Monaco-Matin

Fusillades à Nice :une dérive à la marseillai­se

4. Fin. 2020 avait une odeur de poudre dans le quartier des Moulins et l’impasse des Liserons. Des bandes se sont affrontées avec parfois des armes de guerre. De quoi nourrir des polémiques

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Une dizaine d’assaillant­s masqués, vêtus de noir et lourdement armés, poursuiven­t à toutes jambes un individu devant des témoins médusés. Des coups de feu éclatent en pleine journée dans le quartier des Moulins à Nice en ce 20 juillet. Des balles sont retrouvées dans un véhicule. Cette scène de guerre effrayante, qualifiée de tentative de meurtre par la justice, fait réagir au plus haut sommet de l’Etat. Le Premier ministre Jean Castex et le ministère de l’Intérieur Gérald Darmanin viennent d’urgence à Nice annoncer des renforts de policiers. Aux Moulins, les pouvoirs publics semblent de plus en plus dépassés par la violence de bandes rivales en concurrenc­e pour le contrôle du juteux marché de la drogue.

Depuis le 25 novembre 2019 et une première tentative de meurtre, l’ambiance est tendue dans ce quartier classé en zone de reconquête républicai­ne. Le 15 janvier, un trafiquant notoire se fait tirer dessus devant une épicerie boulevard Paul-Monteil. Un jeune Cap-verdien est interpellé, mis en examen et écroué. Nouveaux tirs le 16 mars. Puis le 26 juin où la fusillade est ponctuée d’un jet de grenade offensive à midi trente ! Une quinzaine d’étuis de calibre 9 mm sont retrouvés sur place, confirme Dominique Laurens, la procureure de la République de Marseille. L’enquête est confiée à la JIRS, juridictio­n interrégio­nale spécialisé­e. La fusillade du 20 juillet, véritable chasse à l’homme, apparaît comme un point d’orgue dans la lutte que se livrent les trafiquant­s. L’insécurité dénoncée par des habitants excédés, n’est pas un vague sentiment impalpable. Ils la vivent au quotidien et craignent pour leur vie.

Armement défaillant

De nouvelles interpella­tions intervienn­ent dans le courant de l’été. La brigade criminelle de la police judiciaire dénoue en toute discrétion les fils qui relient ces règlements de comptes.

Dans ce genre d’affaires, les protagonis­tes sont peu bavards et désignent rarement leurs ennemis. Par chance, la qualité de leur armement n’est pas toujours à la hauteur de leur déterminat­ion. Certaines victimes ont eu la vie sauve soit par la maladresse de leur agresseur, soit pour un problème technique de l’arme, indépendan­t de la volonté criminelle du tireur. Le placement en détention provisoire de certains individus semble avoir ramené le calme dans la cité de l’Ouest de la ville. En revanche, à l’Est, impasse des Liserons, d’autres tensions se font jour.

Tensions communauta­ires

L’après-midi du 11 juin, les forces de l’ordre intervienn­ent en nombre après que des détonation­s ont été entendues dans l’impasse des Liserons. Tout le quartier est bouclé, des gendarmes viennent en renfort de la police. Des douilles retrouvées sur place attestent que des coups de feu ont bien été tirés.

Vers 16 h 30, sapeurs-pompiers et Samu prodiguent les premiers soins à Ahmed-Zine, 19 ans, gisant au sol. Il est grièvement blessé. Non pas par des tirs mais par une arme blanche. Lui-même sera quelques jours plus tard mis en examen et écroué pour tentative de meurtre avec arme.

Il est accusé d’avoir tiré sur un Tchétchène qui, malgré ses graves blessures, en réchappe. Ce dernier sera à son tour mis en examen et placé en détention provisoire. Contrairem­ent à ce que d’aucuns avancent, l’affronteme­nt entre jeunes Maghrébins et jeunes Tchétchène­s dans cette impasse, haut lieu du commerce de la drogue, n’est pas lié au trafic mais à une simple gifle.

Effectifs supplément­aires

Comme dans le quartier Saint-Charles tout proche, des bagarres éclatent sur fond de tensions communauta­ires. Pendant plusieurs jours, l’impasse des Liserons est sous haute surveillan­ce. Les petits dealers qui occupent habituelle­ment le terrain ont déguerpi. Les voitures abandonnée­s partent en fourrière et la police filtre les entrées et les sorties du secteur.

« Qu’on me transfère des pouvoirs de police et j’embauche 80 policiers municipaux », avait tempêté Christian Estrosi durant l’été.

« Au 31 décembre les effectifs en service à Nice seront de 779, promet le ministre, soit 60 supplément­aires.

« Je m’engage à poursuivre la remise à niveau des effectifs en 2021 ».

Nice est également retenue pour tester « une extension des compétence­s de la police municipale ». Les syndicats de la police nationale obtiennent, eux, une prime de fidélisati­on avec le classement de Nice en zone difficile, ce qu’ils réclamaien­t depuis des années. Quant aux soixante policiers nationaux supplément­aires promis pour Nice, ils ont pris leur fonction. Les deux derniers arriveront en ce début janvier.

 ?? (Croquis Rémi Kerfridin) ?? Le  juillet, les assaillant­s ont tiré devant le supermarch­é après avoir remonté en courant l’avenue Martin-Luther-King.
(Croquis Rémi Kerfridin) Le  juillet, les assaillant­s ont tiré devant le supermarch­é après avoir remonté en courant l’avenue Martin-Luther-King.

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