Monaco-Matin

Le cycliste perd un oeil dans une altercatio­n :  ans pour l’automobili­ste

- G. L.

Le 15 février 2017, avenue Saint-Lambert à Nice, un automobili­ste double un vélo mais le serre contre le trottoir. S’estimant mis en danger, le cycliste – agrégé de maths de 71 ans – frappe sur la carrosseri­e. L’automobili­ste, Ahmed Hennachi, 26 ans, s’arrête en pleine voie. Il descend et assène, sans mot dire, un coup de poing terrible qui fait éclater l’oeil gauche du retraité. La victime bascule en arrière. Le cycliste affirmera plus tard avoir été roué de coups au sol. « Je me souviens du talon de la chaussure s’abattant sur moi. »

Le fringant septuagéna­ire, qui organisait sa vie en fonction de ses activités sportives, y a perdu l’oeil et ses espoirs de retraite bien remplie. Sept opérations successive­s l’ont laissé sans forces, affaibli. Ahmed Hennachi comparaiss­ait lundi devant le tribunal correction­nel présidé par Alain Chemama. Il a désormais 30 ans. Son allure posée et son casier vierge contrasten­t avec les faits, d’une grande violence. «Il s’est acharné sur lui, c’était très rapide et violent, il prenait de l’élan sur des gestes amples et il donnait des coups de la pointe des pieds, comme s’il tapait dans un ballon », affirmera un témoin. Le prévenu conteste. Le coup de poing, oui. Les coups de pied au sol, non. Enfin, ce n’est pas si clair, il dit ne pas se souvenir de tout.

Qu’est-ce qui a pu conduire cet agent de sécurité sans histoires – au chômage au moment des faits – à se déchaîner ainsi ? Dans sa voiture, ce jour-là, se trouvaient sa soeur, son beau-frère et un enfant.

« Sa vie a basculé »

La réponse est peut-être à chercher du côté de son père, mourant. Ahmed Hennachi venait de passer la nuit à son chevet, et l’avait quitté pour aller prendre une douche, sur l’insistance de sa maman. Son père est décédé à cet instant. Ahmed Hennachi retournait donc voir la dépouille du paternel, aux côtés de sa famille qu’il avait récupérée, quand la rencontre avec le cycliste s’est produite.

« Il y avait un manque de sommeil certain, un état psychologi­que particulie­r », a plaidé son avocate, Me Audrey Vazzana. « On s’est croisés le jour où il ne fallait pas », a maladroite­ment résumé le prévenu qui, à plusieurs reprises, a dit regretter son geste.

Pas de quoi satisfaire la partie civile. Le retraité était représenté à l’audience par Me Catherine Cottray-Lanfranchi. « Ce jour-là, sa vie a basculé », a-t-elle résumé. «Peu me chaut que M. Hennachi ait été perturbé. (…) Rien ne peut justifier son attitude. Il a utilisé mon client comme un punching-ball. » Sept opérations sous anesthésie générale ont laissé des douleurs physiques et psychologi­ques irréversib­les. « Rien ne peut justifier un tel déchaîneme­nt de violence, pas même l’état dans lequel il était », a renchéri Clotilde Ledru-Tinseau, procureur. Le prévenu a finalement été condamné à quatre ans de prison dont deux avec sursis probatoire. Contrairem­ent aux réquisitio­ns du procureur de la République, son véhicule n’a pas été saisi. La victime s’est vue octroyer 30 000 euros de provisions. L’affaire a été renvoyée sur intérêts civils. C’est là que se jouera le reste du dossier, devant la Commission d'indemnisat­ion des victimes d'infraction­s. La partie civile réclame près de 118 000 euros.

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