostituée et ses obligés

Deux Cannois auraient payé une escort-girl avec des faux billets, ce qu’ils nient. Deux amis l’ont vengée, ce qu’ils reconnaiss­ent. Pas simple de démêler le vrai du faux dans cette sordide affaire

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Apremière vue, les liasses de billets de 20, 100 et 200 euros, pour un montant total de 30 000 euros font de l’effet.

« C’est de la movie money, dédramatis­e Marvin, 28 ans, cadre dans le commerce.

C’est écrit dessus. » Des faux grossiers utilisés lors de tournage de films. Aviel, 25 ans, son copain vendeur en téléphonie, les a achetés 30 euros sur Internet. « On voulait tourner un clip », se justifie l’apprenti cinéaste cette semaine devant le tribunal correction­nel de Nice.

Affublé d’un masque de Trump

Au toucher, l’argent en question ressemble davantage à des billets de Monopoly qu’à ceux de la Banque de France. Swann, prostituée de 19 ans, qui a accepté une relation sexuelle avec les deux fêtards, a-t-elle été trompée par cette monnaie de pacotille ? La jeune femme est la grande absente du procès en correction­nelle des deux Cannois poursuivis pour mise en circulatio­n de fausse monnaie, escroqueri­e et abus de confiance. Pensait-elle gagner 2 000 euros après avoir assouvi les fantasmes débridés des deux individus ? Les deux fils de bonne famille démentent toute relation tarifée. Ils avaient ramené des masques de carnaval (dont un de Donald Trump), des sex-toys et des billets de banque étalés sur le lit pour pimenter la mise en scène. Aviel et Swann avaient, peu de temps avant cette nuit agitée, noué une relation sur

Internet. Relation amoureuse ou commercial­e ? Là encore, la question reste en suspens. Seule certitude, Aviel et Marvin ont utilisé la carte bancaire de la jeune fille pour régler la chambre d’hôtel. « Ma carte ne passait pas. Swann a accepté de me passer sa carte bancaire avec sa pièce d’identité », affirme Marwin.

La procureure Brigitte Funel qualifie cela d’abus de confiance, et les deux prévenus, des « minables sans vergogne » ayant obtenu des faveurs sexuelles en escroquant la jeune fille. Fin du premier épisode d’un feuilleton sordide qui ne s’arrête pas à ce vrai-faux tournage pornograph­ique.

Montre en toc ou à   euros ?

Deux autres personnage­s entrent alors en scène : Yassine, ami de Swann, dealer de coke à l’occasion (et peut-être souteneur ?) vient la chercher après les ébats à trois. Swann raconte sa mésaventur­e. Yassine décide de donner une leçon à Aviel le débauché. Swann sert d’appât. Elle reprend rendez-vous avec le jeune homme. Le guet-apens fonctionne puisque Yassine, assisté de son ami Florent, bloque la Fiat d’Aviel. Un coup de feu est tiré en l’air. Paniqué, Aviel laisse sa montre, une Audemar-Piguet dont le modèle vaudrait 50 000 euros, et s’enfuit. Montre en toc ou de valeur ? Là encore, la question n’est pas tranchée. La montre disparaît tout comme la Fiat que s’approprie Yassine. La voiture sera retrouvée peu après rue Reine-Jeanne à Nice. Les deux redresseur­s de torts sont poursuivis pour vol avec violence. La procureure requiert quinze mois de prison contre les quatre protagonis­tes et suggère une incarcérat­ion immédiate pour tout le monde. Me Yann Diodoro, avocat en défense d’Aviel et Marvin, sort de ses gonds : « Soyons sérieux, il n’y a aucun doute sur le consenteme­nt de la prostituée. Quant à la carte bancaire, la jeune femme l’a remise volontaire­ment. Où est l’abus de confiance ? En replaçant les faits dans leur contexte, Monsieur le président, vous ne pourrez que relaxer mes clients. »

Deux incarcérat­ions

L’avocat a du mal à admettre que le parquet ait consacré « 13 minutes à l’affaire des faux billets et seulement trois minutes au vol avec violence », dont a été victime Aviel, à la fois prévenu et victime dans ce dossier. Me Magali Gilly, pour la défense de Yassine, rappelle qu’Aviel et Marvin n’en étaient pas à leur coup d’essai. « Ils ont eu la chance d’être tombés sur Swann et non sur un réseau de prostituti­on de l’Est. » Sous-entendu, certains proxénètes leur auraient fait payer cher leur comporteme­nt envers les escort-girls. Yassine travaille comme déménageur et a suivi les obligation­s de son contrôle judiciaire à la lettre. « Pourquoi dès lors requérir son incarcérat­ion ? », s’étonne l’avocate. Me Pierre Dini, avocat de Florent, vendeur, est également surpris. La passivité supposée de son client l’empêche, selon l’avocat, d’être poursuivi comme coauteur du vol aggravé de la voiture. Aviel et Marvin sont finalement relaxés pour l’abus de confiance mais coupables de la mise en circulatio­n de fausse monnaie et de l’escroqueri­e. Ils s’en sortent avec quinze mois de prison avec sursis.

Les deux auteurs de l’expédition punitive, déjà connus de la justice, sont plus sévèrement punis avec quinze mois d’emprisonne­ment à exécuter immédiatem­ent. Un mandat d’arrêt a été délivré contre Florent, absent au moment de la sentence. Yassine a été immédiatem­ent menotté à la barre.

 ?? (DR) ?? Les faux billets de banque ont-il pu tromper la jeune prostituée ? Les deux jeunes qui les ont utilisés pour, disent-ils, une mise en scène, s’en défendent.
(DR) Les faux billets de banque ont-il pu tromper la jeune prostituée ? Les deux jeunes qui les ont utilisés pour, disent-ils, une mise en scène, s’en défendent.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco