Monaco-Matin

Attentat à la Basilique : le cauchemar continue

Le matin du vendredi 29 octobre, un jeune terroriste a tué au couteau trois fidèles de NotreDame de Nice, treize jours après la décapitati­on de Samuel Paty, l’enseignant de Conflans

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Nice, ville martyre avec ses 84 victimes et ses 500 blessés du 14 juillet 2016, croyait que la foudre ne frappait jamais deux fois au même endroit. Elle se trompait.

Le djihad est une guerre de harcèlemen­t, aux attaques imprévisib­les, incessante­s. Et Nice ne cesse de payer le tribut à cette guerre contre le fanatisme. Le 29 octobre, Brahim Aouissaoui, Tunisien de 21 ans, a pénétré dans la basilique Notre-Dame vers 8 h 30 pour, couteau à la main, assassiner au hasard.

Deux paroissien­nes (Nadine Devillers et Simone Barreto-Silva), un sacristain (Vincent Loques) ont été poignardés à mort avant que des policiers municipaux ne tirent sur l’assaillant.

De Sfax en passant par Lampedusa

Touché à huit reprises, l’individu est resté plusieurs semaines entre la vie et la mort en réanimatio­n. Transféré dans un hôpital parisien pour des raisons de sécurité, il a finalement survécu mais gardera des séquelles irréversib­les. Début décembre, son état de santé a permis à un juge d’instructio­n de le mettre en examen pour « assassinat­s », « tentatives d’assassinat­s en relation avec une entreprise terroriste » et « participat­ion à une associatio­n de malfaiteur­s terroriste criminelle. » Le jeune Tunisien a refusé de répondre aux questions lors de son premier interrogat­oire.

Les premières investigat­ions attestent que Brahim Aouissaoui est arrivé l’avant-veille du drame à Nice. Il a repéré les lieux, est allé prier dans une mosquée proche de la basilique avant, le matin du 29 octobre, de se changer à la gare SNCF située avenue Thiers.

Les policiers de la SDAT (sous-direction antiterror­iste) et de la Direction générale de la sécurité intérieure ont pu reconstitu­er l’itinéraire de Brahim A., qui a quitté la Tunisie par bateau le 19 septembre pour débarquer le lendemain en Europe sur l’île de Lampedusa, en Italie. L’ensemble des passagers du navire a été placé en quarantain­e jusqu’au 9 octobre, date à laquelle il est repéré à Bari où il est sommé par les autorités italiennes de quitter le territoire. Il erre quelques jours en Sicile, rallie Rome le 27 au matin, puis prend un train pour Nice dans la soirée.

Dans son téléphone, les enquêteurs découvrent des photos de membres de l’Etat islamiste et une du tueur de Samuel Paty, le professeur décapité à Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre.

Au total, onze personnes, soupçonnée­s d’avoir aidé le terroriste à Nice, sont interpellé­es dans les jours qui suivent l’attentat de Notre-Dame. Elles sont remises en liberté n’ayant eu, a priori, aucune connaissan­ce du projet criminel de Brahim Aouissaoui.

La métamorpho­se d’un petit délinquant

Qui est ce terroriste inconnu des services spécialisé­s (Croquis Rémi Kerfridin)

? Issu d’une famille pauvre, il apparaît comme un petit délinquant de la banlieue de Sfax, mal dans sa peau, quasi analphabèt­e. Lors d’un simple différend dans le garage qui l’emploie en 2016, il se saisit d’un tournevis et frappe à la gorge un client dont il devait réparer la moto. Placé en maison de correction, il paraît plus passionné par les motos et les filles que par les versets du Coran. Mais ses amis sont témoins d’une lente métamorpho­se au contact d’un groupe de salafistes qui sévit dans son quartier. L’attaque terroriste à la basilique Notre-Dame est la troisième perpétrée en France depuis la reparution, début septembre, des caricature­s du prophète Mahomet par l’hebdomadai­re satirique Charlie Hebdo. La ville de Nice est sidérée, tétanisée. Comment ne pas penser à Hervé Gourdel, le guide du haut pays, décapité par des Soldats du califat en septembre 2014, aux trois militaires de l’opération Sentinelle, attaqués sous les arcades de la place

Masséna par un fanatique au couteau en février 2015 et au 14 juillet 2016, où l’une des plus belles avenues du monde a été transformé­e en cimetière. Cet attentat est aussi commis en plein procès des attaques de Charlie Hebdo, de l’Hyper Cacher et du Thalys.

Le droit au blasphème

Le fait de perpétrer un attentat dans une basilique n’est évidemment pas neutre. C’est la quatrième fois depuis 2015 qu’une église est visée par des terroriste­s islamistes. Depuis janvier 2015, les attentats, attribués ou revendiqué­s par la mouvance islamiste, ont fait 263 morts dans l’Hexagone. Emmanuel Macron, le président de la République, intervient pour « dire le soutien de la Nation tout entière aux catholique­s de France et d’ailleurs », rappeler le droit en France, pays des Lumières, république laïque, à la caricature, au blasphème. Un pays dont les libertés sont menacées par une idéologie obscuranti­ste et moyenâgeus­e. Une France qui paraît bien impuissant­e face à la montée des périls.

Nice est confrontée à un interminab­le cauchemar qu’un futur procès ravivera. Le 10 novembre, le parquet de Paris annonce que sept hommes et une femme seront renvoyés aux assises pour répondre de la tragédie de la promenade des Anglais. Trois seulement comparaîtr­ont pour « associatio­n de malfaiteur­s terroriste criminelle. » Mohamed Ghraieb, Chokri Chafroud et Ramzi Arefa seraient les seuls à avoir eu conscience du projet de Mohamed Laouaiej-Bouhlel, ce qu’ils contestent. La complicité d’assassinat­s, initialeme­nt retenue, a été abandonnée. Huit cent cinquante-cinq personnes ou associatio­ns seront parties civiles à ce procès.

L’attaque de Notre-Dame a rouvert des plaies qui étaient loin d’être cicatrisée­s.

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Le terroriste entre à l’intérieur de la basilique à h, attaque une paroissien­ne de  ans, Nadine Devillers, le sacristain Vincent Loquès,  ans et poignarde une autre paroissien­ne, Simone Barreto.
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(Photo Dylan Meiffret) Depuis janvier , les attentats, attribués ou revendiqué­s par la mouvance islamiste, ont fait  morts dans l’Hexagone.

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