Robert Hossein, le repos du guerrier a sonné
Homme de tous les défis, prêt à tout pour aller au bout de ses rêves scéniques, grand habitué de nos rivages azuro-varois, l’éternel amant-aventurier Joffrey de Peyrac s’est éteint à 93 ans
Aussi fougueux que le héros de la saga des Angélique, Robert Hossein a donc fini par rendre les armes, hier matin, dans un hôpital parisien, quelques heures après avoir soufflé ses quatrevingt-treize bougies, emporté par des complications liées à la Covid-19. De la mise en scène à l’interprétation, de l’écriture aux scénarios, du polar à la méga fresque historique, du roman d’amour aux barbaries de la guerre, l’artiste aura su, tout au long de sa carrière débutée en 1948, sans cesse se réinventer.
Blessures jamais refermées
Ainsi dans son one-man show autobiographique de 2010, qui faisait voyager de l'Occupation à l'âge d'or du cinéma français, apparaissaient pêle-mêle à l'écran Michèle Alfa, comédienne dont il était fou amoureux à 14-15 ans, Boris Vian, Jean Genet ou Sartre, rencontrés alors qu'il traînait ses guêtres du côté de Saint-Germain-des-Prés, Frédéric Dard, son « meilleur ami »... Brigitte Bardot aussi, à qui il avait donné la réplique devant les caméras de Vadim en 1962 dans Le Repos du guerrier. Il partageait l’amour des animaux de celle qui était devenue une proche. Tout autant que Jean-Paul Belmondo qu’il dirigea dans Cyrano de Bergerac et côtoya sur le plateau du Professionnel.
« C'est un fou furieux, mais il est de ces gens qui font du bien au monde », s’exclamait Jacques Weber. Comme pour Danton, De Gaulle, Ben-Hur ou Bonaparte,
Mylène Demongeot
« Je suis vraiment très triste d’apprendre le décès de Robert Hossein. [ .... ] Robert, c’était un grand personnage. Un grand homme de théâtre, mais aussi du cinéma à la fois comme acteur et comme réalisateur. [...] A l’époque de la série des Angélique, toutes les filles étaient folles de lui ! Robert a toujours été adorable avec moi. Chaque fois qu’on se rencontrait [...] il me disait : “Mais pourquoi on n’a pas tourné ensemble ? C’est trop bête”. Je lui répondais que c’était simplement parce que les producteurs n’avaient pas décidé alors de nous réunir dans un film ou un autre. J’aurais eu beaucoup de plaisir de tourner avec lui, et apparemment lui aussi. C’était un homme qui j’aimais beaucoup. C’était un grand charmeur. »
Brigitte Bardot
« Avec Robert Hossein, ce magnifique acteur, c’est toute une génération de talent et d’élégance qui disparaît à jamais. Il avait le charme slave, un talent d’acteur et de metteur en scène qui éclaboussait le théâtre et le cinéma. Son coeur d’or séduisait son public. Que mon merveilleux guerrier repose en paix. »
il s’évertuait à mettre en scène « du théâtre tel qu’on n’en voit qu’au cinéma ».
Il avait beau puiser son énergie dans la démesure, Robert Hossein, conscient que les biens acquis sur Terre n’étaient que provisoires, ne jouait jamais les moralisateurs et fuyait le titre de « monstre sacré » dont il était souvent affublé. Mystique, évadé de la culture du gadget et de la gratification immédiate qui brouille l’essentiel, il voulait croire en ce qui fait de l’autre un être spirituel. Pas cathodique.
« L’Homme doit se construire avec sa part d’ombre même s’il est écrasé par un monde qui le dépasse. C’est en m’étant perdu, égaré que j’ai appris. A une époque, quelque chose s’est brisé dans ma vie… », égrenait-il chez son ami-mécène, François Pinault où il avait ses habitudes l’été à Saint-Tropez. A l’évocation de Michèle Watrin, son amour dramatiquement disparu dans les flammes lors d’un accident de voiture, son regard s’emplissait de larmes… A l’image de la cicatrice barrant le visage de Joffrey de Peyrac, certaines blessures ne se sont jamais refermées.
Programmé par le mystère...
Dans la rencontre, Robert Hossein n’en finissait plus de se confier, passionnant, bouillonnant, émouvant... Vous prenait par le bras lorsqu’il évoquait les histoires que lui racontait son père compositeur, vous appelait « Vieux » comme dans un roman de Salinger, gesticulait les bras au ciel lorsqu’il s’emportait à propos des intellectuels donneurs de leçons, tonnait contre un monde sans spiritualité, arborait l’air grave en disant qu’il n’allait « pas tarder à [se] présenter làhaut »…
Avant de conclure de sa voix éraillée : « A présent j’ai compris qu’il est dérisoire de se vanter d’avoir le plus grand ceci ou d’être le plus grand cela. Quand la réussite personnelle ne t’obsède plus, c’est merveilleux. On peut enfin aspirer à quelque chose de supérieur, transmettre à ses semblables… Car sur Terre, nous ne sommes que des relais programmés par le mystère, mon frère ».
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