Monaco-Matin

Rapt Veyrac : « La vérité on ne l’a jamais sue »

- CHRISTOPHE PERRIN chperrrin@nicematin.fr

La patience de Patrick Veron, le président de la cour d’assises, est mise à rude épreuve. Il soupire bruyamment. Les témoins, qui se succèdent à la barre, ont prêté le serment de parler sans haine et sans crainte, mais ne se souviennen­t de rien ou de si peu. L’incarcérat­ion de jeunes des Moulins dans le cadre de l’enquête sur l’enlèvement de Jacqueline Veyrac avait pourtant fait grand bruit dans le quartier.

Achraf, 24 ans, l’un des treize accusés, comparaît libre après dix-huit mois de détention. Il explique avoir été sollicité par Ali Gueffaz pour lui trouver du scotch et un matelas. Jamais, jure-t-il, il ne s’est douté des intentions crapuleuse­s de son interlocut­eur.

« Longo », « Yeux bleus » et « Sans dents »

Les empreintes génétiques d’Achraf ont été découverte­s dans le Kangoo où était séquestrée la victime. Il a été arrêté puis placé en détention pour complicité. À l’écouter, avoir simplement « rendu service » lui fait encourir aujourd’hui vingt ans de réclusion.

À l’époque des arrestatio­ns, les proches d’Achraf veulent comprendre et remuent ciel et terre. Imed, son frère mène sa propre enquête dans le quartier, écoute les rumeurs : « J’avais la rage, je voulais savoir », affirme-t-il. Ses investigat­ions sont instructiv­es surtout... pour la police judiciaire qui avait pris soin de placer divers suspects sur écoute, y compris en prison.

La crainte de représaill­es

Même si Imed, mal à l’aise, assure, mercredi, devant la cour et les jurés, « ne rien avoir compris à cette histoire », des noms reviennent régulièrem­ent dans les conversati­ons téléphoniq­ues : Bassem Ben Fekih, surnommé « Longo », Ali Guefaz alias « Yeux bleus », Wjadi Ben Hamroun dit « Sans dents ». Tous nient leur participat­ion... Les trois, soupçonnés d’avoir composé le trio de ravisseurs du 24 octobre 2016, ont pris place depuis huit jours dans le box des accusés aux côtés des commandita­ires présumés, Giuseppe Serena et Philip Dutton. Les témoins des Moulins ou de la rue Jean-Vigo qui défilent à la barre mercredi n’aident pas beaucoup à la manifestat­ion de la vérité. Les non-dits, les échappatoi­res et les amnésies s’accumulent et le président Veron s’impatiente.

Seule Samia, la compagne d’Achraf, semble s’exprimer sans contrainte : « Achraf, je le connais depuis sept ans. Il est très gentil. C’est un nounours. J’ai confiance en lui et je sais qu’il n’a rien à voir avec tout ça. Je sais qu’il a donné un matelas et mis des scotchs sur une voiture à la demande d’Ali Guefaz. »

L’avocate générale Annie Brunet-Fuster, salue « la spontanéit­é » de la jeune femme qui assume ses propos malgré la pression de la cité. Sarah, la soeur d’Achraf, évoque sans détours « des représaill­es » aux Moulins sur sa famille, accusée d’avoir été trop curieuse, d’avoir trop parlé. « Je ne suis plus retournée dans ce quartier. Je ne vois plus mon petit frère à cause de cette histoire. » , regrette-t-elle. Tout en ajoutant, prudente : « La vraie vérité, on ne l’a jamais sue. »

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(Photo Sébastien Botella) Les témoins cités à la barre étaient peu bavards, hier, au grand regret du président Patrick Veron.

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