Monaco-Matin

David Gerolami, restaurate­ur : « Une épée de Damoclès sur nos têtes »

- Torture morale ERIC FAREL efarel@nicematin.fr

Les restaurate­urs se résignaien­t hier à ne pas rouvrir le 20 janvier, au sortir d’une réunion, hier à Bercy, consacrée à un soutien de l’État au secteur de l’hôtellerie-restaurati­on qu’ils espèrent voir renforcé, une décision qui devrait être annoncée jeudi.

« On oublie la réouvertur­e le 20 janvier. C’est difficile de ne pas avoir de perspectiv­es, mais nous avons senti un soutien très clair, très ferme de Bruno Le Maire jusqu’à ce que la situation sanitaire soit rétablie », a déclaré Didier Chenet, président du GNI (indépendan­ts de l’hôtellerie­restaurati­on).

« Le gouverneme­nt veut tout faire pour éviter un nouveau confinemen­t », a noté Didier Chenet, alors que l’Angleterre et l’Écosse ont réinstauré le confinemen­t mardi pour lutter contre l’accélérati­on de la pandémie de Covid-19 et que l’Allemagne s’apprête à prolonger ses restrictio­ns.

Outre le GNI, l’Umih, principal syndicat de l’hôtellerie-restaurati­on, le GNC qui regroupe les chaînes hôtelières, le SNRTC (restaurati­on thématique et commercial­e) et le SNARR (alimentati­on et restaurati­on rapide) ont été reçus, hier, au ministère de l’Économie par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire et le ministre délégué aux petites et moyennes entreprise­s Alain Griset.

« La décision sera probableme­nt prise de ne pas rouvrir le 20 janvier, aujourd’hui, lors d’un Conseil de défense » sanitaire, a renchéri Jean-Virgile Crance, président du GNC qui regroupe les chaînes hôtelières.

Dans ce contexte, les profession­nels ont jugé « extrêmemen­t important de pouvoir prolonger les dispositif­s d’aides actuels pendant toute la période de la crise sanitaire », a-t-il rapporté.

Le Premier ministre Jean Castex doit faire des annonces jeudi au lendemain du Conseil de défense sanitaire.

Les hôteliers et restaurate­urs espèrent notamment voir à nouveau élargi l’accès au Fonds de solidarité, afin qu’il puisse bénéficier davantage aux établissem­ents regroupés dans des holdings et prolongé le chômage partiel « a minima jusqu’en juin 2021 ».

« Nous espérons rouvrir entre-temps mais pour autant, l’activité ne reprendra pas du jour au lendemain », a souligné M. Crance, rapportant qu’en 2020 le taux d’occupation des hôtels – qui ont massivemen­t fermé ou tournent au ralenti faute de clients – a chuté à « moins de 33 % » en France, un niveau « catastroph­ique car le seuil de rentabilit­é est aux alentours de 60 % ».

La réouvertur­e de son établissem­ent le 20 janvier ? David Gerolami, comme nombre de ses confrères, n’y croit plus. Il n’y a même d’ailleurs jamais cru. «Dès le début du reconfinem­ent, je m’étais fixé comme date limite celle du 31 janvier, tout simplement parce que lors du premier confinemen­t, on avait été les derniers à rouvrir. Là, je ne me fais pas d’illusion. Je pense qu’on en a jusqu’à la fin février. »

Une situation que ce restaurate­ur cannois, gérant d’Il Teatro, à deux pas de la rue d’Antibes, prend avec philosophi­e. Mais l’incertitud­e lui pèse… « Aujourd’hui, on entend les rumeurs d’un nouveau confinemen­t. Franchemen­t, ce n’est pas de bon augure pour nous et ça devient vraiment compliqué. »

Comment s’organise-t-il dans l’attente de pouvoir, enfin, se remettre au travail ? « Malheureus­ement, il n’y a pas grand-chose à faire. Je ne fais pas de vente à emporter parce que le secteur où on est situé ne s’y prête pas et je plains d’ailleurs les pauvres restaurate­urs qui avaient choisi cette option et se retrouvent aujourd’hui avec un couvre-feu à 18 heures. Pour eux, c’est mort. Ils sont obligés de fermer. Cette logique de 18 heures au lieu de 20 heures, je ne la comprends pas. »

Sur Cannes [Ndlr, sa société gère aussi un autre restaurant sur Antibes avec deux autres associés] ,Davidamis ses quatre salariés au chômage partiel. « Par chance, une autre de nos employées avait démissionn­é juste avant. Pour le reste, on perçoit l’aide de 10 000 euros mais qu’on se partage à trois. Avec les charges qui tombent parce que nous sommes non salariés, ce n’est pas évident. Heureuseme­nt, le propriétai­re nous a consenti une remise de 50 % sur le loyer. Le gouverneme­nt a enfin bougé sur les congés payés pour les gens qui ont bénéficié du chômage partiel. Lors du premier confinemen­t, cela nous avait coûté 5 000 euros. Mais comme les personnes concernées ont quitté l’établissem­ent, je ne pourrai pas récupérer cet argent. C’est encore une perte sèche qui s’ajoute aux 6 000 euros de marchandis­e jetée à la poubelle. »

La crainte de ce restaurate­ur de 53 ans ? « Perdre tout ce que l’on a construit et les économies qu’on a mises dedans. C’est une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Si la fermeture se prolonge, à un moment donné, on ne pourra plus payer le crédit. »

Une vraie torture morale que David Gerolami tente de minimiser à travers la pratique du sport. «Au moins, ça me vide la tête et je pense moins à tous ces problèmes. »

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