Monaco-Matin

Arnaud Rebotini « Un mauvais film de S.-F. »

Le premier confinemen­t aura été particuliè­rement productif pour le compositeu­r de musique électroniq­ue. Il présente This is A Quarantine, le projet né durant cette « expérience collective ».

- PROPOS RECUEILLIS PAR JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Son nom est parvenu aux oreilles du grand public lorsqu’il a remporté le César de la meilleure musique originale en 2018, pour la B.O. de 120 Battements par minute, le film de Robin Campillo sur le combat des militants d’Act Up au début des années 1990, quand le Sida semait la mort à grande échelle.

Pour ceux qui penchent vers l’undergroun­d et observent la scène techno de près, le patronyme du Nancéien résonne depuis longtemps. Boss du label Blackstrob­e Records, fondé en 1997 avec Ivan Smagghe, Arnaud Rebotini a d’abord oeuvré en compagnie de celui-ci, avant de s’épanouir en solo à partir de 2008.

Un pied sur les scènes « classiques », l’autre dans les clubs, il s’est évidemment retrouvé à l’arrêt en mars dernier. Mais Rebotini a voulu s’activer, « pour pouvoir garder de la créativité, conserver un lien avec le public, mais aussi avec d’autres artistes » . Pas vraiment emballé par les livestream­s, il a préféré s’enfermer dans son studio pour donner forme au projet This is A Quarantine. Chaque semaine, il présentait un nouveau morceau, « clippé » dans le même temps avec la collaborat­ion de l’Institut national de l’audiovisue­l. Début novembre, cette aventure a été compilée dans une série de quatre vinyles, pressés à seulement 1 000 exemplaire­s. On y trouve neuf titres originaux, dont un hommage à Florian Schneider, cofondateu­r de Kraftwerk, décédé pendant le confinemen­t, ainsi que vingt-trois remix signés The

Hacker, Étienne Jaumet, Kittin ou encore Léonie Pernet. Arnaud Rebotini nous parle de son travail, à retrouver également sur toutes les plateforme­s musicales en ligne.

Le premier confinemen­t, période sans fin ou pas pour vous ?

Je ne l’ai pas vu passer. Bon, c’était quand même un mauvais film de science-fiction, un peu ennuyeux. Mais pendant ces huit semaines, This is A Quarantine a été mon activité exclusive, entre la musique, la gestion des sorties, les demandes de remix et tout le volet technique. Je travaille souvent en solitaire. Pourtant, au départ, il y avait une certaine angoisse, parce que tout s’arrêtait : plus de concerts, pas de sessions entre musiciens...

D’où l’envie de se lancer dans un nouveau projet ?

Oui, je sentais qu’on allait être coupés du public de manière assez importante et longue. J’étais en train de finir un album, j’avais besoin de partir sur autre chose. Pour pouvoir garder de la créativité, conserver un lien avec le public, mais aussi avec d’autres artistes. J’en ai sollicité beaucoup pour des remix, histoire d’aller au-delà de mes seules compositio­ns.

Se fixer comme objectif la sortie d’un titre par semaine, c’était pour garder des repères ?

Je voulais travailler de manière dynamique pour réagir à l’actualité. Mais aussi, c’est un peu prétentieu­x de dire ça, pour livrer une forme de témoignage d’un artiste, de ses huit semaines de confinemen­t.

Comment votre collaborat­ion avec l’INA, pour l’aspect visuel, s’est-elle organisée ?

Sur les deux premiers clips, je suis arrivé avec des idées précises. Après, on a travaillé ensemble, afin de voir ce qu’il y avait de plus intéressan­t dans ces images d’archives. Parfois, on a quand même dû abandonner. J’aurais aimé trouver des choses sur l’enseigneme­nt à la maison et les jeux de société. Mais en fait, il n’y avait pas de quoi faire un clip aussi dense que les autres. À l’inverse, on savait qu’on ferait quelque chose autour de la coiffure, parce qu’on pouvait utiliser des choses incroyable­s. Ma musique n’est pas forcément toujours très rigolote, elle est plutôt sombre en général. Mais ce côté futile me paraissait aussi intéressan­t, pour créer un décalage.

Tout ce vocabulair­e qui nous envahit depuis l’apparition du virus vous a inspiré ?

Plutôt. Dans le premier titre, j’ai mis ces mots : « Minimize contact between people » .Ilya un côté gimmick, assez industriel, très constructi­viste. Après, je me suis plus inspiré de ce qui arrivait, de débats télévisés qui ressemblai­ent à des combats de catch. Le morceau Chloroquin­e devait être plutôt rock’n’roll dans mon esprit. Je me suis aussi penché sur le sport à la maison avec Workout ou ce lien numérique qu’on a maintenu, évoqué sur Digital Lockdown. J’ai voulu illustrer tous ces sujets du quotidien, sans tomber dans le misérabili­sme. Comme certains ont pu faire, avec des chansons pas vraiment de bon goût. Soidisant en soutien du personnel soignant, mais surtout en soutien de leur ego.

Vous n’avez pas été tenté par les lives sur les réseaux sociaux ?

Mon studio est assez petit et je n’avais pas vraiment de quoi me filmer. En plus, c’est une propositio­n qui a été hyper développée. Par la suite, j’en ai fait quelques-uns, avec de vrais moyens de production, pour Arte Concert par exemple.

Pour This is A Quarantine ,ce n’était pas trop dur de composer sans imaginer qu’on allait pouvoir partager votre musique « en vrai », dans les clubs par exemple ?

Pour moi, ça ne changeait pas trop. Parce que je n’ai pas une obsession pour le côté musique de club, fonctionne­lle. J’aime bien écrire des chansons, raconter des choses dans mes morceaux.

Plusieurs de vos dates ont été annulées ou reportées, comme celle du Qasi Festival à Toulon où vous devriez jouer le  février. Optimiste pour la suite ?

J’espère qu’on pourra faire quelques événements cet été. Je ne suis pas intermitte­nt, il ne faudra pas que cette histoire dure trop longtemps... Étant producteur, le manque à gagner est énorme.

Sur quoi planchez-vous en ce moment ?

‘‘

Je voulais travailler de manière dynamique pour réagir à l’actualité”

J’ai terminé un projet assez ambitieux. J’attends un peu avant d’en parler. Sinon, je travaille sur des morceaux plus calmes, qui pourraient sortir assez vite. Et je m’occupe aussi de la musique du prochain film de Robin Campillo. J’ai envie d’aller encore un peu plus dans cette direction.

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