Sur les traces de Raymond Maufrais : un périple fou
70 ans après, Eliott Schonfeld est reparti sur les traces de l’explorateur toulonnais disparu dans la jungle guyanaise en 1950. De cette expédition, il rapporte un récit captivant, Amazonie
L’aventure tient parfois à peu de chose. Plus jeune membre de la Société des explorateurs français, Eliott Schonfeld, qui a déjà à son actif des expéditions dans le désert de Gobi, en Alaska ou encore dans l’Himalaya, en est conscient. En ces temps de confinement, alors que les librairies sont fermées au public, il ne serait sans doute pas parti sur les traces de Raymond Maufrais, cet explorateur toulonnais de 23 ans, disparu le 13 janvier 1950 en Amazonie française.
Une fraternité immédiate
« Après mon expédition dans l’Himalaya, j’avais prévu de partir dans la jungle amazonienne. Plus particulièrement au Brésil. Et puis au détour d’un rayon de la librairie Gibert Jeune à Paris, je suis tombé par hasard sur le journal de Raymond Maufrais. J’ai ressenti aussitôt une proximité, une fraternité avec lui. Ses mots matérialisaient les idées que j’avais en moi. Je me reconnaissais dans ce qui l’a poussé à quitter son quotidien, sa ville de Toulon pour retrouver ses instincts oubliés. Assis dans un coin de la librairie, j’ai dévoré le livre jusqu’à la dernière page et j’ai éprouvé l’urgence de partir retrouver Raymond Maufrais, comme s’il était mon meilleur ami », raconte-t-il, tout exalté. Ni une, ni deux, Eliott Schonfeld met le cap sur Maripasoula en Guyane française, bien décidé à mettre ses pas dans ceux de son « grand frère ». « Pour m’approcher au maximum de Raymond Maufrais, je ressentais le besoin de faire le même parcours que lui, sur le chemin des Émerillons. Au moins jusqu’au Dégrad Claude, le lieu où son carnet de voyage a été retrouvé », confie l’intéressé. Pour se guider dans l’enfer vert, Eliott Schonfeld dispose d’un GPS bien sûr. Mais il s’appuie aussi sur le récit de Maufrais. « En 70 ans, cette partie de la jungle a très peu changé. À force de lire son bouquin, j’avais l’impression de connaître les lieux. Et bien que ce soit impossible, je m’attendais à voir Raymond Maufrais au sortir d’un méandre de la rivière Tamouri », se souvient-il, conscient que ses propos ont quelque chose de « fou ».
Cette dimension mystique, Eliott Schonfeld ne la nie pas. « Àunmoment, j’ai vraiment eu l’impression de voyager aux côtés de Raymond Maufrais. J’étais découragé aux mêmes endroits que lui 70 ans plus tôt. Un dialogue entre nous deux s’était installé. Et puis en arrivant au Dégrad Claude, très amaigri, je suis revenu à la réalité. J’ai compris que si je voulais sauver ma peau, rejoindre le village Camopi, il fallait que j’arrive à construire un radeau. J’ai alors trouvé un regain d’énergie pour prendre le relais de Raymond et, d’une certaine façon, terminer son histoire ».
Des envies de froid
Quatorze mois après son retour en France métropolitaine, en pleine promotion de son livre Amazonie (1), Eliott Schonfeld savoure les moments avec ses proches, qui lui ont tant manqué dans la solitude de l’immensité amazonienne. Mais l’envie de repartir à l’aventure est déjà présente. Dans la jungle ? Pas tout de suite. « Il n’y a pas un environnement que je préfère plus qu’un autre. J’aime avec la même intensité tous les endroits, quels qu’ils soient, où la vie est libre, où les humains vivent différemment ».
En mars prochain, si la situation sanitaire le permet, Eliott Schonfeld devrait s’envoler pour le… Groenland, afin d’effectuer les repérages de sa prochaine expédition. « Après ce que j’ai vécu en Amazonie, j’ai envie d’autre chose. J’ai pour projet de traverser le Groenland en traîneau à chiens, sur les traces d’un renard polaire qui a parcouru 3 500 km de la Norvège jusqu’au Canada », expliquet-il le plus naturellement possible. Le froid du grand nord, après la moiteur de la jungle. Histoire de varier les plaisirs.