Monaco-Matin

Le Cannet, Nice, Antibes : le procès d’apprentis proxénètes et de leurs salons de massages

- JEAN STIERLÉ

Cinq prévenus, ex-gérants de salons de massages, à Nice, Antibes et Le Cannet qui ont comparu mardi devant le tribunal judiciaire de Grasse. Les faits reprochés remontent à une période allant d’avril 2014 à octobre 2016. Tous ne comptent aucune mention à leurs casiers judiciaire­s et sont bien insérés dans la société. Des individus qui ne présentent pas le profil de souteneurs expériment­és : « Des comme ceux-là, je n’en ai pas vu beaucoup en vingt-cinq ans de carrière », soutiendra un avocat de la défense. Des « Messieurs tout le monde » et une ex-masseuse reconverti­e, qui ont investi dans un commerce qu’ils pensaient lucratif après étude de marché. Conseillés par d’ex-petites amies fréquentée­s un moment dans le milieu du « massage naturiste », ces apprentis proxénètes y ont investi leurs économies. Il y avait là, Vincent, un

Parisien de 55 ans installé à Nice, cadre bancaire, trente et un ans de boîte et viré après avoir été cueilli dans son agence par les gendarmes, appréhendé en complet veston, menottes aux poignets devant le personnel médusé. Tous ont été dénoncés par des lettres anonymes parvenues à la maréchauss­ée.

Une activité complément­aire

À la barre, interrogé par le président du tribunal Christian Legay, Vincent déclare : « J’ai monté cette société (Salon Magnifi’sens, Le Cannet) uniquement pour gagner de l’argent. Une activité complément­aire à mon emploi. La banque était au courant. J’ai toujours respecté la loi. Pour moi, le massage naturiste était légal. J’ai essayé d’être un patron exemplaire. » Il y a aussi son associée, Annie, 36 ans, native de Madagascar. La jeune femme, alias « la Chinoise », est une ancienne employée des trois autres prévenus : Yohan, un Niçois de 40 ans, Kevin un Antibois de 31 ans et Fabien, un Cannois de 30 ans qui géraient eux aussi les autres salons de massages, aux noms tout aussi évocateurs : Harmonie bien-être, BodySpa, Zen-Orchidée, enseignes aujourd’hui liquidées.

À la barre la jeune femme avoue « s’être prostituée par le passé »

pour ensuite se reconverti­r dans le massage et avoue : «Onavoulu monter une affaire propre, on a sensibilis­é les masseuses pour éviter les dérapages. On était dans la sensualité pas dans la sexualité ! »

Expression ambiguë qui ne trompe personne, puisque l’enquête a mis en évidence que les prestation­s proposées pouvaient inclure « des petits plus, également qualifiés de... finitions ! » . Les clients attirés par des publicités sur l’ex-rubrique « Erotica » d’un site de petites annonces sur Internet avaient le choix entre plusieurs « formules » tarifées entre 90 et 150 euros dont le « BodyBody réciproque » qui permet des contacts qui n’ont plus rien à voir avec des massages même naturistes et relaxants !

Des caméras vidéo dans le salon des deux associés du Cannet permettaie­nt de « surveiller » les employées et même un client « mystère » était intervenu pour vérifier la bonne tenue de l’établissem­ent. Pourtant certaines photos extraites des enregistre­ments ne laissent aucun doute sur des positions plus proches du Kamasutra que du massage aux onguents parfumés. « On savait que les clients pouvaient se... “libérer” seuls », avouera Annie sans sourciller, « mais on a même licencié une masseuse qui n’a pas respecté notre charte, on n’était pas avec elles dans la cabine. Elles avaient pour consignes d’éviter les parties intimes ».

Les trois autres prévenus, qui témoignent, dépassés par les événements et honteux de la situation, ont dû se résoudre à entendre qu’ils étaient bien poursuivis pour proxénétis­me aggravé et exécution d’un travail dissimulé, et agissaient en réseau, entre leurs différents salons.

Pour le procureur de la République Annabelle Salauze : « Il s’agit bien de prostituti­on et de proxénétis­me puisqu’on est bien dans le cadre d’un emploi de son corps pour satisfaire les besoins sexuels d’autrui moyennant une rémunérati­on. » Elle requiert de 12 à 18 mois de prison avec un sursis de 6 mois à un an et 30000 d’amende.

Le tribunal rendra son délibéré le vendredi 5 février à 14 heures.

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